Parentalité positive : comment être un parent positif ?
Publié le 09/06/2021, mis à jour le 30/10/2024
Parents couple
Parentalité positive : comment être un parent positif ?
6 min de lecture
Plaidoyer pour une parentalité décomplexée, parentalité vraiment positive
Combien de fois avons-nous entendu dire que les enfants sont un poids, un fardeau ? Que prendre soin d’eux est un devoir souvent pénible, car les enfants doivent être divertis, surveillés, rabroués ? Voilà comment nous, Occidentaux, envisageons l’éducation des enfants. La vie de famille serait contraignante, affairée, besogneuse, épuisante, coûteuse.
A tel point d’ailleurs qu’à côté du burn-out professionnel, s’est rajouté ces dernières années le burn-out parental. Les principaux concernés étant les parents dévoués et ambitieux, qui veulent pour leurs enfants ce qu’il y a de mieux…
Une situation qui ne surprend guère le Britannique Tom Hodgkinson, fondateur de la revue Idler, auteur de nombreux ouvrages à succès et père de trois jeunes enfants.
Dans son dernier ouvrage, « l’art d’être parent » paru aux éditions Les Liens qui Libèrent, Hodgkinson s’appuie sur Rousseau, John Locke et l’écrivain D. H. Lawrence pour expliquer le double échec du parent parfait.
Non seulement celui-ci est un esclave à la botte de ses enfants, mais il prive ces derniers d’une éducation effective destinée à faire d’eux des adultes autonomes, responsables et épanouis.
Hodgkinson ne se contente naturellement pas que de dénoncer, il propose également une parentalité décomplexée, paresseuse et pragmatique, libérée du sérieux indigeste des valeurs performatives et matérialistes. Bref, une parentalité vraiment positive pour le bonheur des petits comme des grands.
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Arrêtez de dorloter vos enfants
Être aux petits oignons pour ses enfants, même si cela né d’une bonne intention, ne leur fait aucun bien parce qu’ils n’apprennent rien de la double réalité de la vie qui est d’être à la fois belle et cruelle, douce et injuste.
Empêcher les enfants d’éprouver la part sombre du monde, ce n’est pas les protéger mais les priver de ressources vertueuses et vitales lors des épreuves de la vie comme l’autonomie , la résilience, le courage, la persévérance, le lâcher-prise. Et c’est les priver des qualités immanentes à ces ressources que sont la confiance et l’estime de soi.
Rousseau argue :
« Lorsqu'[une femme] fait de son enfant son idole, qu'elle augmente et nourrit sa faiblesse pour l'empêcher de la sentir et qu'espérant le soustraire aux lois de la nature, elle écarte de lui des atteintes pénibles, sans songer combien, pour quelques incommodités dont elle le préserve un moment, elle accumule au loin d'accidents et de périls sur sa tête. […] A force de plonger leurs enfants dans la mollesse, elles les préparent à la souffrance ».
Naturellement, Rousseau ne prône ni la négligence ni l’insensibilité comme principes éducatifs. Tous les soins matériels et émotionnels doivent être prodigués, sans cela l’enfant a des carences qui l’affecteront tout au long de sa vie. Mais dorloter l’enfant va entraîner d’autres carences non moins dommageables. Comment trouver le bon équilibre ?
Hodgkinson a son idée :
« ce qu'une mère (ou un père) a de meilleur à offrir est sa bonne humeur, sa joie de vivre, son indépendance. Telle est la priorité. Je ne veux pas dire qu'elle doit être vaniteuse, égoïste, ne pensant qu'à son plaisir. Je parle de l'importance de l'amour-propre et non d'un égoïste amour de soi-même. »
Evoquer le travail des enfants renvoie aux petits mineurs du XIXème siècle ou aux enfants de Chine, d’Afrique et d’ailleurs, exploités dans les ateliers de vêtements ou dans les décharges publiques. Ce n’est pas le propos ici.
Selon Rousseau, un enfant "non-exploité" ne voit pas de différence entre le jeu et le travail : « qu'il s'occupe ou qu'il s'amuse, l'un et l'autre est égal pour lui. »? Le problème vient de nous-mêmes, quand nous assimilons les tâches quotidiennes à la souffrance au lieu d’en faire une activité joyeuse.
S’il est ardu d’inverser cette tendance, Hodgkinson préconise une alternative : « restez au lit le matin et voyez ce qui se passe. Vous découvrirez qu'en faire moins pour vos enfants les rendra plus autonomes. » C’est un triple bénéfice : plus d’autonomie pour l’enfant, plus de temps pour prendre soin de vous et vous aurez moins à faire aux pleurs et caprices.
« Les enfants qui se font trop servir ne peuvent rien faire par eux-mêmes. Avez-vous remarqué comme ils s'attendent à ce que leurs parents sachent précisément où se trouvent toutes leurs affaires ? « Où est mon Tamagotchi ? Je ne trouve pas mes chaussettes » gémit l'enfant roi. »
«. […] Souvenez-vous que plus vos enfants seront forts mentalement, moins ils gémiront. »
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Ne leur achetez pas de jouets
Serait-ce encore une provocation de Hodgkinson ? Oui, mais elle a le mérite d’être là encore pertinente : « moins les enfants auront de jouets, mieux ce sera. Moins vous gâterez votre enfant, plus il développera une imagination fertile. »: left;">Par ailleurs, Hodgkinson est farouchement opposé aux jouets pour deux autres raisons :
La quasi-totalité des jouets étant fait de plastique peu recyclable, ils polluent l’air, les océans et les terres.
C’est jeter son argent par les fenêtres parce que le désir de l’enfant pour un jouet est trop temporaire. Il devient vite plus intéressé, voire complètement addict par l’abondance de jouets qu’aux jouets en eux-mêmes.
« Les objets de consommation sont comme des engrais chimiques : chaque année qui passe en exige davantage, et les enfants deviennent dépendants. »
John Locke raconte : « J’ai connu un enfant à tel point affolé par le nombre et la variété de ses jouets qu’il forçait chaque jour sa bonne à les passer en revue. Il était si amoureux de cette abondance qu’il ne croyait jamais en avoir assez et qu’il ne cessait de répéter : Et après ? Et après ? Que me donnera-t-on encore ? »
Pour l’enfant et le devenir de l’humanité au sens propre comme figuré, « apprenez à dire “non“. […] Evitez les situations susceptibles de provoquer les gémissements, surtout les endroits où il faut sortir son porte-monnaie : les magasins, les manèges et leurs stands de glaces. »
Laissez tomber les activités organisées
«.
Pour Hodgkinson, non seulement, les weekends des parents sont gâchés en faisant office de taxis, mais est-ce que ces activités répondent vraiment aux envies des enfants ? Ne préféreraient-ils pas se retrouver entre copains et aller s’amuser dehors qu’ils habitent en ville ou à la campagne ?
« Les activités dirigées par les adultes, même bien intentionnés, sont une forme de contrôle. [Or] si nous réglementons, contrôlons et confinons les enfants de façon excessive, nous courons le risque de voir leur désir de liberté s'exprimer un jour de façon terrible, antisociale et destructrice. Pensez aux rodéos, à la colle sniffée, aux fenêtres brisées, aux voitures rayées, aux agressions. L'esprit libre émergera d'une façon ou d'une autre, tôt ou tard, comme un diable de sa boîte. »
Si nous contrôlons et confinons les enfants ce n’est pas par sadisme, mais parce que leur sécurité nous importe plus que tout. Hodgkinson y voit ici un manque total de recul face aux médias, apôtres de la peur.
« Nous nous sommes laissés persuader que les cas d'enlèvements relatés dans les journaux sont monnaie courante. Ce n'est pas vrai. On compte peut-être environ dix cas par an en Angleterre. La probabilité est d’un sur un million. »
A nouveau le bon sens fait loi et si un enfant est attiré par un sport ou un instrument de musique, il est ridicule de le lui refuser. Aucun des conseils de Tom Hodgkinson ne doit être vu comme un dogme, pour lequel ce concept est une ignominie.
Pourquoi laisser les enfants faire (un peu) la loi ?
Oubliez les bonnes manières
Toujours dans notre volonté de bien faire, nous cherchons à enseigner aux enfants les bonnes manières. Sauf que nous perdons un temps fou à répéter en boucle les mêmes ordres : « dis merci », « dis bonjour », « ne mets pas tes coudes sur la table » etc.
Premièrement, réprimander « l'enfant comme un chien et le réprimander à tout bout de champ, ce n'est pas l'instruire, c'est le tracasser et le chagriner sans profit. »
Ensuite, « ne vous inquiétez jamais pour les fautes dont vous savez que l'âge les guérira [...] Il convient d'enseigner les bonnes manières par des exemples plus que par des règles. Les enfants, si l'on a soin de les éloigner de la mauvaise compagnie, mettront leur amour-propre à acquérir des manières élégantes. »
Nous avons déjà suffisamment notre dose de stress et de mauvaise humeur quotidienne. Inutile de s’encombrer davantage.
Dans le cas où les mauvaises manières vous agacent au plus haut point, voyez-les comme un parfait exercice de lâcher-prise.
Dites oui à tout
Dire oui à tout ? Ici, on pourrait penser que l’on revient à adopter la posture d’esclave envers ses enfants qu’Hodgkinson appelle à rejeter. Mais ce paradoxe n’est qu’apparent.
« Dire oui » est en fait une forme d’investissement sur l’avenir autant pour le parent, et pour l’enfant qui construit ainsi sa sécurité intérieure.
Pendant un ou deux ans, « donnez aux enfants ce qu'ils veulent, dès qu'ils le demandent. Si les enfants savent qu'ils peuvent profiter de votre attention pleine et entière à toute occasion nuit et jour, miracle, ils finissent par cesser de la demander. Ce qui vous laisse libre de glandouiller et de vous occuper de ce qui vous paraissait plus important. »
De plus, Hodgkinson rappelle une réalité vécue par tous les parents : les enfants grandissent vite. Leurs premières années ne reviendront plus.
Plus tard, « vous aurez beaucoup de temps pour travailler devant votre écran quand ils auront grandi et qu'ils auront moins besoin de vous. Alors profitez-en tant que vous pouvez ! »
Sources : Tom Hodgkinson, L’art d’être parent, éditions LLL, 2021
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