La morale nous l’a toujours dit : juger ou se moquer d’autrui, ce n’est pas bien. Seulement, elle ne nous a jamais expliqué pourquoi.
Naturellement quand je juge ouvertement l’autre, je l’agresse. Mais tant que je garde ma pensée pour moi, quel mal y a-t-il ?
Celui que l’on s’inflige à soi-même : estime de soi en berne, frustration, colère et solitude.
En effet, si juger semble nous faire momentanément du bien en nous donnant un sentiment de contrôle et de supériorité apparents, ce n’est qu’au début. Au fil des minutes, avoir porté un jugement négatif nous coupe d’autrui, crée un sentiment d’isolement et nous empêche d’être heureux. Qui peut franchement affirmer de ne pas avoir peur du regard des autres ?
Quand je me compare, je me console
La peur d’être jugé étant partagée par le plus grand nombre, la démarche la plus sage est de réfléchir avant de faire peur aux gens. C’est la règle d’or de la vie sociale en spiritualité : ne fais pas à l’autre ce que tu ne voudrais pas qu’il te fasse. Simple mais éminent.
Si nous ne le ressentons pas immédiatement comme tel, c’est parce que le jugement de l’autre est aussi la béquille d’un ego chatouilleux. Quand la lumière est projetée sur les défauts et les échecs des autres, les nôtres restent dans l’ombre. L’image de soi est protégée.
C’est d’ailleurs pour cette raison que nous sommes friands de ragots et de moqueries.
« Quand je me regarde je me désole, quand je me compare je me console » résumait Talleyrand. Cependant, cet apaisement de l’âme ne dure qu’un temps.
Un faux remède au mal-être
Selon la Youtubeuse et auteure à succès, Gabrielle Berstein, « la raison pour laquelle on juge est que nous cherchons à éviter une émotion qui nous dérange, que nous ne voulons absolument pas ressentir ».
On reconnaît inconsciemment dans le comportement de l’autre des peurs oubliées, une insécurité affective, une gêne ou un blocage émotionnel qui réveille la petite voix de son enfant intérieur blessé. C’est ce qu’on appelle l’effet miroir.
Vous le remarquez, moins les gens retiennent leurs critiques à l’égard des autres, mêmes d’illustres inconnus, plus ils sont durs et intransigeants avec eux-mêmes.
Dès lors que l’on tombe dans le perfectionnisme, on devient son 1er inquisiteur, c’est la mort de la bienveillance dans le monde du travail, de l’empathie avec ses proches et du vivre ensemble. C’est infaillible.
S’arrêter de juger est donc une démarche politique, sociale mais avant tout personnelle. En renonçant à son agressivité, on retrouve la paix de l’esprit. Un luxe à Paris. Pour y parvenir, Gabrielle Bernstein vous propose les pistes qui suivent.
Comment questionner ses jugements ?
A force de ruminer nos pensées négatives ou autres, nous les oublions. La 1ère clé pour se débarrasser du jugement d’autrui consiste donc à prendre conscience de ce que nous nous racontons à longueur de temps. La meilleure manière de s’y prendre est le vide mental.
Quand vous vous surprenez à juger autrui, interrogez-vous sur la situation : qui ou quoi est ce que je juge ?
Si, comme Gabrielle Bernstein, vous vous agacez d’entendre des universitaires prétentieux étaler leur science (hop un jugement), faites un arrêt sur image et faites comme elle, posez-vous les bonnes questions :
Comment est-ce que je me sens quand je fais ce jugement ?
Au début cela fait clairement du bien de cracher son venin. On s’est protégé de ces gens qui se croient supérieurs, et on a évacué une colère. Mais au bout de peu de temps, c’est un sentiment de malaise qui apparait.
Que cache cette colère ? Une jalousie, un sentiment d’infériorité ? Lister vos idées. Ces symptômes sont les témoins d’une blessure émotionnelle quelque part en nous.
Pourquoi est-ce que mon jugement me paraît justifié ?
Le ton arrogant et le vocabulaire hermétique qui implique que l’on ne s’adresse qu’à l’élite intellectuelle de sa (petite) niche.
Quel moment de ma vie a pu déclencher ce jugement ?
Un prof que j’adorais m’a humilié devant le reste de la classe parce que j’avais répondu à côté.
Comment se détacher de ses jugements ?
Honorer ses blessures
Prendre conscience de ses ressources et développer une force de caractère est rarement un processus naturel. Il y a toujours un chemin à faire : celui de sortir de sa zone de confort pour affronter la souffrance via les épreuves et les injustices. Ce n’est qu’ainsi que l’on peut s’en affranchir.
Pour ceux qui restent bloqués suite à un traumatisme ou à des rancœurs familiales de 20 ans, Gabrielle Bernstein préconise de tester la thérapie de l’EFT. Cette discipline utilise le corps et la parole pour se libérer de la peur, des croyances limitantes et de toutes les émotions négatives qui les accompagnent.
Tester la prière
Les religieux n’ont pas l’exclusivité de la prière. Même si vous ne croyez pas en Dieu, l’important n’est pas tant la prière en elle-même que la sensation qu’elle procure : le lâcher-prise en acceptant d’oser perdre le contrôle. Et si la prière est particulièrement efficace, c’est parce qu’on se retire des épaules la pression de la réussite.
L’ego se calme comme par magie. C’est une sensation douce et réconfortante. Alors, n’hésitez pas à prier pour accepter toutes les incohérences qui vous narguent, pour faire des nouveaux choix, favoriser l’ouverture d’esprit et combler un manque de confiance en soi.
Trouver les freins
On passe nos vies à courir derrière le temps pour remplir nos obligations sociales, familiales et professionnelles, mais on pense aussi trop vite. Arrêter les jugements sur soi, et les autres, demande de s’arrêter tout court.
La méditation ou l’introspection sont des étapes clés pour y parvenir. On ne s’arrête pas de juger du jour au lendemain, on progresse seulement à petits pas.
L’important c’est de prendre conscience du moment où nous basculons dans le jugement, l’anxiété et le besoin de contrôle.
Pour ceux qui ont pris l’habitude de voir le monde en noir, et de critiquer à tout va, porter des lunettes roses du jour au lendemain ne les aidera pas.
L’équilibre ce n’est pas de passer d’un extrême à l’autre, mais d’ouvrir les yeux sur la condition humaine pour adopter une posture relationnelle plus gentille et constructive.
Chacun fait comme il peut, avec les moyens du bord, et jamais vraiment comme ils aimeraient. Il suffit de regarder, sans jugement, son propre parcours de vie.
Trouver les freins, c’est donc relativiser et revoir ses exigences par rapport à soi-même, et se questionner sur leurs origines. Puis de revoir ses attentes vis-à-vis des autres.
Dès lors, il n’y aura plus aucune occasion de se dévaloriser et de juger.
Source : Gabrielle Bernstein, « Et si on arrêtait de juger ? (les autres et soi-même) », Guy Trédaniel, 2019
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