Apparue comme concept psychologique dans les années 1950, la résilience s’est fait connaître en France en 1999 suite à la parution d’ «Un merveilleux malheur» de Boris Cyrulnik.
Elle est, depuis, devenue un concept à la mode repris en de nombreux domaines.
Par exemple, à l’école, un enfant est dit «en résilience scolaire» quad ses résultats augmentent. Ou encore, nous sommes considérés comme résilients quand nous retrouvons le sourire après une période sombre.
Ces deux exemples présentés par Martine Labi-Bayle, psychologue clinicienne, professeure honoraire des universités en sciences de l’éducation et auteure, illustrent la façon dont le terme de résilience s’est dévoyé.
Dans son dernier ouvrage «La force de la faiblesse» (Odile Jacob), Labi-Bayle rappelle ce que n’est pas la résilience. A savoir qu’elle n’est ni une capacité à s’adapter, ni une volonté de faire face à l’adversité ou de surmonter les épreuves.
Elle est un processus complexe comme l’a défini Boris Cyrulnik:
«La résilience est un processus biologique, psychoaffectif, social et culturel qui permet un nouveau développement après un traumatisme psychique.»
La résilience est un phénomène presque passif, non-agissant. Ainsi, aucune technique ou méthode ne peut nous rendre résilients. Et s’il existe des conditions pour que la résilience se déploie, celles-ci sont multiples et variées.
Elles dépendent à la fois de l’environnement et de notre individualité unique. Et ce, non pas au sens narcissique. Unique dans sa richesse , ses possibilités et ses complexités qu’elle renferme.
Il n’y a donc pas une «façon» unique d’être résilient, mais diverses formes de résilience. Autrement dit, il existe différents chemins conduisant à la résilience.
Pour l’illustrer, Labi-Bayle évoque l’exemple de l’écriture thérapeutique permettant pour certains d’accéder à la résilience. Et pour d’autres non.
L’écriture thérapeutique est-elle toujours source de résilience?
Une des principales sources de la résilience est le temps de la digestion des malheurs et traumatismes.
Ce n’est qu’en laissant passer un temps certain que nous pouvons revenir sur l’expérience passée. Puis tenter de la renvoyer à sa place dans notre espace psychique (aussi appelé le monde intérieur). A savoir le passé.
Pour ce faire, il existe ce que Martine Labi-Bayle appelle des «artifices salvateurs» pour permettre ce passage. Parmi les plus fameux d’entre eux, l’écriture thérapeutique.
Elle permet d’établir un récit où sont liés nos souvenirs, ainsi que les récits entendus de l’entourage. Cet élément est particulièrement important si le traumatisme remonte à la petite enfance.
Tout simplement parce que nous n’avons pas accès à nos souvenirs, avant (au minimum) deux ans et demi, le langage n’est pas acquis. Les souvenirs de cette période sont donc stockés dans l’inconscient et non dans le préconscient.
Une fois les éléments de sa vie en main, l’écriture thérapeutique permet d’exprimer pleinement la souffrance émotionnelle. Ainsi que la possibilité d’une mise en cohérence pour retrouver un sens à son existence.
Si trouver du sens à son histoire est un facteur non négligeable de résilience, l’écriture thérapeutique ne l’est pas obligatoirement. Effectivement, si cette technique peut contribuer à faire émerger la résilience, elle peut aussi la perturber.
Chez certaines personnes, mettre par écrit leur récit de vie peut les conduire au ressassement (à l’overthinking . Ils peuvent rester psychiquement bloqués dans leur passé. Ils en deviennent obsessionnels et aveugles au temps qui passe où leurs conditions de vie ont potentiellement changés.
Se raconter n’est donc pas toujours de rebondir après une épreuve. C’est même le contraire pour certaines personnes qui préfèreront se taire et utiliseront des sources de résilience méconnues.
Quelles sont les formes de résilience méconnues?
Pour les mieux informés, le potentiel de résilience est déterminé par deux facteurs principaux:
Des conditions initiales optimales dans un environnement sécurisant et entouré d’amour.
Si ces conditions initiales font défaut, l’apparition ou la recherche d’une figure bienveillante aussi appelée un tuteur de résilience.
Il existe, enfin, des cas rares où les personnes n’ont connu ni conditions optimales ni tuteur, et qui ont pourtant su faire preuve de résilience.
Dans une étude co-réalisée par son collègue Éric Millet, auprès de 16 personnes ayant survécu à des drames qui auraient potentiellement conduit tout autre à la mort, Martine Lani-Bayle révèle les sources de leur résilience:
Une sévère dépression dérivant sur une colère, une révolte salvatrice contribuant à leur salut.
Une forte personnalité les amenant à ignorer les conseils donnés pour se reconstruire.
Une importante imagination les conduisant à vivre dans des récits fictifs leur permettant de se détourner d’une réalité mortifère. Cette imagination leur permet également de se créer un tuteur imaginaire. Ce tuteur est très souvent une version heureuse d’eux-mêmes.
Pour illustrer ce dernier point, imaginez un enfant frustré, isolé et ne pouvant faire ce qu’il veut. Il se réfugie dans son imagination et rêve de l’adulte qu’il sera plus tard. Il le voit libre et heureux.
Cet adulte imaginaire lui parle, le rassure, lui raconte ses futures aventures et lui promet que sa vie sera différente plus tard. De cette façon, l’enfant n’est pas brisé et conserve son élan vital qu’il conservera à l’âge adulte en faisant preuve d’une volonté à tout crin pour atteindre ses objectifs.
Même s’il est encore difficile de comprendre ces différences de caractère, certains éléments de personnalités les éclairent. En prenant connaissance de ces éléments et des différentes sources de résilience connues, nous pouvons déterminer lesquelles nous siéent le mieux.
Quelles sont les différentes sources de résilience?
L’état de la recherche sur la résilience détermine plusieurs sources sur lesquelles elle se construit:
Le temps mis à contribution pour panser ses plaies, se reconstruire et retrouver goût à la vie.
Les liens d’attachement et relationnels.
L’appui d’un tuteur réel ou imaginé.
Le récit ou l’écriture thérapeutique qui permet d’incorporer le traumatisme ou le drame dans notre histoire personnelle. Et ainsi, de retrouver un sens à notre existence.
Le rapport à l’environnement.
Il est intéressant de noter que l’ethnologie et la psychologie ont déterminé deux conduites face à l’environnement:
Les dépendants du champ. Autrement dit, ceux qui portent davantage attention au monde extérieur plutôt qu’à leur monde intérieur.
Les indépendants du champ, à l’inverse, portent davantage d’attention à leur monde intérieur.
A ce titre, Martine Lani-Bayle estime que les personnalités capables de résilience sans ressources extérieures (comme mentionné plus haut) sont toutes des indépendantes du champ.
Face aux évènements négatifs, les quatre points suivants sont de puissants mécanismes de protection psychique.
Le lâcher-prise sur ses souffrances et ses traumatismes pour se tourner davantage vers ce qui nourrit notre élan vital et ce qui nous fait vibrer.
L’imagination
La sublimation de son vécu par l’art.
La distanciation par l’humour.
Comme on peut le constater, la résilience est multiple. C’est à chacun de sentir quelle ressource fait écho en lui, ou quelle ressource l’inspire. Sachant que l’inspiration et le ressenti sont à part égale de bons signaux pour révéler quel résilient nous sommes.
Enfin, notons aussi que la résilience est aussi fragile que multiple. Elle n’est jamais totalement acquise puisqu’elle est un processus et non un état d’esprit.
Elle nous invite tout autant à l’humilité qu’à l’émerveillement devant la force et le mystère du vivant.
Source: Martine Lani-Bayle, La force de la faiblesse, Les sources de la résilience, Odile Jacob, 2022
Pour lire cet article, abonnez-vous gratuitement ou connectez-vous