Apparu au XVème siècle, le mot procrastination est issu de la combinaison des termes latins «pro» (signifiant «en avant») et de «crastinus» (signifiant «demain»).
La procrastination définit un comportement consistant à reporter au lendemain ce qu’il importe de faire aujourd’hui.
Comme l’indique Christian Martin, consultant, formateur , auteur de plusieurs centaines de modules e-learning, les mécanismes et les conséquences de la procrastination sont toujours identiques.
Dans son ouvrage «60 minutes pour arrêter de procrastiner» (Gereso), il décrit l’ambivalence émotionnelle propre à ce comportement.
La procrastination s’accompagne toujours d’une forme de soulagement immédiat, mais tinté par l’appréhension qu’il sera encore plus difficile de passer à l’action demain.
Les quatre facteurs de procrastination de Piers Steel
De nombreux chercheurs en sciences comportementales se sont intéressés à la procrastination. Parmi les plus connus, Christian Martin cite Piers Steel, professeur des sciences comportementales et l’auteur de «Procrastination - Pourquoi remet-on à demain ce qu'on peut faire aujourd'hui?»
Selon Steel, il existerait quatre facteurs expliquant la procrastination:
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Le stress
C’est la plus connue des causes. Le
stress serait dû à un sentiment d’incompétence. La tâche est jugée au-dessus de nos compétences. Ou une tendance au
perfectionnisme.
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Le caractère rebelle
Dans le monde du travail, le caractère rebelle serait l’un des principaux facteurs à la procrastination. Par exemple, la personne ne supporte pas les horaires imposés perçus comme une marque d’autoritarisme. De fait, elle est souvent en retard. Une façon de retrouver un sentiment de
liberté et d’autonomie.
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La motivation temporelle
Cette théorie s’appuie sur la façon dont notre cerveau calcule le bien-fondé d’une tâche à mener. Un point que nous avions vu avec Yves-Alexandre Thalman et
les clés pour se motiver en toutes circonstances.
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L’autosabotage
Le procrastinateur met ici en place, et de façon inconsciente, des obstacles pour s’empêcher de réussir. Il est à noter que ce dernier facteur ne fait pas l’unanimité dans le monde de la recherche.
Depuis les travaux de Piers Steel, l’état général des recherches sur la procrastination démontre
in fine trois grandes sources de la procrastination.
Les trois grandes sources de la procrastination
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Les croyances sur ses capacités de travail
Elle découle du sentiment d’incompétence mentionné plus haut. La personne estime manquer de connaissances et est submergée par l’ampleur de la tâche, elle ne sait pas par où commencer. Les autres
croyances sont liées au fait que l’on n’apprécie guère son travail ou que l’on estime certaines tâches être en dessous de ses compétences.
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L’environnement distrayant
Un environnement de travail perturbant. La distraction serait essentiellement due à l’irruption incessante de courriels, d’appels, de messages ou de notifications sur son portable.
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Un plan d’action trop rigide ou trop flou
Un plan d’action trop rigide et détaillé peut décourager la personne (souvent une perfectionniste) au premier obstacle rencontré. Un manque de ressources jugé nécessaire par exemple. La personne perd ainsi tout entrain pour continuer. A l’inverse de ce cas de figure, il y a le plan d’action trop flou et sans directive des étapes à suivre.
Selon une étude réalisée en 2010 par un autre spécialiste de la procrastination, Joseph Ferrari, professeur de psychologie à l'université DePaul (Chicago), 20% de la population mondiale montrerait des signes pathologiques de procrastination.
Chez les étudiants, le chiffre est particulièrement affolant, puisque la procrastination toucherait entre 80 à 95% d’entre eux. La première cause de procrastination estudiantine étant le sentiment d’incompétence.
Un
sondage plus récent de YouGov, dévoile qu’en 2019, 58% des Français admettent une tendance à procrastiner.
Il est à noter qu’il convient de faire une différence entre une procrastination pathologique et une tendance à la procrastination. Si la première nécessite un accompagnement obligatoire, la seconde peut se régler seul grâce à certaines méthodes. Parmi lesquelles, la méthode Pomodoro.
Comment appliquer la méthode Pomodoro?
Avant de passer à la méthode Pomodoro, trois actions élémentaires sont à noter pour éviter la procrastination :
- Supprimer toutes les formes de distractions pour améliorer sa concentration.
- Décomposer son projet en tâches aussi fines que possibles. On augmente ainsi son niveau d’espérance de réussite, un facteur clé de motivation.
- Commencer petit et doucement pour réussir à changer d’habitudes. Par exemple en commençant par deux pompes ou 5 minutes de jogging.
Quant à la méthode Pomodoro elle-même, elle consiste à
apprendre à mieux gérer son temps en travaillant sur un court temps.
Comment mieux gérer son temps?
Développée par Francesco Cirillo dans les années 1980, cette méthode utilise une minuterie pour diviser le travail en intervalles de 25 minutes séparés par des pauses de 5 minutes.
Par exemple, si nous prévoyons de ranger notre foyer, on peut diviser la tâche en 8 séquences. Trois séquences un premier matin (de 7h à 8h30), trois autres le matin suivant et 2 dernières le dernier matin.
Afin de réussir cette méthode, prévoyez d’abord de diviser votre projet en tâches. Evitez également de l’appliquer pendant une journée entière ou si vous prévoyez d’être interrompu à plusieurs reprises.
Cette méthode fait écho au programme anti-procrastination développé par les chercheurs allemands Höcker, Emberding et Rist. Leur technique consistant à s’obliger de restreindre son
temps de travail. Si on estime, par exemple, avoir besoin de 8h pour écrire un article, on doit s’astreindre à 4h.
Cette restriction permet de
changer de perspective puisqu’une fois le délai écoulé, on arrête de travailler alors qu’on souhaiterait continuer. On développe ainsi un besoin accru de retourner à sa tâche.
En complément de la méthode Pomodoro, Christian Martiné conseille d’appliquer la méthode du Rubicon.
Comment appliquer la méthode du Rubicon?
La méthode du Rubicon est issue des travaux des psychologues Heinz Heckhausen et Peter Gollwitzer. Elle doit son nom au fait qu’entre l’intention et l’action se trouve un fossé que les procrastinateurs ont du mal à franchir.
Pour passer ce cap, quatre étapes doivent être observées:
- D’abord définir la situation ou le problème.
- Elaborer un plan d’action pour résoudre la situation ou le problème.
- Suivre le plan d’action en veillant à consacrer un temps précis à chaque tâche et en prenant conscience des interruptions vécues et de leur origine.
- Evaluer l’efficacité du plan d’action.
La méthode smart
Un plan d’action efficace et intelligent doit posséder cinq caractéristiques regroupées sous l’acronyme SMART, à savoir:
- Spécifique. Par exemple, je veux perdre du poids avant ma date d’anniversaire.
- Par exemple, je veux perdre 3kg avant ma date d’anniversaire. L’objectif de poids est mesurable.
- Si l’anniversaire est dans deux semaines, le plan d’action n’est pas réalisable. Si l’anniversaire est dans trois mois, l’objectif est nettement plus atteignable.
- Réaliste en fonction des efforts à faire. Dans le cadre de notre exemple, cela peut être de réduire de 20% la portion calorique de son alimentation et faire 15 minutes de sport par jour.
- Temporel (avec une date butoir). Dans l’exemple, ce paramètre est pris en compte. En se contentant d’affirmer «je vais perdre 3kg dans les prochains mois», notre plan d’action devient trop vague.
La procrastination n’a rien d’une fatalité. Elle est un conditionnement cognitif qui peut se désapprendre.
Son prix implique notre autodiscipline. Quant à ses fruits, ils sont nombreux et bénéfiques. On gagne du temps ainsi qu’une estime et une
confiance en soi non factices.
Pour passer le Rubicon, gardons en mémoire cette pensée de Sénèque: «La vie n’est pas trop courte, c’est nous qui la perdons.»
Source: Christian Martin, 60 minutes pour arrêter de procrastiner, Gereso, 2023