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Publié le 06/06/2024, mis à jour le 05/10/2024
Podcasts santé
À quoi servent les symptômes ?
Pourquoi poser la question “À quoi servent les symptômes ?”
Patrick Lemoine, dans son livre ” À quoi servent les symptômes” publié chez Odile Jacob, aborde cette question sous l’angle de la médecine évolutionniste. Les symptômes sont souvent des réponses aux stress environnementaux ou sociaux, ayant évolué pour aider nos ancêtres à survivre.
Comprendre la fonction des symptômes aide les professionnels de santé à développer des traitements plus efficaces, visant à rétablir l’équilibre naturel du corps et de l’esprit plutôt qu’à supprimer les symptômes. Cette perspective réduit aussi la stigmatisation des troubles mentaux, en les voyant comme des réactions compréhensibles à l’environnement.
L’approche évolutionniste permet de mettre en place des stratégies de prévention plus ciblées, offrant une vision globale de la santé qui intègre des aspects biologiques, psychologiques et sociaux.
Dans ce podcast Patrick Lemoine explore comment des comportements et troubles perçus comme pathologiques ont joué un rôle crucial dans l’évolution humaine, en tant que mécanismes de survie face à des situations stressantes ou dangereuses. Il souligne l’importance de distinguer entre mécanismes d’adaptation et maladies mentales, abordant des questions telles que l’insomnie, la dépression, les toxicomanies, les états limites et la psychose.
Créationnisme vs évolutionnisme
Le Dr Lemoine explique les différences entre le créationnisme, qui considère que Dieu a créé le monde en sept jours selon la Bible, et l’évolutionnisme, qui étudie les fossiles pour montrer l’évolution des espèces au fil du temps. Il souligne que de nombreux États américains doivent enseigner les deux théories.
Amal Dadolle : Comment la théorie de l’évolution de Darwin a révolutionné notre compréhension de la transformation des espèces, en particulier par rapport à la vision créationniste traditionnelle ?
Patrick Lemoine : Le créationnisme, c’est croire que Dieu a créé le monde en sept jours, selon la Bible, le Coran et les Évangiles. Le premier jour, Dieu a créé le ciel, les étoiles, etc. Selon cette croyance, tout est figé pour l’éternité. Les dinosaures sont considérés comme un artefact, n’ayant jamais existé.
L’évolutionnisme, en revanche, étudie les fossiles pour montrer une continuité. Il y a des milliards d’années, nous étions des bactéries au fond de l’océan. Petit à petit, nous avons évolué en amphibiens, reptiles, mammifères, et enfin en Homo sapiens, une espèce nuisible.
L’évolutionnisme prend en compte les changements au cours de l’évolution. Avant, on pensait que cela prenait des milliers d’années, mais parfois une nouvelle espèce peut apparaître en dix ans. Cela a été montré à Montpellier avec les baies. Cela a été prouvé aux Galápagos avec les pinsons. Donc, l’évolution peut être rapide.
Épigénétique et réconciliation
L’épigénétique est présentée comme un moyen de concilier le créationnisme et l’évolutionnisme. Cette discipline montre comment des facteurs environnementaux tels que les polluants, le stress ou d’autres influences peuvent provoquer des modifications épigénétiques, comme la méthylation des gènes, altérant ainsi leur expression sans changer leur séquence ADN. Ces modifications peuvent être transmises de génération en génération, ce qui pourrait expliquer la persistance de certaines maladies héréditaires sur plusieurs générations.
Amal Dadolle : Vous mentionnez dans votre livre que l’épigénétique permet aux gènes de s’adapter à l’environnement en une seule génération.
Patrick Lemoine : Je pense que Darwin aurait été enchanté de découvrir l’épigénétique, car cela réconcilie tout. Aussi bien la psychanalyse que les thérapies comportementales et les neurosciences. Pourquoi ? Parce que cela montre que l’influence d’un polluant ou d’un stress peut entraîner la méthylation d’un gène. Un gène qui devait rester inactif peut se mettre à s’exprimer.
Nous avons tous une bibliothèque de maladies potentielles dans notre corps, mais heureusement, elles ne s’expriment pas toutes. Par exemple, une femme enceinte ayant des antécédents familiaux de schizophrénie peut rencontrer un virus pendant sa grossesse. Cela peut entraîner la méthylation d’un gène et, vingt ans plus tard, son enfant pourrait devenir schizophrène. Cela peut se transmettre sur deux voire trois générations.
Un autre exemple, un homme qui fume augmente le risque de cancer du poumon chez son fils et son petit-fils. Chez une femme qui fume, ce risque est accru pour sa fille et sa petite-fille, mais disparaît normalement après trois générations. Donc, mesdames, si vous fumez, faites des garçons pour minimiser ce risque.
Amal Dadolle : vous parlez aussi du rôle de Dieu dans l’évolution des espèces. Quelle pourrait être la « profession » de Dieu, s’Il existe, dans le cadre de l’évolution et de la sélection naturelle ?
Patrick Lemoine : Je pense que Dieu est un bricoleur de génie. Comme disait Einstein, il ne joue pas aux dés, c’est-à-dire qu’il est capable de créer une complexité incroyable. La Terre est un immense écosystème, et parfois, Dieu fait des erreurs et arrive à des impasses.
Par exemple, il a peut-être créé des troupeaux de diplodocus dont l’empreinte carbone était impressionnante. Imaginez le méthane produit par ces animaux gigantesques. Ces troupeaux étaient une impasse, et tout a été éliminé.
Dieu comprend ses erreurs et les corrige. J’ai peur qu’il se rende compte que la création de l’homme n’était pas une bonne idée et que cela se passe mal dans notre avenir. Peut-être dans 100 ans, peut-être dans un million d’années, je ne sais pas.
Dieu reconnaît ses erreurs. Une girafe, par exemple, est absurde. C’est un animal voué à disparaître parce que c’est une impasse. Donc, il bricole, il revient en arrière et il arrive à la merveille, à la création.
Longévité de l’éspèce humaine
Le Dr Lemoine discute de la longévité de l’espèce humaine, qui est génétiquement programmée pour vivre jusqu’à 100 ans ou plus. Il explique que des facteurs tels que la fréquence cardiaque, l’activité et l’adéquation avec l’écosystème influencent la longévité.
Amal Dadolle : Vous dîtes dans votre livre, je cite : « L’espèce humaine est construite pour pouvoir vivre vieux, jusqu’à 100 ans et plus, et contrairement à une idée très répandue parmi les paléontologues, nos ancêtres au Moyen Âge vivaient beaucoup plus longtemps qu’on ne le pense, comme en témoigne l’étude de l’usure des dents dans des cimetières anglais médiévaux. » Pourquoi l’espèce humaine est-elle capable de vivre si longtemps comparativement à d’autres mammifères ?
Patrick Lemoine : Vous auriez dû inviter Dieu à ma place pour répondre à cette question complexe. Ce que l’on sait, c’est que la longévité d’une espèce dépend de nombreux facteurs. Par exemple, la fréquence cardiaque : une tortue, dont le cœur bat très lentement, peut vivre jusqu’à 200 ou 300 ans. En revanche, un colibri, avec un cœur qui bat très rapidement, vit très peu de temps, et c’est encore pire pour les insectes.
Ces facteurs incluent la fréquence cardiaque, l’activité, et l’adéquation avec l’écosystème. Tous ces éléments influencent la longévité. On sait aussi que la longévité est génétiquement programmée. Il y a eu une expérience intéressante où l’on utilise des boîtes de Pétri pour faire reproduire des cellules. Même dans des conditions optimales, ces cellules finissent par mourir après un certain nombre de reproductions. Cela montre que les cellules ont une durée de vie programmée.
Il semble que nous soyons génétiquement programmés pour vivre environ 130 ans. J’étais un peu pessimiste dans mon livre, car aujourd’hui, atteindre 100 ans est devenu banal. En voyant des personnes comme Edgar Morin, on se dit que nous pouvons vivre encore plus longtemps. Je ne parle même pas de Jeanne Calment.
Nous sommes construits pour vivre assez vieux, mais il y a des accidents de la vie, l’usure, les polluants, les toxiques, les mauvaises habitudes et la sédentarité. Tout cela fait que nous ne vivons pas aussi longtemps que nous le pourrions.
Mutations génétiques et âge parental
L’âge du père est souligné comme un facteur influençant les mutations génétiques transmises à la descendance. Les risques spécifiques de malformations génétiques liées à l’âge paternel sont comparés à ceux liés à l’âge maternel.
Amal Dadolle : Vous démontrez dans votre livre que l’âge du père influence les mutations génétiques transmises à la descendance. Quels sont les risques spécifiques de malformations génétiques liés à l’âge paternel comparativement à l’âge maternel ?Vous écrivez, je cite : « le risque global de malformations est parfaitement corrélé à l’âge du père : 1,5% pour les pères âgés de 25 à 29 ans ; 4% pour ceux de 30 à 35 ans ; 8% pour ceux de 40 à 49 ans et… 15% pour les pères de plus de 50 ans. »
Patrick Lemoine : Je pense que je vais faire un procès à Metoo, parce qu’elle n’a rien compris. Ils abordent des sujets importants, certes, mais c’est très macho. Par exemple, quand on voit un enfant trisomique, on regarde tout de suite la mère en disant que c’est de sa faute parce qu’elle a eu un enfant tard. Mais on ne regarde jamais l’âge du père.
Il a été montré que l’âge du père influence beaucoup le devenir de leurs enfants. Par exemple, le risque d’autisme est plus élevé pour les enfants de pères âgés que pour ceux de mères âgées. Je ne veux pas généraliser à partir de cas uniques, mais Trump, qui n’était pas jeune quand il a conçu son dernier enfant, a un fils avec des troubles du spectre autistique.
Comment expliquer cela ? C’est simple. Les femmes naissent avec un stock d’ovules qui ne bouge pas. Elles en perdent à chaque cycle menstruel jusqu’à la ménopause. Les hommes, en revanche, produisent des spermatozoïdes toute leur vie. Chaque fois qu’un spermatozoïde se multiplie, il y a un risque d’erreur de transcription.
Un jeune homme de 20 ans n’a pas eu beaucoup de multiplications de spermatozoïdes, donc moins de risques d’erreurs. En revanche, à 60 ou 70 ans, comme Picasso, il y a eu beaucoup de multiplications, augmentant les risques d’erreurs de codage et de pathologies chez le futur bébé.
Amal Dadolle : Comment les stéréotypes liés à l ‘âge, les partenaires affectent -ils les dynamiques sociales et familiales?
Patrick Lemoine : Je pense que, malheureusement, ce point de vue génétique n’affecte en rien la dynamique. Cependant, il y a un autre facteur important. Jusqu’à récemment, il était normal pour une jeune fille ou une jeune femme d’épouser un homme âgé. Regardez les rois de France, ils pouvaient épouser une fille de 5 ans. On attendait ses premières règles pour consommer le mariage, mais c’était considéré comme normal.
Quand des hommes comme Picasso ou Jean-Paul Belmondo sortaient avec des femmes beaucoup plus jeunes, tout le monde trouvait ça normal. En revanche, quand Claire Chazal ou Brigitte Macron se marient avec des hommes plus jeunes, cela fait scandale et on se moque. C’est une erreur.
D’un point de vue arithmétique, les femmes vivent en moyenne 5 à 6 ans de plus que les hommes. Pour éviter que les maisons de retraite soient peuplées uniquement de veuves, il suffirait que les femmes épousent des hommes de 5 à 6 ans plus jeunes. Cela réglerait ce problème.
Donc, il est logique de dire que notre président actuel a été visionnaire d’un point de vue démographique. Mais le seul critère qui vaille vraiment, c’est l’amour. À partir du moment où deux personnes s’aiment, elles peuvent se marier, peu importe l’âge.
Consentement dans les relations
Le consentement de la femelle est décrit comme indispensable pour l’accouplement dans la plupart des espèces animales, à l’exception des poissons. Le Dr Lemoine explore les dynamiques sociales et familiales liées aux stéréotypes sur l’âge des partenaires.
Amal Dadolle : Quid du consentement, vous en parlez dans votre livre, pourquoi le consentement de la femelle est -il indispensable pour l ‘accouplement dans la plupart des espèces animales à l ‘exception des poissons?
Patrick Lemoine : Pour les poissons, le consentement de la femelle n’est pas nécessaire car la fécondation est externe. En revanche, dans la nature, la plupart des animaux ne s’accouplent que lorsque la femelle est en chaleur. Cela vaut pour les lézards, grenouilles, oiseaux et mammifères.
Par exemple, les lions et les ours mâles, lorsqu’ils prennent le contrôle d’un groupe, commencent par tuer tous les petits. Ils veulent s’assurer que les petits sont bien les leurs et ne veulent pas de petits étrangers. L’obsession des mâles, quelle que soit l’espèce, est la légitimité de leur descendance. Ils veulent que les petits soient les leurs. En tuant les petits, la femelle cesse d’allaiter, ce qui déclenche l’oestrus et permet au mâle de s’accoupler.
C’est une loi dure de la nature, mais logique. Le mâle vainqueur est supposé être le porteur des meilleurs gènes. Dans le règne animal et humain, les femelles veulent s’accoupler avec le meilleur porteur de gènes. Chez les paons, c’est celui qui a la plus belle queue ; chez les lions, celui avec la plus belle crinière ; chez les cerfs, celui avec les plus beaux bois. Chez les humains, nos ancêtres cro-magnons préféraient le plus musclé et le plus intelligent. De nos jours, c’est le leader, comme le capitaine de l’équipe de foot ou le PDG.
Les femmes choisissent inconsciemment le leader, celui qui transmettra les meilleurs gènes. J’ai observé cela même chez les couples homosexuels, où trouver le meilleur porteur de gènes reste important.
Concernant le consentement, un homme regarde inconsciemment le diamètre des pupilles de la femme. Si ses pupilles se contractent, c’est un refus. Si elles se dilatent, c’est bon signe. Les éthologues confirment ces études. En revanche, les femmes ne se préoccupent pas du consentement des hommes, car dans leur imaginaire, un homme est toujours prêt.
Amal Dadolle : À quel âge une femme est capable de donner son consentement?
Patrick Lemoine : C’est une question complexe. Officiellement, l’âge légal est de 16 ans. Mais pour moi, c’est vraiment le minimum. Il faut du discernement. Certains experts psychanalystes disent qu’un enfant de 5 ans peut consentir, ce qui est absurde. Même à 10, 12, 14 ou 15 ans, ce n’est pas suffisant.
J’anime un groupe appelé les Dissociés Anonymes. Il réunit des femmes qui ont été violées, torturées ou victimes d’inceste et qui souffrent de dissociations. Ces abus les marquent à vie. Rappelez-vous le témoignage de Flavie Flament, marraine de ce groupe, qui a beaucoup souffert aussi.
Il y a deux critères : l’âge légal, que je fixerais à 16 ans au minimum, et la capacité à discerner. Il y a l’âge légal, mais aussi l’âge mental. Je connais des garçons de 30 ans qui se comportent comme des adolescents, et d’autres de 18 ans que la vie a rendus adultes. Ce n’est pas une parole d’expert, même si je le suis, mais je pense que l’âge de consentement devrait être le plus tard possible.
Amal Dadolle : Pourquoi le viol est-il presque exclusivement humain, et quelles autres espèces présentent des comportements similaires ?
Patrick Lemoine : Peu d’espèces animales pratiquent le viol, à part les punaises et les chimpanzés. Les chimpanzés sont semblables à nous : ils commettent des génocides, exterminent d’autres tribus, forment des commandos, violent et enlèvent des femelles, comme les Romains avec les Sabines.
Les bonobos, par contre, vivent dans une société matriarcale et sont très doux. La pédophilie et l’homosexualité y sont courantes. Les accouplements se font souvent sans pénétration, et un bébé bonobo tripoté par des adultes n’est pas un problème dans leur société.
Il n’y a traumatisme que s’il n’y a pas de consensus social. Par exemple, dans certaines sociétés papoues, un bébé doit boire de l’urine de ses proches pour grandir. C’est culturel et accepté, donc pas traumatisant. Mais si cette famille s’installe en France, cela devient problématique sans le consensus social.
J’ai été élevé par les frères des écoles chrétiennes. Les internes se plaignaient d’être tripotés par les frères. Ce n’était pas des viols, mais du tripotage, ce qui est scandaleux et répréhensible. Pourtant, il n’y avait pas de traumatisme durable. Ils en parlaient entre eux et en rigolaient. Mon père, médecin, m’avait même averti de ne pas aller à l’infirmerie si je tombais en récréation, car l’infirmier n’était pas gentil avec les petits garçons. Il était au courant, mais ne portait pas plainte.
Aujourd’hui, de tels comportements entraînent de vrais traumatismes et nécessitent une prise en charge. Ce n’est pas politiquement correct, mais c’est important de le reconnaître.
Rôle des drogues dans l’évolution
Le Dr Lemoine explique comment les drogues ont contribué à l’évolution humaine en permettant de prendre du plaisir de manière paresseuse, sans effort. Il fait un parallèle avec les animaux qui consomment des substances pour le même but.
Amal Dadolle : vous racontez du rôle des drogues dans l ‘évolution humaine. Comment ces substances ont -elles contribué à notre évolution?
Patrick Lemoine : Il y a un point commun entre toutes les espèces animales, peut-être même les plantes et les humains : la paresse. Dans une forêt, les chemins des sangliers sont toujours les plus courts et les moins pénibles. On a trouvé des mines de silex chez des hommes préhistoriques au Tchad. Ils prenaient du mauvais silex parce que c’était plus près et moins fatigant que de monter pour prendre du bon silex.
Tout organisme vivant est fainéant. On veut en faire le moins possible, c’est une preuve d’intelligence. Un enfant paresseux va inventer des trucs pour moins travailler. C’est très bien, maintenant il faut en faire quelque chose de positif.
Quel est le rapport avec la drogue ? Pour prendre du plaisir, il y a plusieurs façons : faire l’amour, courir, aller dans un musée, ou prendre de la drogue. La drogue est un moyen très efficace et fainéant pour prendre du plaisir. Les toxicomanes sont des paresseux qui ne veulent pas se donner la peine de chercher le plaisir autrement.
Quand je sèvre un toxicomane, je lui dis de remplacer la mauvaise drogue par une bonne activité, comme le sport. Ils doivent se défoncer jusqu’à l’épuisement, jusqu’à la crampe. À un moment, ils ressentent le deuxième souffle, une montée d’endorphines.
Chez les animaux, la capacité à prendre du plaisir, comme les grives dans les vignes ou les rennes avec les champignons hallucinogènes, est une façon de s’épargner du travail et de vendre du plaisir.
États limites et psychoses
Les états limites sont décrits comme des personnes qui agissent avant de réfléchir, tandis que la psychose implique des délires, des hallucinations et une perte de contact avec la réalité. Le Dr Lemoine explore les aspects positifs et adaptatifs potentiels de la psychose dans certaines sociétés.
Amal Dadolle : Comment expliquez -vous les états limites, comme la psychopathie et les différentes psychoses?
Patrick Lemoine : Les états limites et la psychose sont très différents. Les états limites, ce sont des personnes qui agissent avant de penser. Elles frappent d’abord, réfléchissent après. Cela a été exploité par les gouvernements. Par exemple, la Légion étrangère en France accueillait souvent des gens souffrant d’états limites. Ces personnes trouvaient un cadre et un but dans la Légion, ce qui les empêchait de devenir violentes dans la société civile.
La psychose, en revanche, est souvent perçue comme une condition débilitante et tragique. Un psychotique, souvent un schizophrène, vit dans le délire, la persécution et les hallucinations. Pendant longtemps, on a accusé les parents, surtout les mères, de causer la schizophrénie de leurs enfants. Mais on sait maintenant que c’est une maladie complexe, nécessitant des gènes prédisposants et un facteur déclencheur comme un virus ou un stress intense.
Malgré la souffrance, certains psychotiques ont eu des rôles valorisés dans certaines sociétés. Au Moyen Âge, les fous étaient protégés, car on pensait qu’ils avaient un lien direct avec les dieux. Dans certaines cultures africaines, les fous étaient nourris et respectés tant qu’ils ne posaient pas de danger. Ils pouvaient être considérés comme des chamans ou des sorciers.
Cependant, cette vision peut être double. Si le psychotique devient dangereux, il peut être exclu ou même tué, comme cela pouvait arriver dans certaines sociétés africaines où ils finissaient parfois comme repas pour les hyènes.
En résumé, bien que la psychose soit une maladie tragique, certains psychotiques ont pu trouver une place valorisée dans des sociétés anciennes, où ils étaient vus comme ayant des connexions spirituelles particulières.
Insomnie et son rôle
L’insomnie est présentée comme ayant un rôle dans la survie de l’espèce. Le Dr Lemoine partage l’exemple des Hadza, une tribu tanzanienne où les personnes âgées souffrent d’insomnie pour servir de sentinelles et alerter le village en cas d’attaque.
Amal Dadolle : vous êtes spécialiste effectivement des questions liées au sommeil, à quoi sert l ‘insomnie ?
Patrick Lemoine : L’insomnie est une question intéressante. J’adore l’anthropologie, l’étude des peuples différents de nous. Les Hadza, une tribu en Tanzanie sans électricité, vivent au rythme du soleil. Leur sommeil a été étudié. Tout le monde dort bien car le sommeil est essentiel pour la croissance, la lutte contre les infections, et l’hypertension.
Mais les personnes âgées Hadza ont un sommeil haché. On appellerait ça de l’insomnie, mais ce mot n’existe pas dans leur langage. Pour eux, c’est normal car ils ont une fonction : être sentinelles. Ils donnent l’alerte en cas d’attaque. Comme au Népal, où les personnes âgées surveillent les champs.
Cette étude montre aussi que certaines personnes sont très matinales, d’autres très du soir. Chez les Hadza, personne ne dort en même temps plus de 18 minutes par nuit. Il faut toutes les variations possibles pour parer à toute éventualité.
Sommeil et dépression
Le Dr Lemoine lie le défaut d’organisation du sommeil, en particulier du sommeil paradoxal, à la dépression. Il explique que la dépression est un retard de phase, où les personnes ne vivent pas à leur heure de sommeil programmée.
Amal Dadolle : Comment le défaut d ‘organisation du sommeil, en particulier du sommeil paradoxal, est -il lié à la dépression?
Patrick Lemoine : La dépression est souvent due à un retard de phase. Les personnes déprimées s’endorment et se réveillent trop tard, vivant hors de leur rythme naturel. Une étude a montré que des personnes saines, forcées de se coucher et de se lever six heures plus tard que d’habitude, ont fini par présenter des signes de dépression.
Il est important de vivre à son heure. Souvent, une grippe, le chômage ou des vacances peuvent déclencher une dépression en perturbant le rythme de sommeil. L’INSEE a montré plus de tentatives de suicide le lundi matin, surtout après un week-end de fêtes.
Pour aller bien, il faut se lever à son heure naturelle. Le sommeil paradoxal, qui augmente en fin de nuit, est lié à la dépression. Mon premier conseil en cas de dépression est de se lever 90 à 180 minutes plus tôt que d’habitude. Cela sera difficile pendant 15 jours, mais bénéfique à long terme.
Dépression et génie
La bipolarité et les épisodes dépressifs sont présentés comme pouvant contribuer au génie et au progrès de l’humanité. Le Dr Lemoine cite des exemples de personnalités historiques bipolaires reconnues pour leur génie, comme Churchill.
Amal Dadolle : quelle est la nature et la fonction de la dépression au sens de l ‘évolution?
Patrick Lemoine : J’avais publié un livre intitulé « Le sexe des larmes ». Pourquoi les femmes pleurent-elles plus et mieux ? Les larmes et la tristesse ont plusieurs fonctions. Quand vous êtes déprimé, vous allez lentement, vous prenez votre temps et vous faites des hypothèses. On ne tape pas sur quelqu’un qui pleure, car les larmes désarment l’agressivité.
La dépression a une fonction de prendre son temps et de désarmer l’agressivité. Mais les patients se plaignent souvent que ça tourne en boucle dans leur tête. Je leur propose des activités comme le jardinage. Quand vous plantez quelque chose, vous pensez à l’avenir. Le jardinage est très antidépressif.
Pourquoi la dépression devient-elle la première cause de handicap dans le monde ? La dépression désarme l’agressivité. On ne tape pas sur quelqu’un qui pleure. Comme l’agressivité augmente sur notre planète surpeuplée, la dépression réduit les conflits.
La bipolarité peut contribuer au génie et au progrès de l’humanité. Il y a un lien génétique entre bipolarité, intelligence et créativité. Churchill, par exemple, était bipolaire. Il avait beaucoup d’idées, certaines très bonnes, et était très créatif.
Amal Dadolle : Pourquoi la dépression est-elle plus fréquente chez les femmes en âge de procréer ?
Patrick Lemoine : La dépression est liée à la capacité de reproduction. Avant la puberté, les garçons sont plus souvent déprimés. Entre la puberté et la ménopause, les femmes le sont davantage. Après la ménopause, les taux de dépression s’équilibrent entre les sexes. Cela a un lien avec les hormones et la température corporelle.
La différence entre le maximum dans la journée et le minimum dans la nuit est faible. La vulnérabilité des femmes à la dépression augmente au fil du cycle. De J0 à J14, elles sont en pleine forme, surtout après les règles. À partir de J14, ça va moins bien. Les tentatives de suicide et les hospitalisations augmentent, et la tristesse est plus forte juste avant et au début des règles. C’est un facteur biologique.
Je ne néglige pas le rôle de la double journée de travail, des inégalités salariales et de la maltraitance des femmes dans la société. Ces facteurs contribuent aussi à leur tristesse. Certaines femmes, même maltraitées ou mal payées, ne sont pas déprimées. D’autres, dans un environnement parfait, dépriment dans la deuxième partie de leur cycle.
C’est complexe, avec des aspects biologiques, psychologiques, sociologiques et historiques. Cette complexité me plaît, car j’adore les choses compliquées.
Épidémies et guerres comme régulateurs de population
Le Dr Lemoine suggère que les épidémies comme la peste, le choléra, Ebola, la grippe espagnole ou le coronavirus, ainsi que les guerres meurtrières, peuvent être considérées comme des mécanismes naturels de régulation de la surpopulation.
Amal Dadolle : Les épidémies et les guerres meurtrières sont-elles des mécanismes naturels de régulation de la surpopulation humaine, comparables aux comportements violents observés chez les rats lorsqu’ils sont surpeuplés ?
« Quand une épidémie comme la peste, le choléra, Ebola, la grippe espagnole ou le coronavirus frappe l’humanité en la décimant allègrement, peu importe la panique, la tristesse, le deuil, le malheur, le désespoir, ce qui compte aux yeux de notre néodivinité, c’est d’une certaine manière de mettre en œuvre une correction de la surpopulation : réduire le nombre d’êtres humains sur la planète afin de pouvoir continuer à les nourrir. On peut d’ailleurs affirmer la même chose à propos des guerres meurtrières comme celle de 1914-1918 ou celle de 1939-1945 ; il est parfaitement établi qu’à partir du moment où ils sont placés en trop grand nombre dans des cages trop petites, les rats se mettent à s’entre-tuer avec férocité. »
Patrick Lemoine : Les épidémies et les guerres meurtrières sont-elles des mécanismes naturels de régulation de la surpopulation ? Je ne suis pas le premier à le dire. On peut aussi parler des nombreuses religieuses et moines du Moyen Âge, qui étaient un mécanisme de régulation, une sorte de contraception avant l’heure.
Les humains sont comme les lemmings, ces petits rongeurs d’Europe centrale. Quand ils sont trop nombreux, leurs prédateurs, comme les renards et les chouettes, font plus de petits pour les manger. Quand ils sont vraiment trop nombreux, les lemmings migrent, traversent des fleuves, se noient, ou se font manger par des prédateurs en mer.
Il y a donc des régulations pour les espèces trop prolifiques. Les humains sont les pires. J’ai plaisanté en disant que Dieu pourrait être appelé “évolution”. Cela résoudrait la question du mal. Si Dieu est évolution, il se fiche de la souffrance. Une bonne peste qui tue la moitié de l’Europe est une bonne régulation.
Nous sommes 8 milliards sur Terre et il y a 180 conflits armés en cours, même si on parle surtout de Gaza et de l’Ukraine. La plupart des conflits se passent en Afrique, qui a la plus forte natalité. Cela ressemble à une régulation démographique. Chaque catastrophe humanitaire, qu’elle soit naturelle ou causée par l’homme, semble jouer ce rôle de régulation.
Anxiété et survie de l’espèce
L’anxiété est présentée comme nécessaire à la survie de l’espèce animale, y compris l’homme. Le Dr Lemoine utilise l’exemple du hérisson et du lapin pour illustrer comment l’anxiété peut sauver la vie en cas de danger.
Amal Dadolle : pourquoi l ‘anxiété est -elle nécessaire à la survie de l ‘espèce animale, homme compris ?
Patrick Lemoine : Je vais vous raconter l’histoire du hérisson et du lapin. Le lapin a tout le temps peur. Un rien le fait sursauter. Le hérisson, lui, est invulnérable. Personne ne peut lui faire de mal.
Les deux arrivent au bord d’une route. Le lapin a très peur des voitures qui passent. Il traverse rapidement. Sa peur lui sauve la vie. Le hérisson, lui, traverse lentement. Il se croit invulnérable. Je ne vous dirai pas la suite.
Comment l’anxiété devient-elle pathologique ? C’est la souffrance qui fait la différence. Certains sont toujours anxieux, mais cela les aide. Leur anxiété les garde en alerte. D’autres souffrent énormément de leur anxiété. Mon travail de médecin est de soulager cette anxiété, mais pas avec des tranquillisants ou des somnifères. Ces médicaments sont toxiques. Il existe beaucoup d’autres techniques efficaces.
Pour moi, un symptôme a toujours une utilité. Mais il faut le soigner s’il devient insupportable. Je suis contre la médecine qui ne traite que les symptômes. Une petite larme ? Paf un Prozac. Un sursaut ? Paf un Xanax. Une nuit blanche ? Paf de l’Imovane. Il y a tellement d’autres approches…
Amal Dadolle : Comment expliquer ces excès en termes de prescriptions médicales ?
Patrick Lemoine : Une phrase que je déteste : « Bonjour docteur, je viens pour renouveler mon ordonnance ». Si la personne va bien, pourquoi revient-elle me voir ? Si elle ne va pas bien, c’est que le traitement n’est pas bon.
J’ai suivi le séminaire de Betelheim à Stanford. Il disait : « Fournissez la réponse inattendue. Soyez créatif. » Je ne suis pas admirateur de Betelheim, mais il avait raison sur ce point. Renouveler l’ordonnance, c’est la routine. Les patients savent que cela m’énerve.
Le pire ennemi, pour un patient comme pour un médecin, c’est la routine. Un somnifère, c’est un mois maximum selon la réglementation. Beaucoup de mes patients en prennent depuis 15 ans. C’est tragique.
Je prescris beaucoup de compléments alimentaires et de plantes. Dans les congrès, on sourit quand je parle de valériane pour l’insomnie. Pourtant, ça marche mieux que certains médicaments.
Source : À quoi servent les symptômes ? Dr Patrick Lemoine @Odile Jacob
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Publié le 06/06/2024, mis à jour le 05/10/2024