Qu’est-ce que l’addiction et comment la reconnaît-on?
Comprendre l’addiction et ses mécanismes
L’addiction est une maladie complexe souvent mal comprise. Elle se manifeste par un désir incontrôlable pour certaines substances (l’alcool, la nicotine, le cannabis, la cocaïne, les amphétamines, etc.), ou des comportements compulsifs tels que les jeux d’argent et les achats impulsifs.
L’addiction va bien au-delà de la consommation régulière ou des habitudes répétitives. Elle est le résultat d’une interaction entre une personnalité, des expériences de vie et un environnement ou un contexte particulier. Une dynamique bien comprise par Laurence Cottet, ancienne alcoolique.
Cette maladie transforme le fonctionnement du cerveau, un processus influencé par la nature et la quantité de la substance consommée, ainsi que par la fréquence et la durée de cette consommation.
Ces changements peuvent affecter des fonctions essentielles telles que la concentration, l’attention et la mémoire, avec des répercussions notables dans la vie professionnelle et personnelle.
Toutefois, et heureusement, le cerveau possède une capacité remarquable de résilience. En abandonnant les comportements addictifs, il peut se reconstruire et retrouver ses capacités initiales, un processus soutenu par des programmes de réhabilitation cognitive.
Il est à noter que notre société moderne facilite l’émergence des addictions. L’accès facile à Internet et la prolifération des technologies numériques nous exposent à une multitude d’activités potentiellement addictives, telles que les jeux en ligne et les réseaux sociaux.
Ces activités, bien que souvent perçues comme inoffensives, peuvent rapidement évoluer en addictions comportementales, créant désordre et souffrance dans nos vies. Cette évolution reflète la complexité de l’addiction dans notre société contemporaine, où les opportunités de comportements addictifs sont omniprésentes et souvent difficiles à éviter.
Reprendre le contrôle sur le craving
Au cœur de l'addiction se trouve le craving, une envie intense et parfois irrésistible (à tel point qu’on la confond avec un besoin) de consommer une substance ou de s'adonner à un comportement addictif.
Cette aspiration est souvent marquée par des sensations physiques et émotionnelles fortes.
Les déclencheurs du craving sont divers et varient selon chaque personne, pouvant inclure des souvenirs liés à la consommation, des stimuli évocateurs (l’odeur du tabac ou le son d’une machine à sous), ou des émotions particulières (le stress ou le sentiment de solitude).
Reconnaître ces déclencheurs personnels permet de développer des stratégies adaptées pour les éviter ou les gérer, en adoptant des techniques comme la relaxation, la réorientation des pensées, et la modification du comportement.
C’est une entreprise ardue mais loin d’être inaccessible, d’autant plus que des professionnels sont disponibles pour accompagner ceux qui cherchent à s'éloigner de l'addiction.
Il est également possible de se prendre en charge seul et de retrouver un équilibre sain, comme le souligne l'ouvrage L’addiction, comment s’en sortir? (Deboeck Supérieur) rédigé par trois psychologues et deux professeurs de psychologie clinique, Caroline Chiron, Estelle Guilbaud, Mélanie Gaillard, Lucia Romo et Emeline Chauchard.
Ce travail commence par identifier et gérer ses pensées et ses émotions liées à son addiction.
Comment identifier et gérer les penséeset les émotions liées à la dépendance?
Naviguer dans la tempête des émotions
Il existe deux scénarios principaux dans lesquels nos émotions, et plus précisément la souffrance émotionnelle, nous conduisent vers des comportements addictifs.
Le premier implique les émotions nées à la suite d’un traumatisme. Bien qu'ils puissent paraître protecteurs, ces comportements sont en réalité contre-productifs, car ils permettent d'éviter la confrontation nécessaire avec la détresse. Ce qui débute comme une tentative d'évasion de la souffrance peut, avec le temps, se muer en une habitude compulsive.
Dans le second scénario, nous sommes confrontés à des émotions récurrentes telles que l'anxiété ou la frustration. Face à ces sentiments persistants, le recours à des substances ou à des activités spécifiques apparaît comme une échappatoire tentante.
Quoiqu’il en soit, la première clef pour se libérer de l'emprise de l'addiction réside dans la reconnaissance et la gestion adroite de nos émotions.
Cette démarche implique une prise de conscience des sensations physiques qui accompagnent ces émotions, facilitant ainsi leur identification, leur compréhension, et permettant de se recentrer dans l'instant présent.
D’autres stratégies permettent également de mieux gérer la souffrance émotionnelle telle que la méditation et la pleine conscience.
Adopter une attitude diamétralement opposée à une émotion inconfortable constitue également une tactique judicieuse. Il peut s'agir, par exemple, de rechercher la compagnie d'autrui en période de tristesse, ou de se plonger dans la lecture au lieu de succomber aux réseaux sociaux.
Cette dernière stratégie est excellente pour se départir des comportements émotionnels négatifs et retrouver plus de confort et de sérénité.
Agir sur les pensées et distorsions cognitives
Les processus mentaux influençant la consommation addictive se classent en trois catégories distinctes:
Les attentes positives. Lorsqu'une personne croit que la consommation d'une substance, comme la cocaïne, améliorera sa performance ou son efficacité.
Les craintes liées à l’abstinence, telles que la peur de perdre le contrôle sans consommer, peuvent générer des émotions intenses comme l'anxiété ou la panique.
Les justifications de la consommation malgré ses conséquences néfastes peuvent servir de mécanisme de régulation émotionnelle. Par exemple, se convaincre qu'un verre de whisky est nécessaire pour se détendre peut être une façon de gérer l'anxiété ou le stress.
Ces pensées et croyances ont un impact direct sur les émotions et comportements liés à l'addiction.
Par exemple, percevoir l'anxiété comme une réaction normale avant un entretien, plutôt que comme un signe de faiblesse, peut réduire son impact émotionnel. Cela illustre comment nos interprétations des situations influencent notre réaction émotionnelle et comportementale.
En parallèle, il est crucial de reconnaître et de gérer les distorsions cognitives qui faussent notre perception.
Ces distorsions, comme l'abstraction sélective (croire que les thérapies sont inefficaces parce qu'elles n'ont pas aidé un ami) et l'étiquetage négatif (se considérer comme un perdant), renforcent des croyances irrationnelles et négatives qui alimentent les comportements addictifs.
En modifiant nos pensées et croyances via la gestion des distorsions cognitives, nous pouvons changer notre perception des situations stressantes, réduire l'anxiété et ainsi diminuer le recours à des comportements addictifs.
Enfin, l'affirmation de soi est un outil essentiel dans la gestion de l'addiction. Le développement de l’intelligence émotionnelle et relationnelle permettant de demander de l'aide ou refuser une proposition de consommation, renforce l'estime de soi et la confiance en soi, facilitant ainsi la lutte contre la dépendance.
D’autres stratégies aident à gérer son comportements addictifs.
Comment gérer les comportements addictifs?
Maitriser les comportements addictifs: trois axes d'action
La gestion des comportements addictifs repose sur trois grandes stratégies:
La fixation d'objectifs personnels
Pour mieux gérer vos comportements addictifs, commencez par vous fixer des objectifs personnels.
Vous pouvez envisager de ne pas consommer d'alcool pendant une période déterminée, comme six mois, ou de limiter la quantité d'une substance que vous utilisez chaque mois. Personnalisez ces objectifs selon votre situation, comme "faire une pause de six mois dans la consommation d'alcool", ou "limiter la consommation de cocaïne à un gramme par mois pendant trois mois."
Cette approche peut varier en fonction de vos besoins, allant d'objectifs quotidiens à des objectifs à plus long terme, comme c'est le cas dans les Alcooliques Anonymes.
La gestion des cravings
La gestion des cravings implique d'identifier et de gérer les situations qui les déclenchent. Commencez par évaluer vos besoins actuels, comme le besoin de calme ou de socialisation, et vos capacités, comme la capacité à vous détendre ou à faire de l'exercice.
Pour décider si vous devez éviter ou affronter certaines situations, vous pouvez mesurer votre humeur sur une échelle de bien-être (feu rouge pour éviter, feu vert pour affronter).
Ayez différentes techniques de gestion à votre disposition, comme la respiration profonde, la marche, l'écoute de musique apaisante, le jardinage ou le dessin, pour faire face aux cravings.
Maintien d'un fonctionnement cognitif sain
Pour maintenir un fonctionnement cognitif optimal, intégrez des exercices dans votre quotidien de manière régulière et plaisante. Utilisez des outils comme des agendas pour rester organisé. En cas de troubles cognitifs, envisagez un dépistage professionnel.
Stimulez votre cerveau avec des activités telles que se souvenir de détails d'une conversation, cuisiner sans instructions, apprendre une nouvelle langue ou résoudre des casse-têtes. La plasticité cérébrale favorise la récupération cognitive, particulièrement en réduisant les comportements addictifs.
Bien s’entourer pour mieux se rétablir
L'entourage, qu'il s'agisse de la famille, des amis ou des collègues, joue un rôle essentiel dans le processus de rétablissement. Ce qui importe le plus n'est pas tant la quantité de contacts que la qualité des relations. Il s'agit de trouver des personnes qui offrent compréhension, empathie et un espace de confiance.
Pour créer un cercle de soutien efficace, voici quelques conseils:
Identifiez une ou plusieurs personnes-ressources, y compris des professionnels, qui comprennent votre situation et peuvent vous offrir un soutien adapté.
Établissez de nouvelles relations à travers diverses activités telles que des cours, des loisirs ou du bénévolat. Cela peut combler différents besoins et vous accompagner dans votre parcours.
Faites la distinction entre plusieurs catégories de soutien nécessaire : le soutien informatif (fournir des conseils et des informations), le soutien émotionnel (être à l'écoute), le soutien matériel (offrir une aide pratique).
Maintenez une communication ouverte avec vos proches concernant vos attentes en matière de soutien.
En tant que proche et aidant, le soutien consiste bien évidemment à accompagner plutôt qu'à prendre la place de la personne dépendante. Voici pour vous également quelques conseils:
Encouragez l'autonomie et la confiance tout en restant disponible est essentiel.
Évitez de surveiller de manière excessive et maintenez un dialogue ouvert, même lorsque vous êtes confronté à des réactions de colère ou de retrait.
Gardez à l'esprit que la rechute fait partie intégrante du processus de guérison et doit être accueillie avec compréhension.
Et à propos de ce dernier point, comment justement prévenir le risque de rechute?
Comment prévenir les situations à risque de rechute?
Les rechutes et écarts
Les spécialistes en addictologie mettent en évidence l'importance de reconnaître les situations à risque pouvant mener à une rechute. Parmi ces situations, les émotions négatives comme la colère ou la tristesse, la pression sociale, et l'inconfort physique sont particulièrement significatives.
Ces moments critiques sont souvent influencés par des facteurs variés, incluant les attitudes face au risque, la capacité de gestion émotionnelle, et la disponibilité d'un réseau de soutien.
Face à de telles circonstances, il est crucial de procéder à une introspection approfondie. Se poser des questions telles que "Ai-je déjà rencontré des difficultés dans ce type de situation?" ou "est-il préférable que j'évite ou que je me confronte à cette situation?" peut s'avérer très utile.
L'état émotionnel du moment joue un rôle clé dans la gestion de ces situations à risque, soulignant l'importance de prendre des décisions en accord avec son humeur actuelle.
Lorsqu'un écart par rapport à l'objectif fixé survient, une réaction rapide est essentielle pour éviter une rechute.
Des mesures pratiques comme quitter les lieux à risque, trouver des distractions positives telles que la cuisine ou la musique, éviter les endroits tentants, et éviter l'isolement sont recommandées.
Il est également judicieux de chercher le soutien de proches ou de professionnels et d'analyser la situation en profondeur pour mieux comprendre ses besoins propres.
Il est primordial de comprendre qu'un écart ne signifie pas automatiquement une rechute. La manière dont on réagit à cet écart est déterminante. Avoir un objectif clair, que ce soit l'abstinence totale ou la modération, aide à identifier le moment approprié pour agir.
Un écart représente un comportement ponctuel divergeant de l'objectif initial, et ne doit pas entraîner de pensées négatives ou défaitistes. Réagir rapidement et élaborer des stratégies pour éviter la répétition de cet écart est crucial pour prévenir une éventuelle rechute.
Les aides thérapeutiques et médicales
Quand l'aide professionnelle devient nécessaire, plusieurs options sont disponibles.
Plusieurs types de thérapies ont prouvé leur efficacité. En premier lieu, les thérapies cognitives, comportementales et émotionnelles (TCCE) travaillent sur les habitudes de consommation, les croyances liées à l'addiction, et l'influence des émotions sur les comportements addictifs.
L'entretien motivationnel, une technique psychothérapeutique par exemple, vise à renforcer la volonté de changer.
Concernant les professionnels à consulter, les médecins généralistes et les psychiatres peuvent évaluer l'état de santé et proposer des traitements médicamenteux. Les infirmiers, psychologues, et travailleurs sociaux offrent un soutien psychologique et socio-éducatif. Les pair-aidants, ayant eux-mêmes surmonté une addiction, peuvent également apporter un soutien précieux. D'autres professionnels, comme les ergothérapeutes ou les éducateurs, peuvent être consultés selon les besoins individuels.
Concernant le sevrage, souvent difficile (surtout en cas de dépendance sévère), il nécessite un accompagnement adéquat.
Il existe trois modes principaux de sevrage pour traiter les addictions:
Résidentiel, impliquant un séjour d’une à plusieurs semaines dans un établissement de soin.
Hôpital de jour (HDJ), où vous vivez chez vous mais êtes hospitalisé pendant la journée.
Ambulatoire, basé sur des consultations médicales régulières.
Le sevrage, bien que crucial, n'est que la première étape du traitement des addictions. Il sert à établir des stratégies de prévention de la rechute, à comprendre ou renforcer la motivation du patient, tout en permettant un bilan complet sur les plans somatique et psychiatrique.
A noter qu’il n’existe pas de médicaments miracles pour l'addiction. Si les traitements médicamenteux peuvent apporter un soutien important, ils doivent être complétés par des psychothérapies pour une prise en charge globale et efficace des addictions. Ces deux approches se renforcent mutuellement.
Transformer l'addiction: autocompassion et techniques de guérison
La guérison de l'addiction se fonde sur une approche personnalisée, variant de l'abstinence totale à une gestion contrôlée des comportements addictifs. Tout dépend des besoins et capacités de chacun.
Au cœur de ce processus, l'écoute de soi, l'acceptation des vulnérabilités personnelles et l'ouverture à ces dernières jouent un rôle primordial. Cette introspection favorise une meilleure compréhension de soi et facilite l'adoption de stratégies de guérison plus efficaces.
L'autocompassion et le lâcher-prise sont des éléments clés dans la gestion de l'addiction. Ils aident à développer une relation plus saine et plus indulgente avec soi-même, ce qui est crucial pour surmonter les défis liés à l'addiction.
Deux exercices de psychothérapie contribuent à cultiver ces qualités:
Écriture d'une lettre à son meilleur ami:
Sélectionnez un aspect personnel négatif qui suscite de la honte, de la culpabilité ou de l’auto-critique.
Imaginez comment vous aborderiez ce problème si c'était celui d'un ami proche.
Écrivez-vous une lettre avec la même compassion que vous offririez à cet ami.
Lisez la lettre en s'imaginant la recevoir d'un ami.
Cette pratique aide à voir ses propres défauts ou erreurs sous un jour plus doux et compréhensif.
La confrontation au détracteur intérieur:
Identifiez les pensées sévères et croyances négatives à votre sujet.
Cherchez à comprendre l'origine de ces pensées, souvent liée à des expériences passées.
Remettez en question la validité de ces pensées négatives.
Remplacez les pensées négatives par des affirmations positives et réalistes.
Cet exercice aide à transformer la perception de soi et à renforcer l'estime personnelle, mais il faut le faire plusieurs fois pour que les résultats soient probants.
Comme Carl Jung l'a si bien exprimé:
"Je ne suis pas ce qui m'est arrivé, je suis ce que je choisis de devenir."
Des mots qui rappellent notre pouvoir de redéfinir notre parcours. À tout instant.