“Si vous pensez ne pas avoir le temps de faire une pause, c’est que le moment est venu de le faire.”
— Dr Inge Declercq
Dans Quand votre cerveau dit pause, publié aux Éditions De Boeck Supérieur, la neurologue et spécialiste du sommeil Dr Inge Declercq livre un véritable manuel de survie à l’usage de celles et ceux qui vivent sous pression constante. Invitée du podcast BloomingYou, elle partage avec une clarté bienveillante les mécanismes neurologiques liés au stress chronique, les conséquences silencieuses de notre rythme effréné, et les clés très concrètes pour retrouver un véritable sommeil réparateur.
Cet article déplie les points essentiels de son ouvrage et de notre conversation (podcast ci-dessus), pour vous aider à rétablir le lien entre vos besoins profonds et vos habitudes quotidiennes.
Le stress chronique : le mal silencieux de notre époque
Tout commence par une course permanente. Une to-do list sans fin, des réunions qui s’enchaînent, des notifications permanentes, une responsabilité hypertrophiée. On se sent utile, valorisé, indispensable. Et pourtant… le cerveau, lui, sature. Le stress, censé être ponctuel et mobilisateur, devient un état permanent. C’est ce qu’on appelle le stress chronique.
Ce stress de bas bruit ne se contente pas de fatiguer : il enflamme notre organisme. À léchelle neuronale, il perturbe les circuits de la mémoire, de la concentration, du contrôle émotionnel. Il déséquilibre notre horloge biologique. Il empêche la production naturelle de cortisol au bon moment, et il interfère avec la sécrétion de la mélatonine, hormone clé du sommeil.
“On passe du sprint au marathon sans jamais s’arrêter. C’est une spirale infernale qui mène à l’épuisement.”
Quand le sommeil ne répare plus
Le stress chronique fragmente le sommeil. Même si vous dormez sept heures, vous vous réveillez lessivé. Pourquoi ? Parce que des micro-réveils invisibles à votre conscience viennent perturber la structure du sommeil profond. C’est l’une des raisons pour lesquelles un sommeil réparateur ne se mesure pas qu’en quantité, mais en qualité.
Dans son livre, la Dre Declercq décrit avec précision le fonctionnement de notre horloge centrale (le noyau suprachiasmatique de l’hypothalamus) et l’importance de la lumière naturelle, des routines du matin et du soir, de l’équilibre entre veille et repos. Une nuit de qualité commence au lever, avec de la lumière, de l’hydratation et du mouvement. Et elle se prépare tout au long de la journée, notamment grâce aux micro-pauses.
Les micro-pauses : antidotes puissants et accessibles
C’est l’une des grandes forces de l’ouvrage : montrer que les solutions existent, qu’elles sont simples, validées scientifiquement et à la portée de tous. Les micro-pauses sont des temps courts (1 à 5 minutes) où l’on rompt véritablement avec le flux. Pas une pause à scroller sur Instagram, mais une pause où l’on respire, marche, s’étire, contemple. Ces pauses agissent comme des “mini-reset” neuronaux. Elles évitent l’hyperexcitation du système nerveux central (hyperarousal) et préservent la capacité de concentration.
“Idéalement, faites une micro-pause toutes les 45 minutes. Cela change tout, pour le mental comme pour le corps.”
Comprendre son chronotype pour mieux vivre sa journée
Dans une société uniforme où tout le monde doit être opérationnel à 9h tapantes, Inge Declercq rappelle une vérité biologique : nous n’avons pas tous le même chronotype. Certains sont productifs le matin, d’autres en fin de journée. Connaître ses pics naturels d’énergie permet d’adapter son emploi du temps pour être plus performant et moins stressé.
Elle encourage chacun à identifier sa fenêtre de “focus optimal” et à l’utiliser pour les tâches importantes. C’est aussi dans ces moments que la méthode O.H.I.O. prend tout son sens.
O.H.I.O. : Only Handle It Once
Une autre idée puissante du livre : la méthode O.H.I.O., ou Only Handle It Once. L’objectif ? Se concentrer pleinement sur une seule tâche, sans interruption, jusqu’à sa complétion. Ce mode de “deep work” est l’antidote à la dispersion cognitive causée par les interruptions incessantes (notamment les e-mails ou notifications).
“Commencez par éteindre votre téléphone, mettez-le loin de vous. Communiquez que vous ne voulez pas être dérangé pendant 45 minutes. Puis, plongez dans la tâche.”
Cette stratégie, en apparence banale, améliore la qualité du travail et réduit la fatigue cognitive. Elle permet aussi de sortir de la spirale de la procrastination, grande pourvoyeuse de stress inutile.
Reprogrammer ses croyances sur la performance
Dans une société où l’on valorise la vitesse et la surcharge, apprendre à ralentir demande du courage. Cela implique de remettre en question des croyances tenaces : “je dois toujours être disponible”, “je dois finir ce que j’ai commencé tout de suite”, “je ne peux pas dire non”.
“Non est une phrase complète. C’est un acte de souveraineté.”
La Dre Declercq propose un véritable travail sur ces schémas mentaux. Elle invite à reconsidérer notre rapport au temps, au repos, à la productivité. Elle s’appuie sur la philosophie stoïcienne et la psychologie cognitive pour offrir des outils concrets de transformation.
Le GPS intérieur : retrouver son rythme, son souffle, sa clarté
Le concept du GPS intérieur, présent dans le livre, renvoie à cette boussole intime que nous avons souvent oubliée. Ce n’est pas de l’instinct flou, mais une capacité à se reconnecter à ses besoins biologiques et émotionnels. Ce GPS s’aiguise par l’observation : comment je me sens après une pause ? Quels sont mes moments de clarté dans la journée ? Qu’est-ce qui me draine, qu’est-ce qui me nourrit ?
La pleine conscience, la méditation informelle, l’attention au souffle deviennent alors des outils simples mais puissants pour réactiver cette intelligence du corps.
Trois habitudes simples à mettre en place aujourd’hui
Le matin lumineux : s’exposer à la lumière naturelle, boire de l’eau, s’étirer.
Les micro-pauses actives : au moins trois par jour, avec mouvement ou respiration.
La concentration ciblée : pratiquer la méthode O.H.I.O. au moins une fois par jour.
En conclusion : une révolution douce
Quand votre cerveau dit pause n’est pas un livre feel-good de plus. C’est un guide rigoureux, ancré dans la science neurologique, mais à la portée de tous. Il répond à une urgence contemporaine : sortir du stress chronique, retrouver un sommeil réparateur, et faire la paix avec le rythme naturel de notre corps.
Ce que propose Inge Declercq, ce n’est pas une pause comme fuite, mais une pause comme reconquête. Celle de notre énergie, de notre clarté mentale, et de notre liberté intérieure.
Alors aujourd’hui, posez-vous cette question : — À quel moment vais-je m’offrir 10 vraies minutes rien qu’à moi ?
Sans écran. Sans bruit. Juste moi, mon souffle, et la vie.
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