L’amour est-il un besoin ou un désir ? Voilà une question qui a donné lieu à d’âpres débats philosophiques. Pour les psychologues, l’amour est un besoin et pour le démontrer, une histoire vaut mieux qu’une longue explication.
Nous sommes au XIIème siècle, dans le Saint-Empire-Romain-Germanique au côté de Frédéric II. Lui qui ne parlait pas moins de 6 langues, se demandait qu’elle serait la première langue parlée par des bébés, si aucun adulte n’intervenait. Pour le savoir, il mit sur pied une nurserie avec une douzaine de nourrissons, qui seront soignés, lavés et nourris par des servantes sourdes et muettes.
Elles se chargeront de leur donner les premiers soins mais ne devront ni les câliner, ni les prendre dans leur bras. Interdiction absolue de leur montrer le moindre signe d’affection ou de tendresse. On ne saura jamais quelle aurait été la « langue naturelle » des bébés, puisqu’aucun ne survivra à cette expérience. Qu’est-ce qui s’est passé ?
Catherine Audibert le résume ainsi :
« en absence d’amour, un enfant n’a ni le désir d’aimer (soi-même et autrui), ni le désir de vivre ».
Quels les comportements défavorables à l'épanouissement de l'enfant ?
Ce qu’il faut éviter : délaissement et abus
Bien sûr, notre exemple est un cas extrême. Sans aller jusque-là, négliger affectivement un bébé ou le laisser seul trop longtemps, tandis qu’il s’égosille pour vous faire venir, peut avoir des conséquences irréversibles sur son état psychique. L’adulte qu’il deviendra connaitra des carences affectives et un fort sentiment d’insécurité.
L’insécurité vécue tout petit restera effectivement imprimée dans son psychisme, biaisant dès le début son regard sur son entourage et son environnement. En résumé, un bébé insecure donnera un adulte sujet à la solitude-détresse, qui le conduira vers un comportement addictif.
En revanche, tomber dans l’autre extrême n’est pas mieux pour l’enfant. Le prendre tout le temps dans ses bras, intervenir au moindre balbutiement, ou encore le laver 10 fois sont des comportements excessifs, qui vont être vécus par le bébé comme un abus sur sa personne.
En ne le laissant jamais tranquille, on empiète sur son espace psychique et physique vital, ce qui va venir de facto perturber la capacité d’être seul de l’enfant. Cette excessive présence ressentie quand on est bébé, donne lieu à deux réactions une fois adulte. Ou l’on fuit la présence des autres, jugée comme envahissante, en se repliant sur soi-même. Ou au contraire, une fois adulte, la personne sera incapable d’être seule, et continuera à être dépendante de la présence d’un autre.
Cela se traduit concrètement par des relations d’amour toxiques, où la peur de perdre son partenaire véhicule la vie de couple. On n’est plus dans le désir et la joie, mais dans le besoin et la nécessité.
Alors quelle est donc la bonne attitude à adopter pour que bébé s’épanouisse pleinement ?
Comment favoriser le développement de l'enfant ?
Créer une aire de solitude-sereine
Comment s’y prend-on pour créer une aire de solitude-sereine ? Il s’agit d’être présent dans la même pièce que le bébé, tout en le laissant faire sa vie. On instaure ainsi une « présence-absente ». Le parent laisse bébé dans son coin explorer son tout nouvel univers, et n’intervient qu’au moment où il en exprime le besoin. Cette présence silencieuse et bienveillante va le sécuriser et le rassurer dans sa vocation de petit explorateur. D’autant plus qu’il sait qu’en cas de pépin, une bonne âme viendra l’aider.
Cette « sécurité physique du bébé, se prolonge par une sécurité psychique, condition pour que l’enfant s’autonomise et prenne plaisir à explorer le monde ». Cette confiance en l’autre et en la vie ressentie dès ses premiers mois, en fera un adulte optimiste et serein, seul ou avec les autres. Pour mieux renforcer ce sentiment de sécurité et de confiance, Catherine Audibert rappelle que
« Le contact physique avec la mère a des effets neurophysiologiques d’apaisement, c’est un remède efficace contre l’angoisse, la tristesse et la douleur ».
Et finalement, aussi paradoxal que cela puisse être, c’est « L’attachement heureux [qui] produit du détachement. »
Source : Catherine Audibert, « L’incapacité d’être seul. Essai sur l’amour, la solitude et les addictions », Editions Payot & Rivages, Paris, 2016