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Publié le 19/07/2017, mis à jour le 15/09/2022
Conseils écologiques
L’histoire du végétarisme : de l’Antiquité à nos jours
La diète végétarienne ou le régime de Pythagore
Pythagore, l’ami des bêtes
Contrairement à ce que l’on croit, le végétarisme n’a rien d’une mode récente, c’est même tout le contraire ! Les premières joutes verbales entre carnivores et végétariens remontent au temps de la Grèce Antique, berceau de notre civilisation occidentale, pour continuer encore aujourd’hui.
Le mathématicien et philosophe Pythagore prônait une école de la pensée reposant sur la douceur et le respect de toute forme de vie. En ce sens, il a été l’un des tous premiers à faire la promotion d’un régime végétarien, voir végane. Il était connu pour désapprouver la chasse et la pêche et intervenait quand il voyait un voisin faire preuve de cruauté envers son chien.
Etrange choix tout de même de la part de Pythagore, surtout à une époque où les rituels religieux, politiques et sociaux qui rythmaient la vie de la Cité, reposaient en grande partie sur le sacrifice animal et la nécessité de manger de la viande.
L’exception Pythagore
Alors pourquoi Pythagore a-t-il choisi d’exclure la chair animale de son mode d’alimentation ? C’était un comportement qui lui permettait de remettre en question la place des dieux et leurs douteuses générosités à l’égard des hommes. De plus, ce choix amenait à s’interroger sur la place de l’homme dans le monde et ses devoirs et responsabilités envers les animaux et le reste du vivant.
Une autre réflexion voulait que selon son métier, on suive un régime alimentaire approprié. Un soldat mange de la viande parce que l’activité physique intense justifie son besoin en protéines animales et donc sa consommation de viande. Mais pour les philosophes et les prêtres, dont l’activité est essentiellement intellectuelle et spirituelle, leurs besoins nutritionnels sont autres. Ne devraient-ils pas avoir des habitudes alimentaires différentes en se nourrissant seulement d’aliments « purs », à savoir les produits végétaux et éventuellement les fruits de mer ?
Evidemment, Pythagore et ses soutiens restaient des marginaux. Pour beaucoup de ses contemporains, si les animaux sont là, c’est parce que les dieux nous les ont offerts et entendent que nous en profitions, au risque de leur manquer de respect.
Ceux qui n’adhéraient pas à cette vision du monde et suivaient l’école de Pythagore étaient jugés comme des rabats joies, des hommes à la virilité défaillante, ou encore des avares qui cachent leur travers, sous couvert de respect aux animaux.
Les Lumières contre « les mangeurs de cadavres »
Le point de vue de l’Eglise
Ce débat des Anciens est entériné par le triomphe du Christianisme, qui va s’occuper de régler la question en imposant son propre régime alimentaire. Selon le point de vue de l’Eglise, si Jésus-Christ s’est sacrifié, c’est pour sauver l’homme, non l’animal. D’ailleurs, le Christ mangeait viandes et poissons, et n’a jamais manifesté dans les textes une une douceur particulièrement dévolue aux animaux.
En revanche, il a connu des moments de jeûne, que l’Eglise entend faire suivre aux fidèles, notamment le vendredi saint ou pendant le carême. Ainsi, se passer de viande revenait à faire un sacrifice de sa personne, on se privait d’un plaisir de la chair pour mieux la dompter et la rendre imperméable aux autres tentations du monde. Par contre, se priver de viande dans une autre optique, comme celle de l’amour des animaux, était jugé comme hérétique. Le seul amour autorisé du Moyen-Âge était celui pour Jésus-Christ (et évidemment les saints et la Vierge Marie).
La reconnaissance de la souffrance animale
Au XVIIIème siècle, les Lumières avancent, l’Eglise recule, et les adeptes d’une alimentation végétale réapparaissent. Les philosophes des Lumières ont le même regard de Pythagore sur les animaux. Etant des êtres vivants doués de sensibilité, peut-on réellement les réduire en bétail ? N’auraient-ils aucun droit ? Doivent-ils être mutilés, exploités, tués sans que l’homme honnête n’en dise rien ?
Voltaire, qui ne supportait plus de voir les étals des bouchers pleins de « cadavres », défendra la cause animale et la cuisine végétarienne de Pythagore.
Nous sommes ce que nous mangeons
Rousseau reste, cependant, le plus engagé des philosophes sur la question du bien-être animal. Pour lui, consommer de la viande serait contre nature. Le philosophe tient pour preuve le désintérêt naturel des enfants pour la viande, préférant les fruits, les produits laitiers et autres aliments doux et sucrés.
Selon Philippe Hecquet, un médecin contemporain à Rousseau, pour avoir une bonne santé, on consomme des céréales complètes et légumineuses (lentilles, haricots, fèves, pois chiches et soja), des fruits et légumes plutôt que la viande rouge. S’inspirant de cette conclusion, Rousseau fait un lien entre nos humeurs et les régimes alimentaires différents. Nous sommes ce que nous mangeons.
Si nous consommons des animaux agressifs et féroces, nous le deviendrons à notre tour.
Nous en passer, c’est nous assurer un caractère agréable et doux. Mais la reconnaissance du végétarisme devra attendre un siècle de plus !
L’Angleterre victorienne et les débuts du végétarisme
C’est donc au XIXème siècle, dans l’Angleterre victorienne, que s’épanouit le végétarisme, à partir d’un cercle intitulé la Vegetarian Society, créée en 1847. Leur régime alimentaire tolère le lait, le miel et les œufs, mais bannit la viande et le poisson. Ce cercle s’agrandira, sous l’influence des époux Shelley, dont les publications (A Vindication of Naturel Diet de Percy Shelly) attireront des personnalités comme l’écrivain Henry Salt, la militante féministe Anna Kingsford, George Bernard Shaw et le Mahatma Gandhi.
La naissance du végétalisme et de la Vegan Society
Ni Dieu ni maître chez les animaux
Qu’en est-il du végétalisme et du mouvement végane ? Les végétaliens apparaissent en France, dans le courant anarchiste français du XIXème siècle. Ces penseurs estiment que les végétariens ne sont pas allés assez loin, car manger des œufs, du miel et du lait, c’est encore vivre et se nourrir grâce à la souffrance des animaux. Les abus propres à l’exploitation animale dans les élevages sont dénoncés.
Depuis, le régime végétalien a perdu sa coloration politique, pour désigner une pratique alimentaire exclusivement végétale, bon pour notre santé et notre environnement.
Les 1ers véganes
Ce qui se passe en France avec le végétalisme, se retrouve en Angleterre avec la fondation de Vegan Society, qui est née à la suite de débats internes houleux au sein de la Vegetarian Society. La question reste la même : peut-on exploiter les animaux pour leurs laits, fromages ou leur miel ?
Le débat ne se tranchera pas et sous l’impulsion d’un jeune professeur de charpenterie, Donald Watson, la Vegan Society est créée. Son projet est simple, c’est l’abolition de l’exploitation des animaux, car il est injuste d’infliger des souffrances psychologiques ou physiques de toutes sortes, à quiconque.
L’avenir appartient au véganisme ?
Aujourd’hui, manger végétarien ou végane, bien qu’encore minoritaire, est de plus en plus courant, et continuera à l’être. En témoigne les nombreux restaurants végétariens qui sont apparus ces dernières années.
Les pratiques alimentaires évoluent avec leur temps. On aspire à renoncer à manger de la viande, et cela autant pour des raisons pragmatiques que des motivations éthiques.
Il y a d’abord la reconnaissance de nos sentiments et affections pour les animaux domestiques, mais aussi sauvage et d’élevage. Il n’y a pas de mots assez forts pour décrire l’horreur qui règne dans les abattoirs.
La seconde explication est la raison. Celle-ci repose sur les enjeux environnementaux et sanitaires. On décide de diminuer, ou d’abandonner, la consommation de produits d’origine animale pour avoir un mode de vie respectueux pour les futures générations et pour soi.
Adopter une alimentation équilibrée est le plus sûr moyen d’éviter les carences nutritionnelles et les maladies cardio-vasculaires qui touchent principalement ceux qui mènent une vie trop sédentaire et s’alimentent essentiellement en produits carnés et aliments transformés.
Pour l’heure, le régime végétarien ou végétalien semble promis à un bel avenir.
Source : Le végétarisme et ses ennemis. Vingt-cinq siècles de débats, Renan Larue, PUF, 2015
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Publié le 19/07/2017, mis à jour le 15/09/2022
Vous dites que Jésus ne montre pas de compassion pour les animaux. Pourtant lorsqu’il parle du sabbat, il dit qu’il est aussi juste de le rompre pour soigner un humain que pour donner à boire à un âne ou sortir un chevreau d’un fossé. Aussi, il n’est pas nettement établi qu’il ait mangé de la viande dans les évangiles classiques, il s’attable au repas de Pâques, où un agneau est censé avoir été sacrifié mais il n’en est pas fait mention, il n’est question que du pain et du vin qui le représentent. Ensuite, au delà de ce qui a pu être ajouté ou enlevé les siècles suivants pour ne pas trop gêner les puissants, les manuscrits de Qumram ont montré que le Christ historique a probablement appartenu à la secte des Esséniens qui étaient végétariens. Quoiqu’il en soit, du point de vue biblique, l’homme a été créé pour un régime végétalien : il n’est pas question de tuer des animaux dans le jardin d’Eden. Ce n’est qu’après la chute que Dieu a finalement autorisé sans y obliger à tuer des animaux pour les manger. Pourtant il est dit dans les 10 commandements “tu ne tueras point” et non “tu ne commettras point d’homicide” (sachant que pour les hébreux les végétaux n’étaient pas vivants à proprement parler, ils n’étaient pas des “âmes vivantes” (nephesh). Et si Jésus était censé être non pêcheur pour pouvoir racheter l’humanité par son sacrifice, alors il devait être au moins aussi pur qu’Adam avant le péché originel et donc ne pas avoir fait verser le sang pour se nourrir. De toutes façons, quand on lit bien les Evangiles (et pas l’interprétation plus ou moins tirée par les cheveux qu’on en trouve chez l’autoproclamé apôtre Paul), Jésus n’oblige à rien. Mais il dit : si vous voulez connaître le royaume de Dieu, suivez mes pas.