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Publié le 28/12/2017, mis à jour le 21/12/2023
Connaissance de soi
Comment les addictions se forment-elles ?
Les rouages de l’addiction : Comprendre les mécanismes psychologique menant à la dépendance
La solitude, on la cherche ou on l’évite suivant les circonstances. Quand nous menons une vie active et familiale, s’isoler devient une nécessité pour souffler et reposer notre esprit.
De ce point de vue, la solitude est une aire de repos. En revanche, quand nous vivons seuls depuis un certain temps, la solitude devient un poids.
Comme d’habitude, tout est une question d’équilibre. Mais si la solitude peut nous être pesante, pour d’autres, et c’est ce qui nous intéresse ici, c’est carrément l’angoisse.
Catherine Audibert, psychologue et auteure de « l’incapacité d’être seul. Un essai sur l’amour, la solitude et les addictions », qualifie cette incapacité d’être seul de solitude-détresse, l’opposant à la solitude-sereine (notre aire de repos).
Au fur et à mesure de ses années d’activités, la psychologue s’est aperçue que derrière les différentes histoires et parcours de ses patients tombés dans une addiction, tous avaient un point commun: leur incapacité viscérale à être seuls. Quel est le lien entre la solitude-détresse et l’addiction? Et comment peut-on se sortir du schémas addictif ?
Comment tombe t-on dans l’addiction ou devient-on dépendant?
L’impossible sérénité
Les addictions comprennent naturellement les drogues, l’alcool et la nicotine, mais pas seulement. Elles englobent aussi tous les comportements excessifs, où on est dans le besoin et non plus dans le plaisir.
Ce qui comprend donc aussi les sex addicts, les boulimiques, ceux qui font leur ménage ou leur sport pendant 5h tous les jours de la semaine, ou encore ceux qui ne peuvent entretenir que des relations amoureuses toxiques ou dépendantes.
Je ne peux pas vivre avec toi, je ne peux pas vivre sans toi, avec en prime un schéma de domination / soumission. L’un des partenaires oubliant totalement ses besoins pour se plier aux desideratas de son partenaire.
Toutes les situations ne sont naturellement pas équivalentes. Certaines relations sont extrêmes (notamment les relations toxiques qui ne sont qu’une forme extrême de relation dépendante), tandis que pour d’autres, la relation est plus tempérée avec une alternance des rôles dominant / soumis entre les partenaires.
Quoiqu’il en soit, tout objet, toute relation ou toute activité peut devenir une addiction pour échapper à l’angoissante solitude.
« Le repli addictif est un refuge dans une solitude qui ne peut être supportable que grâce à des « drogues », pouvant devenir […] une nécessité vitale. […] C’est un traitement solitaire de sa détresse ».
Ce traitement via les addictions permet donc à celui ou celle en proie à une solitude-détresse de goûter pendant un temps éphémère à la solitude-sereine.
Mais pendant un temps éphémère seulement. Un temps court est d’autant mieux compris à la lumière des neurosciences. Mais avant de décrypter ce qu’il se passe dans le cerveau, arrêtons-nous sur la particularité de la dépendance amoureuse.
La particularité de la dépendance amoureuse
Dans son ouvrage « Sortir de la dépendance amoureuse » (Eyrolles), la psychothérapeute Hélène Roudeix nous apprend que la dépendance est une étape naturelle de la relation amoureuse. Elle incarne les débuts de l’amour, celle où les partenaires ressentent le besoin d’être toujours ensemble.
Si ce stade est naturel, sa prolongation l’est moins. La relation, après la phase passionnelle, glisse vers le schéma soumis / dominé mentionné plus tôt.
Une relation amoureuse harmonieuse est basée sur l’interdépendance. Chacun existe dans son temps et son espace, et a développé ses ressources et talents tout en pouvant bénéficier de ceux de l’autre.
Pour passer de la dépendance à l’interdépendance, les partenaires suivent deux étapes: la contre-dépendance et l’indépendance.
La contre-dépendance est le stade où les besoins et désirs de deux côtés s’affrontent. Elle vise à actualiser et ajuster les attentes individuelles et communes.
L’indépendance est le stade où chacun développe ses ressources et aptitudes propres.
Le passage d’une étape à une autre n’est pas forcément linéaire. Elle est d’ailleurs souvent cyclique et propre à la relation. Ainsi, certains couples peuvent revenir à une étape après en être sortis, ou se retrouver dans plusieurs étapes à la fois.
Dans un couple émotionnellement mature, le stade de la dépendance est court, le passage aux autres stades se fait (au mieux) naturellement et (au pire) sans crises majeures pour accéder à celle de l’interdépendance.
Cette conception de l’évolution du couple s’inspire du schéma vers l’autonomie (inspiré par le développement cognitif de l’enfant) développé par Katherine Symore, analyste transactionnelle clinicienne. Elle permet d’une certaine façon de réfléchir à la situation de son couple ou de prendre conscience d’un blocage.
Il peut sembler exagéré de comparer la dépendance amoureuse aux drogues mais il n’en est pourtant rien puisqu’il se joue exactement le même scénario dans le cerveau.
Que se passe-t-il dans le cerveau d’un addict ou d'une personne dépendante?
Accro à la dopamine
Grâce aux récentes découvertes des neurosciences, des perturbations au niveau de la sécrétion des neurotransmetteurs ont été mises en lumière et expliquent les conduites addictives.
Les neurotransmetteurs sont des hormones sécrétées par les neurones, leur permettant ainsi de communiquer et de se transmettre des informations. Leur fonction première consiste à moduler nos pensées et humeurs.
On en dénombre près de 120, dont quatre principales :
- La dopamine, responsable de la motivation et de l’intention tournée vers un but. C’est elle qui nous fait agir et anticiper un futur plaisir.
- L’adrénaline, responsable de l’ajustement aux situations d’urgence et de stress.
- La sérotonine, responsable de notre capacité à souffler, à prendre du recul et à réguler les pulsions d’agressivité.
Dans le cerveau d’un addict, c’est la dopamine qui mène la danse et actionne la recherche du plaisir à tout prix. C’est au fond de cette hormone dont sont dépendants les addicts.
Son pouvoir addictif a d’ailleurs été démontré dès 1954 par deux chercheurs Américains, J. Olds et P. Milner. Après avoir implanté des électrodes dans le cerveau d’un rat lui permettant de stimuler lui-même la zone responsable de la sécrétion de dopamine, l’animal était devenu fou. Il stimulait la zone jusqu’à 100 fois par jour, devenant complétement compulsif en oubliant même de dormir et de se nourrir.
Pour ce qui est du lien entre la dépendance amoureuse et l’addiction, deux chercheurs londoniens, Andreas Bartels et Semir Zeki, ont démontré en 2002 qu’il existait un même circuit neurologique. Dans le cerveau des amoureux transis, les régions cérébrales sollicitées (notamment celles du circuit de la dopamine) sont exactement les mêmes que celles réveillées par la cocaïne.
Les trois temps de l’addiction
De façon schématique, l’addiction s’installe en deux temps :
- Il y a d’abord une sécrétion importante de dopamine élevée, qui entraîne une diminution du taux de sérotonine. Ce qui explique l’état d’excitation.
Donatella Marazzeti, psychiatre italienne, a d’ailleurs révélé les similitudes neurobiologiques entre des amoureux engagés dans une relation de fraîche date et des personnes atteintes de troubles obsessionnels-compulsifs. Les deux groupes présentant un taux de sérotonine 40 % inférieur à la normale.
- Le plaisir devient besoin (et donc dépendance) lorsque s’installe après la phase d’excitation un état euphorique stimulé par les endorphines. Ces hormones sont liées au plaisir et possèdent, en plus, un lien avec la mémoire, qui pousse la personne à rechercher l’état de plaisir connu pour le revivre.
Enfin, un troisième état apparait lorsque l’addiction est installée :
- Dès que l’objet ou la personne suscitant du plaisir disparait, les neurotransmetteurs s’agitent. Les taux de dopamine et de sérotonine chutent entraînant un état nerveux et anxieux. Le seul recours pour y mettre fin étant d’actionner à nouveau le circuit sécrétant la dopamine.
Pour retrouver son autonomie et l’équilibre des neurotransmetteurs, l’une des solutions consiste à développer ce qui a fait défaut dans la petite enfance : une aire de solitude- sereine.
Comment sortir de l'addiction?
Les solutions psychologiques & physiologiques
Pour sortir d’une solitude-détresse, il n’y a pas cent solutions. La plus évidente étant d’aller suivre une thérapie, avec un professionnel qui aidera la personne concernée, à comprendre d’où vient sa solitude-détresse dans un premier temps.
Le second travail sera de trouver et de poser les fondements pour développer une solitude-sereine.
L’amour, à ce niveau-là, peut faire des miracles. En effet, Catherine Audibert nous apprend que la relation amoureuse est le terreau idéal pour retrouver sa capacité à être seul.
Avec un partenaire suffisamment intelligent et patient, une relation même au départ toxique ou dépendante peut se transformer en relation d’amour durable si le couple parvient à sortir de la phase de dépendance.
Pour soutenir mentalement ce travail, il est possible d’agir sur son corps en rééquilibrant les niveaux des neurotransmetteurs. En psychiatrie, les médicaments que sont les antidépresseurs et anxiolytiques n’ont d’ailleurs d’autre but que celui-ci. Le souci étant leurs effets secondaires et l’accoutumance.
Une façon plus saine pour retrouver l’équilibre dans le cerveau est de recourir à l’alimentation. Une alimentation adaptée, soutenue par la prise de certains compléments alimentaires (oméga-3, zinc, magnésium) permet d’agir sur sa santé mentale.
Un sujet de société à creuser
La solitude est un vrai sujet de société, de même que les drogues et autres addictions. Et les deux sujets ne sont pas toujours éloignés l’un de l’autre, comme l’explique Catherine Audibert :
« il n’y a pas une théorie mais des théories de l’addiction, et l’incapacité d’être seul en est une ».
Aujourd’hui, les lois punissent le comportement addictif, en le stigmatisant et sans chercher à en comprendre les origines. Si vous arrivez à abandonner un comportement addictif inadéquat, la société considérera que vous êtes guéri. Victoire, on a un « drogué » en moins ! Ce qui est tout simplement faux.
Se libérer d’une addiction, sans avoir résolu le problème de fond, ne vous fera que retomber dans une autre addiction socialement plus acceptable.
Ne soyons donc pas si prompts à condamner les addictifs, et demandons-nous plus souvent « pourquoi ce choix? ». Il n’y a jamais de fumée sans feu, et on ne tombe pas dans une addiction par hasard.
Sources : Catherine Audibert, L’incapacité d’être seul. Essai sur l’amour, la solitude et les addictions, Payot & Rivages, 2016 Hélène Roubeix, Sortir de la dépendance amoureuse, Eyrolles, 2022
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