Démystification des croyances sur le cerveau avec le neurologue Paolo...
Publié le 12/10/2023, mis à jour le 04/11/2024
Connaissance de soi
Démystification des croyances sur le cerveau avec le neurologue Paolo Bartolomeo
8 min de lecture
Mythes et vérités sur le cerveau selon le neurologue Paolo Bartolomeo
Cerveau et conscience : face à un public assoiffé de découvertes sensationnelles, la presse généraliste se laisse parfois emporter dans des interprétations hâtives des travaux scientifiques.
Ainsi, l’idée que nous n’utilisions que 10% de notre cerveau ou que la neuroplasticité soit une solution miracle qui restaure le cerveau en un claquement de doigts sont des croyances populaires.
Paolo Bartolomeo, neurologue, directeur de recherche à l’Inserm et exerçant à l’Institut du cerveau aspire à nuancer ces croyances.
Son premier ouvrage, Penser droit (Flammarion), revenait sur l’opposition commune que nous faisons entre le cerveau gauche et le cerveau droit.
Le premier cerveau serait le siège de la logique et de la raison, tandis que le second serait celui de la créativité et de l’intuition. Or, cette généralisation trop réductrice dévoie la richesse et la complexité de la latéralisation cérébrale.
Son second ouvrage, Dernières nouvelles du cerveau (Flammarion), fait état, comme son nom l’indique, des dernières connaissances sur le fonctionnement du cerveau.
Il est également l’occasion pour Paolo Bartolomeo de revenir sur les généralisations et les croyances du grand public en neurosciences.
L’une d’entre elles érige les neurones miroirs comme étant la clé de notre sociabilité. Ceux qui expliquent nos capacités empathiques et d’apprentissage. Or, c’est une conclusion hâtive.
Cellules gliales vs neurones miroirs: qui sont les vraies stars du cerveau?
Les neurones miroirs, la clé de nos comportements sociaux?
Imaginez des cellules cérébrales qui s'activent dès que vous effectuez une action ou lorsque vous voyez quelqu'un d'autre agir. Ces cellules sont les fameux "neurones miroirs".
Découverts dans les années 1990, ces neurones ont été observés pour la première fois chez les singes.
Lorsqu'un chercheur attrapait quelque chose devant un singe, ses neurones miroirs s'activaient, même s'il ne faisait rien lui-même. Pourtant dans le cerveau, c'était comme si le singe "imitait" l'action du chercheur.
Les chercheurs en ont déduit que la fonction première des neurones miroirs est de comprendre immédiatement, presque inconsciemment, l’action d’autrui.
Ils ont alors suscité un très grand intérêt tant ils semblaient être la clé de nombreux aspects de notre comportement social.
Impression confortée quand il a été découvert que Ies neurones miroirs nous «sollicitent» à imiter les actions d’autrui. D’où leur rôle non négligeable dans l'apprentissage de compétences.
Lorsque les neurones miroirs ont été étudiés chez les humains, une différence est apparue avec les singes: nos neurones disposent d’une palette d’actions plus larges.
Non seulement nos neurones miroirs s’activent pour comprendre et anticiper un geste impliquant un objet, mais ils s’activent également pour discerner les émotions et le langage corporel d’autrui.
Cette dernière découverte laisse suggérer aux chercheurs qu’ils pourraient également jouer un rôle dans des processus plus abstraits, comme le langage.
Bien que les neurones miroirs aient été associés à l'empathie, l’apprentissage et la façon dont les autistes voient et pensent le monde, leur rôle exact reste un sujet de recherche et de débat.
Si ces neurones ont conquis l’intérêt du public, un autre habitant du cerveau a fasciné autant, voire davantage, les scientifiques: les cellules gliales.
Des cellules dont Jean Becchio, fondateur des techniques d’activation de conscience, avait déjà mentionné l’importance dans le fonctionnement du cerveau.
Les cellules gliales, plus importantes que les neurones?
En dehors des neurones, les cellules gliales jouent un rôle essentiel et sont en réalité plus nombreuses que ces derniers. Dans un cerveau adulte, on recense environ 100 milliards de cellules gliales pour 86 milliards de neurones. Elles composent environ 15% de la substance grise du cerveau et peuvent même représenter jusqu'à 65% de la substance blanche.
Bien qu'elles soient souvent perçues comme des auxiliaires passives des neurones, ces cellules gliales revêtent en réalité une importance cruciale dans le fonctionnement cérébral. On distingue trois principaux types de cellules gliales :
Les oligodendrocytes, dont l'une des tâches principales est d'isoler les "câbles" des neurones, appelés axones, en les enveloppant dans une substance isolante nommée "gaine de myéline". Cette fonction permet aux signaux (l'information) de circuler plus rapidement.
Les microglies, qui agissent comme les "nettoyeurs" parmi les cellules gliales, en éliminant les déchets dans le cerveau et en contribuant ainsi au bon fonctionnement du système immunitaire.
Les astrocytes, qui entourent les neurones et les vaisseaux sanguins avec leurs extensions en forme d'étoiles. Ces prolongations agissent en tant que gardiens, empêchant les substances indésirables de pénétrer dans le cerveau depuis la circulation sanguine.
Une des découvertes les plus récentes et étonnantes concernant les astrocytes est leur communication constante avec les neurones, une relation qui exerce une influence significative sur la manière dont nous traitons les informations.
En parallèle avec les neurones miroirs, un autre sujet qui intrigue grandement le public est le mystère de la conscience. Alors que le philosophe et neuroscientifique Antonio Damasio a exposé sa thèse sur la construction de la conscience, il est légitime de se demander ce que révèlent d'autres travaux sur ce sujet.
L’éternelle question: comment le cerveau crée-t-il la conscience?
Les théories sur les origines cérébrales de la conscience
Depuis trois décennies, les chercheurs se sont penchés sur la manière dont notre cerveau génère la conscience. Au fil des années, diverses théories ont vu le jour pour expliquer ce mystère, parmi lesquelles :
La théorie du traitement récurrent postule que l'expérience de la conscience surgit des allers-retours d'informations entre différentes régions du cerveau. L'attention joue un rôle clé en nous permettant de conserver nos expériences conscientes, sans quoi elles s'évanouiraient rapidement.
La théorie de l'information intégrée suggère que pour qu'une information devienne consciente, elle doit quitter les régions sensorielles et être intégrée dans une "zone chaude" située à l'arrière du cerveau. La conscience émerge lorsque l'information est traitée de manière globale et cohérente, plutôt que morcelée.
La théorie de la méta-représentation affirme que la conscience n'apparaît que lorsque nous réfléchissons à nos propres pensées. Par exemple, lorsque nous pensons : "je vois une maison rouge", nous sommes pleinement conscients de ce que nous percevons, ce qui ne serait pas le cas si nous nous contentions simplement de voir la maison.
La théorie de l'espace de travail neuronal global stipule que pour qu'une information devienne consciente, elle doit être diffusée et stockée dans l'ensemble du cerveau. Contrairement à la théorie de l'information intégrée, cette approche inclut les régions frontales du cerveau.
En somme, toutes ces théories convergent vers une idée commune : pour que nous soyons conscients de quelque chose, l'information doit circuler à travers différentes régions de notre cerveau. Toutefois, chacune de ces théories comporte des lacunes, dont la plus significative aux yeux de Paolo Bartolomeo est qu'elles négligent l'asymétrie des deux hémisphères du cerveau.
Le rôle des deux cerveaux
L’asymétrie du cerveau est particulièrement visible en cas d’accident vasculaire cérébral (AVC).
Si une personne a un accident vasculaire cérébral (ou AVC) sur le côté droit du cerveau, elle peut ne pas être consciente de ce qui se passe à sa gauche. Or, ce phénomène est moins courant si l'AVC se produit du côté gauche du cerveau.
La raison de cette curieuse disparité réside dans un "gros câble" du cerveau droit, communément appelé "substance blanche", qui revêt une importance cruciale pour notre attention et notre conscience. Dès lors que ce "câble" subit des dommages ou des perturbations, tout ce qui se produit du côté gauche de notre champ de vision échappe à notre perception.
Les Clés de la Perception : Comment Notre Cerveau Gère l'Attention et la Conscience
Afin de mieux comprendre l'impact de notre attention sur ce que nous percevons, Paolo Bartolomeo et son équipe ont mené des expériences avec des patients épileptiques. Ils ont exposé ces patients à un point noir affiché sur un écran, suivi d'un autre stimulus de faible intensité. Lorsque le point noir se trouvait à proximité de ce stimulus, les patients avaient tendance à le repérer plus fréquemment. Ce qui s'avère particulièrement intrigant, c'est que l'activation significative de la partie droite de leur cerveau témoignait de son rôle dans la concentration de l'attention pour repérer le stimulus.
Bien que le cerveau droit semble être le siège de la conscience, le cerveau gauche ne reste pas en retrait. Les chercheurs suggèrent qu'il joue un rôle dans le processus décisionnel, notamment lorsque le patient doute de la pertinence de sa perception du stimulus.
En résumé, le cerveau droit nous assiste dans la perception, tandis que le cerveau gauche tente de comprendre et d'interpréter nos perceptions. Ces deux moitiés du cerveau remplissent des fonctions distinctes mais complémentaires qui contribuent à notre conscience et à notre capacité de perception.
Alors que les mystères entourant la conscience demeurent, une autre facette de celle-ci, les rêves, a commencé à dévoiler certains de ses secrets.
Les neurosciences sont-elles sur le point de percer les secrets de nos rêves?
Décrypter les rêves avec l’IA et la neuroimagerie
Certains bruits affirment que les scientifiques sont sur le point de lire ou de décoder les rêves à partir d’images cérébrales.
Qu'en est-il réellement?
Il est vrai qu’au Japon s’est produit une petite révolution. Une équipe de chercheurs menée par Tomoyasu Horikawa à Kyoto a utilisé l’intelligence artificielle pour découvrir ce dont les gens rêvent grâce à l'étude de leur cerveau.
L’équipe d’Horikawa a observé le cerveau de personnes pendant qu'elles commençaient à s'endormir, les ont réveillées et leur ont demandé ce qu'elles voyaient dans leurs rêves.
Ils ont ensuite utilisé ces informations pour créer une sorte de "dictionnaire de rêves". L'IA a ensuite été formée à reconnaître les schémas du cerveau liés à ces images de rêve.
Ce faisant, elle a pu être en mesure de dire si une personne rêvait d’une voiture ou d’un homme rien qu’en consultant son activité cérébrale.
C’est une prouesse impressionnante, mais qu’il est très difficile de reproduire tant les conditions de réalisation sont précises et laborieuses.
Ce n’est donc pas demain que nous pourrons vraiment décoder nos rêves.
En revanche, les rêves pourraient peut-être bientôt nous aider à booster notre créativité.
Stimuler sa créativité grâce aux siestes éclairs
L'équipe de pointe, sous la direction d'Isabelle Arnulf à l'Institut du cerveau, vient de prouver que les individus éveillés lors de l'endormissement se révèlent plus performants pour résoudre des énigmes mathématiques complexes.
Actuellement, l'équipe s'efforce de décoder la manière d'exploiter ces micro-sommeils pour stimuler la créativité. Leur inspiration provient d'un stratagème personnel de l'inventeur Thomas Edison, qui, durant ses siestes, tenait des balles dans ses mains. Lorsqu'il s'approchait du sommeil, les balles tombaient et le réveillaient. À son réveil, il faisait preuve d'une inspiration particulièrement aiguisée.
Contrairement à l'adage populaire selon lequel "la nuit porte conseil", il semblerait que ce soient les courtes siestes qui offrent cet avantage. Dès que le sommeil devient trop profond, les bénéfices de la phase d'endormissement s'amenuisent.
Si nous parvenons un jour à maîtriser le secret d'Edison, qui sait si ce n'est pas dans un rêve qu'un neurologue découvrira la clé pour percer les mystères de la conscience...
En attendant, il est sage d'adopter une attitude prudente envers les neurosciences, car de nombreuses révélations restent à venir. Il n'est pas impossible qu'à l'avenir, de nouvelles découvertes viennent chambouler notre compréhension actuelle. C'est ainsi que progresse la science.
Source: Paolo Bartolomeo, Dernières nouvelles du cerveau, Flammarion, 2023
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