Que cela soit pour apprendre à marcher, à lire, à conduire, à cuisiner ou toute autre activité, chaque apprentissage passe par le même processus.
En premier lieu, nous sommes concentrés sur le nouveau savoir à apprendre, ou le nouveau geste à réaliser.
Puis, par la pratique régulière, ce qui nous demandait un effort de concentration se fait de façon automatique.
Or, ce basculement de l’effort conscient à l’automatisme ne peut s’opérer pour une personne dite « dys » en raison du dysfonctionnement d’un ou de plusieurs de ses systèmes cognitifs.
Pour un dyslexique, par exemple, la lecture demandera toujours un effort de concentration soutenu pour décoder les mots. Ce qui signifie qu’il devra toute sa vie fournir deux, trois plus fois plus d’énergie que la moyenne pour comprendre le sens d’un texte.
En France, 10 % de la population serait concernée par un ou plusieurs des cinq troubles dys actuellement recensés.
Les cinq troubles dys
La dyspraxie est un trouble du développement de la coordination motrice. Utiliser ses mains, coordonner ses gestes, se repérer dans l’espace est une vraie épreuve pour le dyspraxique.
La dysphasie est un trouble du développement du langage oral. La personne a des difficultés soit pour s’exprimer (son vocabulaire s’en trouve donc très limité), soit pour comprendre son interlocuteur, soit les deux difficultés réunies.
La dyscalculie est un trouble spécifique des activités mathématiques. Compter, rendre la monnaie, quantifier un poids ou une distance est particulièrement difficile.
La dysgraphie est un trouble spécifique de l’écriture. Lui est associé la dysorthographie, qui est l’incapacité d’appliquer les règles d’orthographe.
La dyslexie, enfin, est un trouble spécifique de la lecture et/ou de l’écriture. Ce trouble se manifeste par des difficultés à décoder les mots écrits en son et/ou par des difficultés à reconnaître visuellement les mots dans un texte.
Si aujourd’hui, les troubles dys sont mieux détectés à l’école au travers des apprentissages scolaires, leur nature n’est pas pour autant bien comprise. De nombreux préjugés subsistent, et participent encore à une mauvaise appréciation de ces troubles.
Quel est le vrai handicap des dys ?
Au même titre que l’autisme, l’hypersensibilité ou le haut-potentiel, les troubles dys sont la marque d’un cerveau présentant des différences neurologiques, qui entraînent un fonctionnement cognitif et émotionnel différent.
Ces singularités cognitives ont d’ailleurs tendance à s’associer. Par exemple, il est courant qu’un haut-potentiel présente un ou deux troubles dys.
Afin que ces singularités ne soient plus confondues avec les maladies neurodégénératives ou les insuffisances mentales et intellectuelles, les professionnels de la santé mentale (neurologues et psychiatres) qualifient leurs patients de « neuro-atypiques ».
Toutefois, cette reconnaissance reste encore trop peu connue du grand public, et des neuro-atypiques eux-mêmes qui se voient contraints de se débrouiller seuls, sans connaissances réelles de leurs droits et possibilités.
Christelle Béchouche, neuro-atypique elle-même, a connu cette solitude dès l’âge de 14 ans.
A 16 ans, elle se retrouva en rupture scolaire et sociale. Durant 6 ans, elle parcourut le monde avant de reprendre ses études à 24 ans et de passer avec succès des concours d’écoles nationales supérieures pour devenir auteur et scénariste.
Consciente, par son expérience, que le principal handicap des dys n’est pas leur intelligence, mais l’environnement qui les considère comme inadaptés, Christelle Béchouche a publié un « manuel de survie de l’adulte atypique » (Le Courrier du Livre, 2021) dans lequel elle présente des outils et stratégies de compensation destinés à faciliter la vie des dys.
Comment mieux vivre en étant dys ?
Stratégies compensatoires pour la dyspraxie
Le dyspraxique qui doit se concentrer pour mobiliser ses mains et gestes est naturellement un dysgraphique, il convient donc de limiter au maximum l’écriture manuelle.
Gare à la casse ! Assurez donc tous vos équipements et objets précieux auprès de votre compagnie d’assurance.
Pour conduire, privilégiez les voitures avec boîtes automatiques. Pour passer votre permis, il existe des aménagements possibles comme indiqué sur la page du site du service public
Si vos déplacements en ville sont difficiles, utiliser un GPS piéton peut être judicieux.
Pour bien gérer votre temps, utilisez un agenda virtuel ou des organisateurs. Si vous avez à mener des tâches limitées dans le temps, vous pouvez utiliser un réveil ou une montre « Time Timer » qui vous permet de visualiser combien de temps il vous reste. Petite idée vintage : se doter d’un sablier peut aussi bien faire l’affaire.
Pour repérer votre gauche et votre droite, vous pouvez dessiner un G sur la chaussure gauche et un D sur la chaussure droite.
Faites-vous masser, ou massez-vous, cela vous permettra de mieux connaître votre corps en ressentant votre peau et vos muscles.
La boxe, excellente pour évacuer les tensions et mieux coordonner vos mouvements.
L’escalade pour la coordination des mouvements
L’équitation, particulièrement appréciée des dyspraxiques en raison des bienfaits ressentis au contact du cheval. Des centres équestres proposent l’équithérapie ou l’équicie, une pratique qui permet de créer une relation avec l’animal.
Quelques sites internet à garder en tête pour glaner de précieuses informations :
Dispraxie France Dys : https://www.dyspraxies.fr/
Emcdys : https://www.emcdys.fr/accueil.html
Fédération française des dys : https://www.ffdys.com/
Dyspraxique mais Fantastique : https://www.dyspraxie.info/
Stratégies compensatoires pour la dysphasie
Avoir toujours une ou deux phrases types pour démarrer vos conversations.
Pour montrer ce que vous voulez au restaurant ou avec des inconnus, utilisez des pictogrammes ou téléchargez une application sur votre mobile telle que JabTalk, Avaz (qui crée des phrases à votre place), Je veux (qui propose des pictogrammes de communication accompagnés d’une synthèse vocale pour exprimer ses besoins).
Quelques sites internet à garder en tête :
Association Avenir dysphasie France : https://aad-france.dysphasie.org/
Fédération des orthophonistes de France : https://federation-des-orthophonistes-de-france.fr/
Stratégies compensatoires pour la dyscalculie
Vous pouvez améliorer vos troubles en jouant à des jeux comme le Monopoly, les petits chevaux et tous les autres jeux où le comptage est impliqué.
Pensez également à certains jeux et applications en ligne comme l’Attrape-nombres, le Déclic, ou encore MathEOS.
Pour gérer le temps qui est une vraie difficulté pour le dyscalculique, une montre « Time Timer » peut être bienvenue. L’application iProcrastinate (qui n’a rien à voir avec la procrastination) est réputée pour nous aider à bien gérer son temps (mais seulement disponible sur Apple).
Stratégies compensatoires pour la dysgraphie
La calligraphie est excellente pour assouplir sa main et faciliter la prise en main du stylo.
Ayez toujours votre ordinateur, tablette ou téléphone à portée de mains pour prendre des notes.
Si vous désirez écrire, utilisez des stylos à gel effaçables et ergonomiques (évitez les stylos à bille qui vous fatiguent)
Privilégiez également un agenda virtuel.
Pour apposer votre signature, n’hésitez pas à utiliser une clé USB, un scanner de poche ou un tampon à encre.
Quelques sites internet à garder en tête :
GraphiDys : https://www.graphidys.com/
Dys vocal : https://www.dyslogiciel.fr/
Sur les conseils de l’auteure, le blog « Dys moi » (https://dysmoi.fr/) propose de nombreux pertinents pour mieux gérer sa dysgraphie.
Stratégies compensatoires pour la dysorthographie
Toutes les stratégies présentées pour la dyslexie et la dysgraphie fonctionnent.
Les derniers conseils et astuces concernent le monde du travail et s’adressent aussi bien à l’employeur qu’à l’employé dys.
Comment s’épanouir au travail en étant dys ?
Les deux conditions d’épanouissement
S’épanouir au travail suppose déjà d’y avoir accès. Or selon la Fédération Française des Dys, leur « taux de chômage [est de 20 %, soit] le double de la moyenne française ».
Toutefois en tant qu’handicap cognitif reconnu, les dys possèdent quelques droits non négligeables.
Par exemple, le taux d’emploi des personnes en situation de handicap est fixé à 6 % dans une entreprise de plus de vingt salariés. Les entreprises qui ne remplissent pas ce quota se voient soumises à une taxe par le biais de l’Urssaf et reversée directement à l’AGEFIPH (l’association de gestion de fonds pour l’insertion des personnes handicapées).
Le second point pour s’épanouir au travail est d’évoluer dans un environnement adapté, et pour cela, l’employeur est soutenu par l’Etat.
Les aides pour l’employeur
L’employeur peut effectivement bénéficier d’aides financières destinées à compenser le handicap de son employé dys.
Compenser le handicap signifie de faire des aménagements techniques, en proposant à l’employé des outils comme des logiciels, des téléphones ou un IRIS scan.
Mais également des aménagements organisationnels (pour aménager au mieux le temps de travail de l’employé) et humains (en le faisant accompagner d’un tuteur, coach ou correcteur)
Quant aux aides financières possibles, la liste comprend :
Une aide à l’embauche en contrat d’apprentissage (3000 € maximum)
Une aide à l’embauche en contrat de professionnalisation (4000 € maximum)
Une aide à l’accueil, à l’intégration et à l’évolution professionnelle pour une embauche en CDI ou en CDD de plus de 6 mois (3000 € maximum)
Une aide à l’adaptation des situations de travail.
Enfin, l’employeur peut toujours également demander des aides auprès de l’AGEFIPH ou des aides à l’emploi financées par l’Etat ou les régions.
Enfin, il existe aussi de nombreuses plateformes pour guider et soutenir les employeurs :
OETH (https://www.oeth.org/) un site d’information sur et pour l’embauche des employés handicapés
Handi-Pacte (http://www.fiphfp.fr/Handi-Pacte) une plateforme au service des employeurs pour faciliter l’inclusion et le maintien à l’emploi dans le secteur public.
Handicap info (https://www.handicap-info.fr/) : site dédié aux recruteurs et chercheurs d’emploi
Association tremplin (https://www.association-tremplin.org/) qui accompagne les employeurs à intégrer les personnes handicapées.
Selon Vincent Lochmann, Président d’honneur de la Fédération française des dys, aucune entreprise ayant eu à travailler avec des profils atypiques et/ou avec un handicap n’a eu à le regretter.
Toutes ont reconnu la contribution et la plus-value des employés issus de la « neurodiversité ».
Leur expérience confirme le fait que la diversité est toujours créatrice de richesse. Encore faut-il que celle-ci soit acceptée, respectée et reconnue comme telle.
Source : Christelle Béchouche, Le manuel de survie de l’adulte atypique, Le Courrier du Livre, 2021
Pour lire cet article, abonnez-vous gratuitement ou connectez-vous