Si vous êtes abonné aux comptes sociaux, vous avez dû forcément croiser des Trolls. Peut-être vous ont-ils attaqué, intrigué ou causé beaucoup de mal comme Stéphanie de Vanssay.
Cette enseignante navigue sur les réseaux sociaux pour partager des idées et des méthodes d’éducation alternative en lien avec le changement numérique. Elle a ouvert un compte Twitter sur le sujet où arrivèrent une bande de Trolls anti-pédago qui vinrent semer une guerre psychologique et la harceler avec une flopée de tweets agressifs et insultants.
Touchée, mais pas coulée par ces Trolls, Stéphanie de Vanssay s’est redressée pour étudier de près ces individus qui se métamorphosent en diable derrière leurs écrans pour apprendre à mieux les connaître, et peut être à mieux les comprendre.
Les 4 profils de Trolls
Antonio Casilli, sociologue, a consacré un article sur les Trolls dans lequel il distingue 4 principaux profils :
1. Le pur et dur.
C’est le Troll classique, bête et méchant, qui inonde de commentaires pourris les médias sociaux qu’il fréquente.
2. L’hybride.
Celui-là fait double emploi. En plus de troller, il complète sa néfaste entreprise avec le hack (détournement du compte) ou le fake (répandre des fake news).
3. Le Troll malgré lui.
Cela arrive quand des utilisateurs sont convaincus d’avoir affaire à des trolls. Pour se défendre, ils attaquent avec la même agressivité et ne sont pas conscients qu’ils trollent eux-mêmes.
4. Le militant.
C’est le client furieux de la prestation d’un service, qui faire connaître sa colère à l’entreprise coupable en lui envoyant un tourbillon de messages rageux sur son compte Facebook.
Les Trolls derrière l’écran
A les lire, les Trolls paraissent être des gens parfaitement abominables et infréquentables. Il n’en est pourtant rien une fois qu’on les a en face de soi. Stéphanie de Vanssay a eu l’occasion de le vérifier par elle-même en allant directement affronter ses Trolls. Derrière des mots impitoyables, se trouvaient des personnes craintives et seules.
En clair, les Trolls sont plus pathétiques que dangereux. « Le roc semble être un roc et semble tout assumer, même l’inacceptable, cependant il est très souvent caché derrière un pseudo et n’assume en fait pas grand-chose. » C’est exactement le même comportement que celui qui se donne un joli masque social que pour mieux cacher sa timidité et son mal-être.
Les personnes attentives reconnaissent quand cela sonne faux. Pour ce qui est des Trolls, le masque n’a plus lieu d’être, parce que pour beaucoup, ce qu’il se passe sur les réseaux sociaux n’est pas la réalité. Donc pour eux cela n’existe pas.
La double vie des Trolls
Cette impression de participer à une fiction quand ils naviguent sur les réseaux sociaux explique pourquoi beaucoup de Trolls ne sont pas conscients de ce qu’ils provoquent chez leur victime. Pour eux les réseaux sociaux n’ont aucune réalité, mais pour leur victime c’est une blessure bien réelle. Stéphanie de Vanssay raconte : « J’ai assisté à une audience où deux personnes étaient poursuivies pour « appel au viol » ou « appel au meurtre » en ligne et j’ai constaté que leurs « explications » semblaient sincères. […] les deux hommes semblaient sidérés d’avoir été identifiés et d’être poursuivis pour des propos tenus sur Internet, comme si ces derniers n’étaient pas réels. ».
Si ce n’est pas pour réellement blesser les gens, alors par quoi est-on motivé quand on veut troller ?
Que veulent les Trolls ?
Pourquoi on trolle ?
D’après les recherches de Stéphanie de Vanssay, voici les principales motivations qui animent les Trolls :
Le goût du jeu
La recherche de l’attention
L’effet domino : avoir le plus grand effet possible pour la plus petite action
Le plaisir de la transgression
Le plaisir de faire perdre du temps aux autres
Evacuer sa haine
Il est intéressant de noter qu’à part évacuer sa haine, les autres motifs ne sont pas voués à ce que les Trolls soient particulièrement agressifs. On peut jouer avec les autres, rechercher l’attention en faisant le pitre. On peut également choquer (le plaisir de la transgression) sans appeler au meurtre ou au viol.
En clair, pourquoi les Trolls se montrent ils aussi virulents ?
Pourquoi les Trolls se lâchent sur le web ?
L’anonymat.
Personne ne nous connaît, on sort de l’étiquette de « timide de service » pour oser affirmer ses positions. La meilleure défense étant l’attaque, ils sortent les dents.
L’invisibilité.
Personne ne nous voit, ce qui met davantage en confiance pour se dévoiler.
L’invisibilité de l’autre.
Parce qu’ils ne voient pas le visage de leurs interlocuteurs, pour certains Trolls, les utilisateurs des réseaux sociaux sont des abstractions plus que des gens réels. Inconsciemment, ils ont l’impression que tout se passe dans leur tête, ce qui est propice à la désinhibition.
L’impression d’irréel.
C’est l’idée que ce qu’il se passe en ligne n’est pas réel. Le sentiment de responsabilité civile et sociale s’envole et on ne retient pas ses coups.
L’absence d’autorité.
Il n’y a pas réellement de police du web, et les Trolls restent assez impunis pour leurs méfaits. Deux raisons pour lesquelles ils se permettent de dépasser les limites, qu’ils ne franchissent pas une fois qu’ils sortent de chez eux.
Arrivé à ce stade, on comprend que les Trolls ne sont pas de dangereux psychopathes. Ce sont des gens pas forcément heureux dans leur vie, fatigués et frustrés. Leur impulsivité témoigne d’un mental préoccupé et débordé, on peut alors comprendre pourquoi ils ne réfléchissent pas à ce qu’ils font. Leur moyen d’évacuer leur frustration c’est de troller.
Toutefois, si cela peut engranger de graves répercussions psychologiques sur leur victime et qu’ils entravent l’ensemble de la communauté qui souhaite juste communiquer en bonne intelligence, Antonio Cassilli note qu’il y a des bons côtés à la présence des Trolls.
Le bon côté des Trolls
« Le troll est somme toute utile, car son action permet au groupe de fixer la norme de ce qui est acceptable ou non. Au-delà de ces aspects, le troll contribue à définir la communauté et l’aide même parfois à vivre. » Si les membres du groupe sont trop sur la retenue, la présence d’un volcanique Troll sans complexe aide à délier la parole.
Pour éviter que le Troll sème la zizanie, il faut savoir le cadrer et lui répondre s’il nous attaque. Tâche des plus difficiles. Car concrètement, converser avec un Troll revient à discuter avec un adolescent grossier en pleine crise de rébellion.
Alors comment répondre aux Trolls sans prendre de l’aspirine dans les 30min qui suivent ?
Comment répondre au cyber-harcèlement et survivre aux Trolls ?
Ne pas entrer dans le jeu
Les Trolls sont des gens qui évacuent leur trop plein de rancœur dans leurs Twittes. Voici quelques consignes pour ne pas tomber dans le jeu :
Ne répondez jamais tout de suite.
Imposez plutôt votre tempo en répondant quand vous voulez.
Ne vous justifiez jamais.
Le Troll n’explique pas ses propres propos choquants, on n’a donc pas à le faire.
En renonçant à avoir le dernier mot.
Les têtes de Troll sont aussi dures que celles des bourriques.
Avoir des alliés.
Comme certains Trolls chassent en meute (#laleaguedulol), on peut utiliser le même esprit d’équipe en se mettant à plusieurs pour tourner le Troll en dérision, et le faire fuir. Méthode 100 % efficace.
La meilleure des vengeances
La méthode la plus efficace pour déstabiliser un Troll est de garder son calme quand celui-ci cherche à tout prix à vous le faire perdre. Pour ce faire, il vous faudra accueillir tous les commentaires des Trolls de façon la plus positive possible :
Au cas où le Troll s’énerve, restez calme.
Au cas où le Troll devient insultant, remerciez-le en jouant à l’imbécile heureux.
Si le Troll est de mauvaise foi, jouez l’humilité en admettant ne pas tout savoir.
Au cas où le Troll tient des propos choquants, affichez le devant tout le monde et pointez les raisons qui font que ses propos sont inadmissibles.
Au cas où le Troll devient harcelant, bloquez-le et passez à autre chose.
La valeur des choses
La valeur des choses se mesure au temps et à l’énergie qu’on leur consacre. Un inconnu qui se cache derrière un pseudo ne devrait pas nous déstabiliser ou user notre énergie mentale, autant qu’un proche qui nous connait très bien.
Les Trolls recherchent une forme de reconnaissance. C’est un choix que de leur donner ou non. La bonne question à se poser pour le faire est donc : est-ce que ce Troll vaut la peine que je lui consacre du temps et de l’énergie, au détriment de mes proches ? Si vous doutez encore, voici 3 autres bonnes raisons de ne pas lire les Trolls et de les bloquer purement et simplement.
3 bonnes raisons de ne pas lire les Trolls
Ne pas lire les Trolls c’est leur enlever leur pouvoir de nuisance puisqu’ils n’ont plus d’impacts émotionnels sur nous
Nous ne perdons pas de temps à discuter avec des gens qui ne sont pas constructifs et dont les arguments n’apportent rien.
En ne les lisant pas, nous ne sommes pas tentés de nous enfoncer dans un champ de bataille où notre état mental et émotionnel sera mis à mal.
Sortir les Trolls de sa vie est une excellente façon pour ne pas se laisser empoisonner l’esprit par eux. Si vous êtes des courageux qui décident malgré tout de dialoguer avec les Trolls, voici quelques astuces pour qu’ils ne ternissent pas votre joie de vivre et votre sérénité d’esprit.
Quand les Trolls contribuent à notre bonheur
Se souvenir de pourquoi on est en ligne
Nous allons sur le web par amusement, pour s’exprimer, partager ou informer, se forger des opinions, mieux se comprendre, chercher de l’aide, etc. Les raisons sont nombreuses mais aucune ne consiste à vouloir se faire pourrir par les Trolls.
Une fois que l’on a bien conscience de sa motivation première, on est ancré et on ne se laisse plus embarquer dans les aventures périlleuses des autres.
La méthode pour sourire aux Trolls
Stéphanie de Vanssay recommande la méthode d’une coach en développement personnel, Brooke Castillo qui s’appuie sur les méthodes de communication non-violente pour apprendre à prendre du recul face aux Trolls. Il s’agit de détailler les étapes d’une conversation qui nous fait réagir négativement :
Décrire les circonstances neutres : on m’envoie un message sur twitter.
Repérer la pensée que ces circonstances déclenchent en nous : un message agressif qui ne respecte rien ni personne.
Nommer l’émotion que cette pensée engendre : la colère.
Observer l’action ou l’inaction qui découle : répondre de façon toute aussi agressive.
Evaluer le résultat produit : encore plus énervé car je passe pour quelqu’un qui manque de sang-froid.
La procédure pour changer le résultat est la suivante :
Il faut agir sur ce quoi nous avons prise : nos pensées (« chouette un message de troll, je vais m’entrainer à me calmer et à prendre sur moi ou à détecter ses biais cognitifs)
Cette pensée alternative va générer d’autres émotions : humour, recul
Notre action va être différente et alignée sur notre état d’esprit :
Le résultat produit est que nous aurons dompté un Troll. Il ne nous aura pas entraîné dans sa guerre psychologique.
#dompterlestrolls
Si vous êtes actif sur les réseaux sociaux et que vous vous coltinez quelques Trolls, ce petit mémo devrait vous aider.
Source : Stéphanie de Vanssay, « Manuel d’auto-défense contre le harcèlement en ligne », éditions Dunod, 2019
Pour lire cet article, abonnez-vous gratuitement ou connectez-vous