Romain du Ier siècle, Sénèque (en latin Lucius Annaeus Seneca) le jeune aussi appelé Sénèque le philosophe ou Sénèque le tragique était une star. Il était à la fois un philosophe de l’école stoïcienne, un dramaturge, un politique et un conseiller à la cour sous Caligula, Claude et Néron.
Dans ce véritable panier de crabes qu’était la cour impériale, Sénèque a su être une vipère. Auprès du sanguinaire Néron, Sénèque joue le rôle de précepteur et du confident. Pour conserver sa place, il fit assassiner ses ennemis et accumula une fortune de près de 300 millions de sesterces (soit 280 millions d’€).
Une réussite qui finit par exciter la haine de d’envieux auxquels Néron se ralliera en tentant d’empoisonner son vieux mentor.
Sénèque n’eut alors d’autre choix que de plier bagages et de quitter la cour. Discrédité et acculé au suicide, il se donne la mort le 12 avril 65.
Durant ses derniers jours, Sénèque pris conscience de ses égarements et de ses réelles inspirations.
Ami avec Lucilius le Jeune, gouverneur Romain de Sicile, Sénèque lui envoie des lettres qui exposent ses conceptions stoïciennes. Il s’emploie à lui prodiguer des conseils de vie pour qu’il ne reproduise pas ses erreurs et réussisse réellement sa vie.
Car pour Sénèque, le succès est une illusion de réussite, la véritable réussite c’est de mener une vie paisible en accord avec soi-même.
Le stoïcisme est une école de la pensée fondée par Zénon de Kition il y a 2500 ans.
Pour cette école, le véritable Homme libre et heureux est celui qui méprise les évènements extérieurs.
Très succinctement, le stoïcisme nous invite à renoncer à nous appuyer sur le monde extérieur pour ne compter que sur les forces de notre esprit. Car, non seulement nous n’avons aucune prise sur le monde, mais il est de surcroît trop instable et irrationnel parce que paradoxal.
Si nous prenons l’exemple de notre
société, tout un chacun s’aperçoit qu’elle est à la fois très confortable (grâce aux progrès sociaux et technologiques). Mais aussi très inconfortable (déclassement et incertitudes croissantes quant à l’avenir).
Nous devons donc trouver des appuis plus solides, et qui se trouvent dans notre esprit.
Andreas Athanas, l’auteur de « Maitriser le mode de vie stoïcien » (Vellum, 2019), note à ce titre que le stoïcisme connait un certain succès dans notre époque moderne.
Les pensées et maximes de l’empereur Marc-Aurèle, d’Épictète et de Sénèque, les trois grands représentants du stoïcisme, jalonnent internet connaissent un certain succès. Mais surtout, le stoïcisme a inspiré la psychothérapie et la psychothérapie.
Par exemple, les Thérapies Cognitivo-Comportementales (TCC) et la logothérapie de Viktor Frankl sont des techniques visant à restructurer et renforcer l’esprit face aux évènements extérieurs.
Dans cette démarche, Sénèque propose quelques clés mentales visant à souffrir le moins possible et à ne pas se tromper de chemin quand on souhaite réussir sa vie.
Comment éviter de souffrir selon Sénèque?
Ne pas être malheureux avant l’heure
Vraiment
réussir sa vie impose que la souffrance ne soit pas notre pain quotidien. Seulement quand on aspire à réussir sa vie professionnelle, éviter la souffrance devient difficile, la raison venant de notre incapacité à vivre l’instant présent.
Comme le sait d’expérience Sénèque, notre esprit est sans cesse sur le qui-vive à appréhender les dangers de demain ou à ressasser les
regrets de notre passé.
Sénèque remarque à raison: «Nous redoutons le plus douteux comme sûr et certain. Nous ne savons pas garder la mesure. Immédiatement, le souci vire à la peur.»
Grâce à nos
connaissances en neurosciences nous savons que notre tendance à envisager le pire provient d’un état d’esprit
anxieux. Nous vivons sous
stress, notre respiration devient artificielle et nous actionnons le système sympathique
du cerveau . Nous percevons alors notre environnement comme étant fondamentalement hostile et menaçant. Ce qui ne correspond pas forcément à la réalité des faits.
Or, «Souffrir avant qu’il soit nécessaire, c’est souffrir plus qu’il n’est nécessaire.»
Pour tranquilliser son esprit et apprendre à retrouver son calme, Sénèque préconise de vérifier
les fondements de ses craintes . Et faire preuve de prudence pour avoir un
esprit en paix :
«Tout ce que ta clairvoyance te permet de prévoir, prévois-le! Tous les coups qui peuvent te blesser, guette-les à l’avance et détourne-les! Et pour ce faire, la confiance en toi et une âme prête à tout affronter te seront du plus grand secours.»
On n’a jamais le malheur que l’on croit
La deuxième origine de nos souffrances sont nos plaintes. Parce que nous sommes restés bloqués dans
les souvenirs du passé, nous sommes incapables d’apprécier la vie actuelle. Ce qui est absurde pour Sénèque :
«À quoi bon revenir sur des douleurs révolues et te rendre malheureux sous prétexte que tu l’as été? […] N’aggrave pas tes maux toi-même. Ne les alourdis pas de tes lamentations. La douleur est légère sans la surcharge de nos préjugés. Exhorte-toi en te disant : «Ce n’est rien ou pas grand-chose! Tenons bon! Ca va passer!»
Car, effectivement rien ne dure: «La nature a pour loi le
changement, qui règle le royaume que tu vois. Après la pluie, le beau temps. La mer d’huile, puis la tempête. Les vents qui soufflent dans un sens, et puis dans l’autre. Le jour qui vient après la nuit. Une partie du ciel se dresse, l’autre s’enfonce.»
En résumé, «il y a donc ce qui nous tourmente plus que nécessaire. Ce qui nous tourmente avant qu’il soit nécessaire. Ce qui nous tourmente alors que ce n’est absolument pas nécessaire. Notre douleur, nous l’augmentons, nous l’anticipons, nous l’inventons.»
Sénèque nous rend
responsables d’une grande partie de nos souffrances, par notre incapacité à changer de perception sur le passé et les évènements à venir.
Tout est une question de point de vue, de même que pour l’argent.
Le souci des richesses
L’argent cause des souffrances pour deux principales raisons. La première étant l’insatisfaction quotidienne. Dans une lettre à Lucilius, Sénèque interroge son jeune collègue:
«Qu’est-ce que tu préfères: avoir beaucoup ou suffisamment? Celui qui a beaucoup en veut plus. C’est bien la preuve qu’il n’en a pas encore suffisamment. Celui qui en a suffisamment a obtenu ce qu’il n’est pas donné au riche de connaître: la fin de son désir. […] On est esclave ou maître de ses biens.»
Par ailleurs, l’autre souffrance liée à
l’argent est la
peur de le perdre.
Or: «Perdre une chose ou en redouter la perte, cela revient au même. […] Personne ne jouit d’un bien qui lui cause du souci. Il s’emploie à l’augmenter et, pendant qu’il songe au moyen d’y parvenir, il oublie d’en user. Et il fait des calculs, perd sa vie au forum, lit et relit son livre de comptes. Il était propriétaire, le voilà gestionnaire.»
La course aux profits ou l’épargne maladive n’est pas la marque de la réussite pour Sénèque mais celle de la confection de notre propre malheur. Au lieu de subir les aléas de la vie, nous avons choisi notre prison et notre bourreau.
On l’aura donc compris, pour Sénèque nos souffrances viennent davantage de nos peurs du
mental que de la réalité de la vie. Pour ne pas se laisser envahir par la peur, principale cause du malheur, et réussir sa vie, Sénèque préconise 3 ingrédients.
Comment réussir sa vie selon Sénèque?
Se focaliser sur l’essentiel
Nous n’avons pas besoin d’avoir 30 paires de chaussures, 50 sacs, dix millions d’euros sur notre compte d’épargne, changer de portable tous les ans, etc.
Notre
société de consommation de masse aurait navré Sénèque:
«Le Créateur de l’Univers qui a fixé par écrit les lois de notre existence visait à nous permettre d’assurer notre survie et non à faire de nous des enfants gâtés. Dans le premier cas, tout est prêt, immédiatement disponible. Dans le second, tous ces raffinements nous coûtent bien des misères, bien des soucis.».
Attention toutefois, pour Sénèque, rechercher
l’essentiel , n’est pas se limiter. Cela implique seulement de ne pas faire grand cas de la forme, pour se consacrer sur le fond:
«Horace dit admirablement que la soif se moque bien de la coupe dans laquelle on verse l’eau et de la main délicate qui la sert. En vérité, si tu accordes de l’importance à la chevelure du garçon qui te sert, à la transparence de la coupe qu’il te rend, c’est que tu n’as pas soif.»
Cultiver son esprit critique
Nous devons cultiver notre
esprit critique par rapport aux croyances de notre entourage, qui se fondent souvent sur leurs propres peurs:
«Tu ne peux pas éviter la douleur, la soif, la faim, la vieillesse, la maladie, la décrépitude, la mort. Ne va pas croire ceux qui t’encerclent de leur caquetage. Il n’y a rien là de mauvais, rien d’intolérable ou de cruel. Chez ces gens-là, c’est le consensus de la peur. Et toi tu craindrais la mort à cause de leurs ragots? Quoi de plus stupide qu’un homme qui a peur des mots?»
Par ailleurs, développer son esprit critique aide à discerner le faux semblant et le réel pour se protéger des malheurs de la vie:
“Enseigne moi à faire la différence entre les choses qui se ressemblent. Un ennemi flatteur vient vers moi en ami. Les vices s’insinuent en nous sous le nom de vertus. La témérité se cache sous le titre de courage. La mollesse se fait appeler modération. Le peureux se fait passer pour prudent. Voilà les dangereuses méprises que nous commettons. Applique à chacune de ces notions son signe distinctif.“
Les dieux sont meilleurs juges
Notre grande erreur consiste souvent à vouloir faire plier la réalité à nos souhaits. Or, nous sommes forcément perdants en vivant dans le déni et l’aveuglement. Toute la démarche philosophique de Sénèque consistant justement à
apprendre à plier nos désirs à la réalité:
«Celui qui se soumet de bon cœur aux ordres échappe à la part la plus douloureuse de la servitude: faire ce qu’on ne veut pas. On est à plaindre non pas de recevoir tel ou tel ordre mais de l’exécuter à son corps défendant. Préparons donc notre âme à vouloir tout ce que les circonstances exigeront d’elle.»
La seule préparation que nous ayons en main est la foi qui peut se développer grâce à
la confiance intérieure sur la vie et sur soi-même. Nous développons une précieuse
résilience qui nous aide à surmonter toutes les difficultés croisées sur notre route:
«Chaque fois que la vie me paraît cruelle et contraire, voici la règle que je me suis forgée : ne pas obéir à Dieu, [mais] l’approuver. Car les dieux sont meilleurs juges.
Pour ce qui est de développer la
confiance en soi, il existe trois pratiques typiquement stoïciennes.
Comment renforcer sa confiance en soi grâce au stoïcisme?
Pour renforcer sa
confiance en soi dans notre société matérialiste, pressée et exigeante, il convient à la fois d’améliorer sa résistance mentale et son autodiscipline.
Ce qui suppose de réorganiser son esprit en s’appuyant sur les trois pratiques suivantes :
Rester actif en organisant son temps permet à la fois de mieux atteindre ses objectifs, ce qui contribue naturellement à la
confiance en soi. Par ailleurs, rester actif est le meilleur moyen pour ne pas se laisser déborder par des pensées parasitaires ou s’enfoncer dans le ressassement mental.
L’introspection suppose que nous mettions de l’ordre dans notre esprit. Cet ordre ne suppose pas
forcément d’y faire le ménage, mais de prendre conscience de ce qui nous motive ou anime. Au risque de passer notre vie en mode pilote automatique et d’être perdus dans son esprit.
Tout le but du stoïcisme est d’apprendre à rester «stoïque». Autrement dit, à ne plus se laisser emporter par la colère ou le
stress face à un évènement extérieur qui ne dépend pas de nous.
Combien de personnes pestent dans les bouchons alors qu’elles ne peuvent rien y faire?
Or, ce ne sont pas tant les bouchons qui les gênent que les conséquences de ceux-ci (être en retard).
En réévaluant ses réactions, on apprend à établir le lien entre les circonstances qui créent l’adversité et notre façon de gérer la situation, et l’adversité même. Tout le but est alors de développer une posture nouvelle et libératrice face à l’adversité.
Un but auquel Sénèque et Marc-Aurèle contribuent pleinement aujourd’hui grâce à leurs Pensées.
Source : Sénèque, Apprendre à vivre, éditions Arléa, 2010 Andreas Athanas, Maîtriser le mode de vie stoïcien, éditions Vellum, 2019
Sénèque est une grande figure de l’école stoïcienne qui culminera avec l’empereur Marc Aurèle, avant de se faire décimer par les chrétiens, Qu’en dire ?
Quand nous n’avons pas de soucis financier et vivons en province loin des tumultes de l’état, nous pouvons vivre tranquillement sans souffrance. Cependant, la situation de beaucoup, c’est de survivre grâce au produit de son travail, exploité par un patron, c’est là que commence la souffrance. Et puis il y a la famille, l’affectif, le sexe et ses misères…
Je préconise de s’éloigner le plus loin possible de sa famille, surtout si elle est toxique, et pour les 90 % de ceux qui ne peuvent pas vivre sans relations amoureuses et sexuelles, de suivre une formation d’aptitude à la vie en couple avec un examen final sévère (pas comme le bac), et d’exiger ce diplôme de son candidat partenaire avant de lui ou de la permettre d’aller plus loin. Evidemment, cela suppose que l’on a soi-même réussi les tests, ce qui ne sera pas donné à tout le monde, Et pour les autres ce sera une cure psychanalytique, qui vous laissera avec peu d’espoir d’y parvenir un jour.