Au premier regard, courir et méditer semblent deux activités opposées. D’un côté, une activité physique intense qui mobilise le corps, de l’autre, une pratique de calme et d’immobilité. Cependant, lorsqu’on regarde au-delà des apparences, on découvre des points communs essentiels : l’importance de l’attention, de la persévérance et de la discipline. Courir comme on médite, c’est chercher à réconcilier ces deux pratiques dans une quête d’harmonie intérieure.
Le lien entre corps et esprit dans la pleine conscience
La pleine conscience est une pratique ancestrale, ancrée dans la tradition bouddhiste, mais qui a trouvé une nouvelle popularité à travers le monde, notamment dans les pratiques modernes de gestion du
stress et du bien-être. Elle consiste à se concentrer entièrement sur l’instant présent, sans jugement. Appliquée à la course, elle nous invite à être pleinement présent à chaque pas, à chaque respiration, à chaque sensation que notre corps nous envoie.
Cette idée n'est pas seulement une théorie abstraite. Les neurosciences ont montré que la pleine conscience modifie véritablement le cerveau, améliorant la concentration, réduisant le stress et augmentant le
bien-être général. Mais comment appliquer ces principes à une pratique physique telle que la course ? Murakami et Mipham nous offrent des réponses pratiques à cette question.
Les bienfaits physiques et mentaux de la course en pleine conscience
Courir pour mieux respirer : L’importance de la respiration consciente
La respiration est au cœur de toute
pratique méditative. Que ce soit assis sur un coussin ou en pleine course, la respiration est ce qui ancre l’esprit dans le présent. En
pleine conscience, chaque respiration devient une ancre, un point de repère pour revenir à l’instant présent.
Courir nous offre une occasion unique de synchroniser notre respiration avec nos mouvements. Une respiration consciente nous permet de mieux oxygéner nos muscles, de réguler notre effort, et d’optimiser notre endurance. Dans
Autoportrait de l’auteur en coureur de fond, Murakami insiste sur l’importance d’une respiration régulière pour maintenir le rythme sur de longues distances. De même, Mipham voit dans la respiration consciente un moyen de se connecter profondément à son corps.
Comment la course renforce la résilience mentale
Il ne s’agit pas simplement de courir pour brûler des calories ou pour améliorer sa forme physique. Courir en pleine conscience renforce également la résilience mentale. Les études montrent que la pratique régulière de la course améliore la plasticité cérébrale, favorise la création de nouvelles connexions neuronales, et stimule la production d’endorphines, ces
hormones du bonheur qui procurent cette sensation d’euphorie après une course intense.
Dans
Courir comme on médite, Sakyong Mipham parle de la course comme d’un moyen de renforcer l’esprit. Chaque
défi, chaque montée difficile ou chaque marathon devient une métaphore des obstacles de la vie quotidienne. En courant en pleine conscience, on apprend à surmonter ces obstacles avec patience, calme et persévérance. Courir devient ainsi une pratique pour l’esprit autant que pour le corps.
Le rôle de la pleine conscience dans la prévention des blessures
L’un des grands risques pour les coureurs réguliers est la blessure. Un manque d’écoute du corps, une mauvaise posture ou un surentraînement peuvent rapidement mener à des blessures qui empêchent de courir pendant des semaines, voire des mois. Courir en pleine conscience, c’est apprendre à écouter son corps, à reconnaître les signes avant-coureurs de la fatigue ou de la douleur, et à ajuster son rythme en conséquence.
Haruki Murakami, dans son récit autobiographique, explique comment il a dû faire face à des blessures, et comment la pleine conscience lui a permis de mieux comprendre ses limites. Plutôt que de se forcer à courir à tout prix, il a appris à être attentif aux messages de son corps, et à ajuster son entraînement en fonction.
La course comme méditation en mouvement
Synchroniser le corps et l’esprit dans l’effort
La méditation est souvent associée à l’immobilité, mais il existe de nombreuses formes de méditation en mouvement, que ce soit le tai-chi, le qi gong ou même la marche méditative. Courir en pleine conscience s’inscrit dans cette tradition. En synchronisant les mouvements du corps avec la respiration et l’attention, la course devient un exercice de présence totale.
Dans
Autoportrait de l’auteur en coureur de fond, Murakami décrit comment il entre dans un état de « flow » lorsqu’il court. Ce phénomène, étudié par le psychologue Mihaly Csikszentmihalyi, est un état dans lequel l’on est complètement absorbé par une activité, perdant la notion du temps et atteignant une concentration optimale. Pour Murakami, courir est une manière d’atteindre cet état de flow, où l’esprit se libère des distractions et se concentre entièrement sur l’instant présent.
Le dialogue intérieur du coureur : Transformer l’effort en méditation
Lorsque nous courons, un dialogue intérieur s’installe. Ce dialogue peut être critique ou bienveillant, il peut nous pousser à continuer ou nous inciter à abandonner. En pleine conscience, ce dialogue intérieur devient un objet d’observation. Au lieu de se laisser emporter par les pensées
négatives ou les doutes, on apprend à les observer sans jugement, à les accepter sans s’y attacher.
Sakyong Mipham explique que la course, comme la méditation, est une école de l’esprit. Chaque pas devient une occasion de revenir à soi, de faire la paix avec ses pensées. Il parle de la course comme d’un moyen de cultiver la patience, la persévérance et la compassion envers soi-même.
Les quatre phases de l’évolution intérieure dans la course et la méditation
Sakyong Mipham divise la progression dans la course en pleine conscience en quatre phases, chacune représentée par un animal symbolique. Ces phases sont également valables pour la méditation, et reflètent les différents stades de l’évolution intérieure du pratiquant.
Phase 1 : La mise en route – La phase du tigre
Le tigre symbolise le début du chemin, lorsqu’on est confronté aux premières difficultés. Que ce soit dans la course ou la méditation, les premiers pas sont souvent les plus douloureux. Le corps est encore raide, l’esprit agité. C’est une phase de transition, où l’on doit apprendre à surmonter l’inconfort initial pour persévérer.
Pour Haruki Murakami, cette phase est celle de l’habitude. Il parle de l’importance de la régularité dans la course, de la nécessité de courir tous les jours, même lorsque l’on n’en a pas envie. Cette discipline est essentielle pour traverser la phase du tigre et s’installer dans une pratique durable.
Phase 2 : Le plaisir de faire – La phase du lion
Une fois la phase du tigre passée, vient la phase du lion. Ici, la course ou la méditation cessent d’être une corvée pour devenir un plaisir. Le corps s’adapte, l’esprit devient plus calme, et on commence à apprécier chaque moment. C’est dans cette phase que l’on découvre les véritables bienfaits de la pleine conscience : la course devient une source de joie, un moment pour se reconnecter à soi-même et à l’environnement.
Murakami parle de cette phase avec affection. Il décrit comment, après avoir surmonté les premières difficultés, il entre dans un état de plaisir, où chaque foulée devient un moment de liberté. C’est dans cette phase que l’on commence à savourer le processus, plutôt que de se concentrer uniquement sur le résultat.
Phase 3 : Aller plus loin – La phase du garuda
Le garuda, cet oiseau mythique, symbolise la phase des défis. Une fois que l’on a maîtrisé les bases, il est temps de sortir de sa zone
de confort. Pour le coureur, cela peut signifier rallonger ses distances, courir un marathon, ou explorer de nouveaux terrains. Pour le méditant, cela peut signifier approfondir sa pratique, méditer plus longtemps, ou explorer de nouvelles techniques.
Murakami parle de cette phase dans le cadre de ses marathons. Il explique comment chaque course est un
défi, non seulement pour le corps, mais aussi pour l’esprit. Chaque kilomètre supplémentaire est une occasion de se confronter à ses limites, de repousser les barrières mentales.
Phase 4 : Mettre son art au service des autres – La phase du dragon
Enfin, la phase du dragon symbolise l’aboutissement de la pratique. Ici, la course et la méditation ne sont plus des activités égoïstes, mais des moyens de contribuer au bien-être des autres. Pour Sakyong Mipham, cette phase est celle où l’on court pour une cause, où l’on utilise sa pratique pour inspirer et aider les autres.
Murakami, bien qu’il ne parle pas explicitement de cette phase, laisse entrevoir dans ses écrits une forme de sagesse acquise à travers la course. Pour lui, courir est une manière de se recentrer, mais aussi de se reconnecter aux autres, d’inspirer ceux qui cherchent à trouver leur propre équilibre.
Comment intégrer la pleine conscience dans sa pratique de la course
Les techniques pour courir en pleine conscience
Courir en pleine conscience nécessite une attention particulière à certains aspects de la pratique. Voici quelques techniques pour intégrer la pleine conscience dans votre course quotidienne :
- La respiration consciente : Synchronisez votre respiration avec vos pas. Essayez de respirer profondément et régulièrement, en vous concentrant sur chaque inspiration et expiration.
- L’attention aux sensations : Soyez attentif aux sensations dans votre corps. Ressentez la manière dont vos pieds touchent le sol, la façon dont vos muscles se contractent et se relâchent à chaque pas.
- La concentration sur l’instant présent : Revenez toujours à l’instant présent. Lorsque votre esprit commence à vagabonder, ramenez-le doucement à votre respiration ou à vos sensations corporelles.
- L’acceptation sans jugement : Ne jugez pas vos pensées ou vos sensations. Si vous ressentez de la douleur ou de la fatigue, acceptez-les sans jugement et ajustez votre rythme en conséquence.
Les erreurs courantes à éviter
Comme dans toute pratique, il y a des erreurs à éviter lorsque l’on court en pleine conscience. Voici quelques pièges courants à éviter :
- Se concentrer uniquement sur la performance : Courir en pleine conscience ne consiste pas à battre des records personnels ou à se comparer aux autres. Il s’agit de se reconnecter à soi-même, à son corps et à l’instant présent.
- Ignorer les signaux de son corps : Il est important d’écouter son corps et de respecter ses limites. Courir en pleine conscience signifie être attentif à ses sensations et savoir quand ralentir ou s’arrêter.
- Être trop dur avec soi-même : La pleine conscience implique l’acceptation sans jugement. Si vous avez une mauvaise course ou si vous vous sentez fatigué, ne soyez pas trop dur avec vous-même. Acceptez l’expérience telle qu’elle est, et continuez à avancer.
Conclusion : Courir en pleine conscience, un art de vivre
Courir comme on médite, c’est bien plus qu’un simple exercice physique. C’est une pratique qui nous invite à revenir à l’essentiel, à nous reconnecter à nous-mêmes et au monde qui nous entoure. Que vous soyez un coureur chevronné ou un débutant, la pleine conscience peut transformer votre expérience de la course, en la rendant plus riche, plus significative, et plus gratifiante.
Haruki Murakami et Sakyong Mipham nous rappellent que la course n’est pas seulement une question de performance, mais aussi une quête intérieure. En courant en pleine conscience, chaque pas devient une méditation, une occasion de grandir, de se dépasser, et de se rapprocher de soi-même.