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Publié le 24/05/2024, mis à jour le 05/11/2024
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Comment reconquérir sa vie avec Laurent Gounelle

La vision de Laurent Gounelle sur le bonheur et la condition humaine
Laurent Gounelle, écrivain à succès et philosophe nous invite à réfléchir dans son dernier livre “Un monde presque parfait” (Mazarine éditions) sur les dérives de notre société, la quête de bonheur, et la réalisation de soi. Dans cette interview, nous plongerons dans les thèmes centraux de ses romans, notamment la dépendance à la technologie, la liberté individuelle, et l’importance de l’incertitude dans nos vies. Ensemble, nous explorerons comment ces réflexions peuvent nous aider à reprendre le contrôle de notre existence et à vivre de manière plus authentique et épanouissante.
Un monde presque parfait vu par Laurent Gounelle
Amal Dadolle : L'histoire met en lumière les dangers d'une société qui sacrifie la liberté au profit d'un confort illusoire. À travers ce parcours, vous questionnez la véritable nature du bonheur et la condition humaine, invitant ainsi le lecteur à une réflexion sur les choix de vie et les dérives d'une société ultra-contrôlée. Alors, de quelle manière la quête de bonheur dans le roman s'aligne-t-elle ou critique-t-elle les tendances contemporaines comme le bien-être et le développement personnel ? Laurent Gounelle : Alors, c'est un roman d'anticipation mais qui se passe dans une société très proche de la nôtre. C'est un peu notre société dans cinq ou dix ans, et d'ailleurs ce qui m'intéressait, ce n'était pas tant d'imaginer le futur que de décrire en se plaçant depuis une position future notre société actuelle et ce vers quoi elle nous emmène, l'idée étant d'inviter le lecteur à prendre du recul en se disant « mais finalement, est-ce que c'est dans ce monde-là que j'ai envie de vivre ? » Est-ce que ça me convient ou est-ce qu'il convient de me réapproprier ma vie ? C'est la question que je voulais poser.Comment la technologie influence-t-elle notre bien-être ?
Amal Dadolle : Alors, comment par exemple avez-vous abordé la critique de notre dépendance à la technologie moderne dans votre roman? Laurent Gounelle : La technologie, l'instrument est au service du bien-être, vous l'avez évoqué. C'est une société qui se veut en effet assez parfaite, qui s'attache au bien-être des individus, qui leur facilite la vie. Donc ils ont une vie ultra confortable. La plupart des gens ne travaillent plus puisque l'intelligence artificielle a remplacé un bon nombre de métiers, ce qui est en cours actuellement. Donc, ils sont chez eux, ils regardent la télé, jouent aux jeux vidéo, reçoivent leurs repas à domicile, ils n'ont rien à faire et ils se sentent bien puisque, dès qu'il y a un petit coup de blues ou autre, ils ont un implant qui permet de stimuler la zone du cerveau qui va libérer de la sérotonine, donc ils se sentent à nouveau bien. Cette situation pose la question de comment rebondir après une épreuve difficile, un sujet abordé dans l'article sur rebondir après une épreuve difficile. Tout va bien. La question posée par cet ouvrage est : est-ce que ce type de vie est satisfaisant ? Est-ce que le bien-être est la seule condition du bonheur ? Finalement, est-ce que les deux sont synonymes ou pas ?La liberté et la prise de décision
Amal Dadolle : Quelles conséquences potentielles de cette dépendance, par exemple aux algorithmes qui viennent nous shooter de la dopamine pour qu'on vive plus heureux ? Laurent Gounelle : En fait, ce qui m'a intéressé, c'est la relation qu'on a à la prise de décision.j'ai constaté que dans notre société, on tend de plus en plus à abandonner notre prise de décision.Par exemple, on ne décide plus de l'itinéraire qu'on va prendre sur la route puisqu'on se remet au GPS. On décide rarement maintenant du petit resto qu'on va faire, on va se fier à un TripAdvisor quelconque, etc. Et puis on prend moins aussi de grandes décisions, les mariages sont en chute libre. Parallèlement, la société prend de plus en plus de décisions à notre place et nous concernant. Il y a de plus en plus de normes. Dans les entreprises, il y a les normes ISO 9001, 9002, qui vont décider finalement de la manière dont on doit exercer notre métier, qui vont décider de notre geste professionnel. Il y a des normes dans tous les sens, il y a les normes européennes. J'entendais récemment qu'un agriculteur n'a pas le droit de choisir le moment où il va effectuer ses semis. On décide pour lui alors que lui est sur place et connaît son terroir, il connaît la météo mieux que personne. On va décider pour lui, on décide même pour lui de la hauteur de son tas de fumier, normée par l'Europe à 2,50 mètres. Donc voilà le contexte. Et moi, le principe était de me dire : OK, on décide de moins en moins. Alors, ça part d'une bonne intention, tout ça, c'est de nous aider à prendre des bonnes décisions, mais en même temps, on sait que le chemin de l'enfer est pavé de bonnes intentions. Et en l'occurrence, je considère que le pouvoir de décision est essentiel. Il est au cœur de notre humanité.
L'importance de décider et l'apprentissage par l'échec
D'abord, parce que décider, c'est ce qui nous permet d'évoluer. C'est-à-dire, quand je prends des décisions, j'exprime qui je suis, je m'embarque sur un chemin qui ne va pas être forcément très direct, qui peut être parsemé d'embûches, qui peut me conduire à certains échecs. Mais ça, c'est la vie. Sauf que ces échecs, même s'ils ne sont pas agréables, en effet, ils vont me permettre de me positionner, ils vont me permettre de visiter ce que j'ai à l'intérieur de moi, ce que j'ai dans mon ventre et ce que je veux faire de ma vie. Donc les échecs vont me permettre de me réinventer. Même si on n'aime pas les échecs, surtout dans notre culture, il y a vraiment une dimension culturelle.En France, on a un problème avec l'échec, pourtant c'est précieux.Moi, je sais que ce sont mes échecs qui m'ont permis de me construire et de m'avancer dans une vie qui aujourd'hui est assez satisfaisante. C'est grâce aux échecs. Sans échecs, je serais toujours en train d'exercer un métier qui ne me plaisait pas, que j'avais choisi à 17 ans parce qu'on demande aux gamins de choisir un métier alors qu'ils ne savent rien de la vie et surtout, ils ne se connaissent pas eux-mêmes. Donc décider nous conduit souvent à des difficultés qui nous permettent de nous réinventer. Ça, c'est la première dimension. Il y en a une autre, c'est que décider, c'est exercer sa liberté. Et la liberté est tout aussi essentielle à notre humanité, comme elle est essentielle à tout être vivant.
Décider, c'est exercer sa liberté
La réalisation de soi : décider et vivre Libre
D'ailleurs, je cite souvent l'exemple des éléphants en Afrique. Un éléphant en Afrique, il est confronté à la famine, il est confronté aux maladies, bien sûr, aux virus, au braconnage. Et il va vivre en moyenne 56 ans. Vous prenez un éléphant d'Afrique, vous le mettez en enclos, toujours en Afrique, il ne faut pas le dépayser. Vous lui donnez la nourriture ultra équilibrée dont il a besoin pour répondre à tous ses besoins nutritionnels. Vous le vaccinez pour le protéger des maladies, et puis il va vivre 17 ans, trois fois moins. La seule différence, c'est qu'on l'a privé de liberté.La liberté individuelle dans une société conformiste
Amal Dadolle : Vous parliez des jeunes, la pression sociale et la recherche de validation sur les réseaux sociaux poussent ces jeunes à se conformer. Comment pensez-vous que la société peut encourager la diversité et l'expression individuelle dans ce contexte, puisqu'on est déjà là ? Laurent Gounelle : Ah bah là, en effet, c'est très compliqué puisque le principe même du fonctionnement des réseaux sociaux pousse au conformisme.Les réseaux sociaux sont créés sur la base d'une approbation, donc en fait, chaque personne quête l'approbation des autres.On veut la petite flamme, le pouce en l'air, le petit cœur, je ne sais quoi encore. Et donc, pour obtenir ça, les gens, même inconsciemment, d'ailleurs assez consciemment, mais ça peut même être inconscient, vont aller dans le sens de ce qu'attendent les autres. Ils vont montrer la photo d'eux qui va recueillir le plus de likes, ils vont dire presque penser, j'ai envie de dire, en tout cas mettre en scène les pensées, les paroles, les images qui seront appréciées par les autres. Donc finalement, leur vie devient de plus en plus dictée par les autres. Donc il y a un abandon de la valorisation de la différence, de la singularité, pour aller dans le sens de ce qu'attendent les autres, ce qui est encore un problème.
Affirmation de la singularité et liberté individuelle
Je pense que la singularité est assez importante. D'ailleurs, vous avez Freud à la fin de sa vie, mais vraiment à la fin de sa vie, il a publié un tout petit livre qui est passé inaperçu, qui s'appelle « Malaise dans la civilisation ». En fait, dans ce petit livre, il explique que la société gagne à ce que chacun abandonne sa singularité, elle gagne à ce que chacun se fonde dans la masse, il se comporte comme on souhaite qu'il se comporte, d'où d'ailleurs la décision qu'on prend à notre place. Mais Freud explique que l'individu a besoin d'affirmer sa singularité. Et c'est en affirmant sa singularité qu'il va vivre sa propre vie et non pas celle qu'on attend de lui.La société ultra-contrôlée et la quête de bonheur
Amal Dadolle : Dans votre livre « Un Monde Presque Parfait », vous développez le concept d'une société presque parfaite qui a éradiqué toute tristesse et douleur, explorant ainsi les implications philosophiques et éthiques de cette utopie. Comment une société qui supprime la souffrance manipule-t-elle ou contrôle-t-elle ses citoyens? Laurent Gounelle : En fait, la souffrance, on n'aime pas, je n'aime pas la souffrance, personne n'aime ça et en même temps, c'est ce qui parfois nous fait réagir, c'est peut-être la fonction de la souffrance d'ailleurs. Si vous posez votre doigt sur la porte du four brûlante, en fait, vous allez réagir, vous allez retirer votre main. Mais si on fait en sorte que vous ne sentiez pas la douleur, par exemple si votre main est anesthésiée parce que vous venez de subir une opération, alors votre main est anesthésiée, vous posez la main sur la porte du four, vous vous brûlez sans vous en rendre compte. Donc pour moi, la métaphore illustre le problème d'une société qui veut à tout prix supprimer la souffrance et nous pousser dans le bien-être. La manipulation en fait, elle est très proche, c'est la métaphore de la grenouille que raconte bien notre ami commun Olivier Clerc.L'importance de l'incertain et de l'échec
Amal Dadolle : La grenouille qui ne savait pas qu'elle était cuite ? Laurent Gounelle : Oui, une grenouille, paraît-il, évidemment je n'ai pas fait l'expérience et je ne veux surtout pas la faire, mais il paraît que vous mettez une grenouille dans une bassine d'eau bouillante, elle va immédiatement réagir, elle va donner un coup de rame, peut-être plutôt de palme d'ailleurs, mais pour s'extraire de la marmite et donc avoir la vie sauve. Ce qui est un réflexe naturel, la souffrance la pousse à réagir. Maintenant, vous mettez la même grenouille dans une marmite d'eau froide et puis vous allumez le feu doucement sous la marmite, l'eau va chauffer et la grenouille va se plaire dans une eau chaude parce que c'est agréable, elle va y rester et petit à petit, comme le corps s'habitue, le corps s'acclimate, elle ne va pas réaliser que l'eau monte à des températures qui deviennent déraisonnables et au bout d'un moment, quand elle prendra conscience que l'eau est trop chaude, ce sera trop tard, en fait, elle sera déjà cuite.Inspirations philosophiques et littéraires
Amal Dadolle : Comment avez-vous conçu l'idée d'une société qui a éliminé toute forme de tristesse et de douleur ? Quelles ont été vos inspirations philosophiques ou littéraires pour développer ce concept ? Laurent Gounelle : Pour imaginer une telle société, moi, je pars beaucoup dans l'imaginaire en fait et j'aime bien prendre du recul sur ce qu'on est en train de vivre et me dire si on pousse ce bouchon un peu plus loin, ça nous mène où ? Et c'est le sentiment que j'ai eu, je me suis dit : « Bah voilà, ça pourrait assez probablement nous mener vers cette société-là et donc est-ce que c'est souhaitable ? » C'est la question que je me pose toujours.Le bonheur et la réalisation personnelle
Amal Dadolle : Qu'est-ce qui constitue vraiment le bonheur selon vous ? Est-ce l'absence de souffrance ? Ou y a-t-il une dimension plus profonde liée à la liberté, à la réalisation personnelle et à la capacité de faire des erreurs dont vous parliez tout à l'heure ? Laurent Gounelle : Je pense que nous venons sur Terre pour expérimenter, ce qui est important. J'ai une culture scientifique, influencée par mes parents, et je suis très cartésien. Pourtant, aujourd'hui, je crois que l'âme n'est pas un simple produit du cerveau. En m'intéressant à l'intuition, j'ai découvert que chacun de nous peut accéder à des informations éloignées dans l'espace et le temps. Les expériences de mort imminente (EMI) sont aussi révélatrices. Des personnes en coma peuvent décrire des scènes qu'elles n'ont pas pu voir physiquement. Par exemple, le docteur Christophe Fauré parle d'aveugles de naissance qui, après une EMI, décrivent des choses qu'ils n'ont jamais vues.L'âme n'est pas un sous-produit du cerveauCela suggère que l'âme n'est pas un sous-produit du cerveau. Si on accepte cette idée, on peut se demander pourquoi l'âme s'incarne. Peut-être que le corps permet à l'âme de se connaître. L'âme, étant esprit pur, a besoin de la matière pour se découvrir. Réaliser des choses est important pour trouver le bonheur et se connaître soi-même.
L'âme, le corps et l'importance de vivre le moment présent
Il est essentiel d'écouter son cœur et de savoir ce qu'on veut faire de sa vie. L'échec est aussi important, car il nous pousse à nous interroger sur nos véritables désirs. Réaliser et faire sont des dimensions cruciales. Mais il y a aussi la dimension de l'être. Apprécier simplement le fait de vivre, être dans l'instant présent, est fondamental pour le bonheur. La plupart des maîtres spirituels soulignent l'importance de vivre le moment présent, sans se perdre dans des projections futures ou des regrets passés. Enfin, la liberté est essentielle. Elle nous permet de choisir notre voie et de nous réaliser.La liberté et la responsabilité dans la société moderne
Définir la liberté à l'ère des algorithmes
Amal Dadolle : Comment définissez-vous la liberté ? Vous avez mentionné effectivement les contraintes que chaque individu peut avoir et les responsabilités éthiques au niveau sociétal. Comment peut-on définir aujourd'hui la liberté au regard de la responsabilité aussi collective ? Laurent Gounelle : Pour moi, il y a un lien étroit entre la liberté et la décision. La liberté, c'est d'abord être capable de décider de ce que l'on veut dans l'instant présent et puis évidemment dans le futur par rapport à des projets réalisés. J'avais lu il y a quelques années un témoignage qui m'avait bouleversé d'un survivant d'un camp de concentration nazi, je ne sais plus lequel et peu importe. Apparemment, c'était un rare survivant, toutes les personnes qui partageaient son camp étaient décédées. Et lui avait survécu. Des journalistes s'étaient intéressés à lui, des chercheurs aussi pour savoir pourquoi lui avait survécu. Et en fait, ce qu'ils avaient mis en évidence, c'est qu'il avait gardé une liberté associée au pouvoir de décision. En l'occurrence, cette personne témoignait que lorsqu'elle recevait un bout de pain pour la journée, voilà, c'était son seul repas, il avait droit à un bout de pain pour la journée, et là où les autres allaient se précipiter dessus, lui, en fait, allait garder le bout de pain plusieurs heures, parfois tout au long de la journée et il allait décider du moment où il allait le consommer. Et le fait de garder ce pouvoir de décision, en fait, il gardait un sentiment de liberté et il semblerait que ce soit ce sentiment de liberté associé au pouvoir de décision qui l'ait maintenu en vie.Prendre des décisions libres dans un monde numérique
Amal Dadolle : Comment fait-on quand aujourd'hui toutes les informations sont amenées jusqu'à nous via des algorithmes qui choisissent pour nous-mêmes ? Laurent Gounelle : Oui, ce n'est pas évident parce que ces algorithmes sont aussi utiles pour nous. Il ne faut pas se voiler la face, on est content d'avoir le GPS sur la route. Moi, je suis content de ne pas avoir la carte sur les genoux. Même si parfois, se perdre sur la route est sympa. La semaine dernière, en dédicace à Paris, une dame est venue de loin avec une carte. Elle s'est perdue et nous a dit : « grâce à ça, j'ai fait une belle rencontre ». C'est extraordinaire et ça, on l'a un peu perdu. Même si ces algorithmes et ces applications sont utiles, il faut se rappeler qu'ils doivent rester des serviteurs, pas des maîtres. Ils peuvent nous maîtriser pour différentes raisons. D'abord, parce qu'ils accaparent notre attention. Leur modèle économique veut que nous restions connectés en permanence, ce qui stimule la production de dopamine dans notre cerveau. Cela nous rend accros. On n'est pas accro à l'écran, mais à la dopamine que l'écran et l'application produisent.La réalisation de soi : l'importance de préserver notre pouvoir de décision
C'est un problème car cela nous détourne de nos projets personnels, professionnels, de loisirs ou sportifs. Nos projets nous permettent d'obtenir de la dopamine, l'hormone du plaisir quand on réussit quelque chose. Mais il faut s'investir dans un projet avant de le réussir et donc être récompensé par la dopamine dans le circuit de la récompense. Les applications nous fournissent la dopamine immédiatement. Ainsi, elles deviennent nos maîtres car elles décident de ce qu'on fait et accaparent notre attention, rendant difficile l'investissement dans autre chose. Un autre élément à prendre en compte est que les géants du web, qui gèrent ces applications, cherchent à nous influencer et à piloter notre comportement sans que nous nous en rendions compte. Nous perdons notre pouvoir de décision. Par exemple, McDonald's a payé des millions de dollars pour que le jeu Pokémon Go place des Pokémon dans leurs restaurants à l'heure du repas. Si vous jouez à Pokémon Go, vous serez dirigé vers un McDonald's à l'heure du repas. Vous sentirez les odeurs de friture, aurez faim, et penserez : « tiens, je décide de manger là ce midi ». Vous croirez que c'est votre décision, sans réaliser que d'autres ont décidé pour vous à quel endroit déjeuner.Trouver l'équilibre dans un monde numérique
Amal Dadolle : Alors, vous avez quand même aussi écrit « L'homme qui voulait être heureux ». La réalisation personnelle, enfin, on ne peut pas parler bonheur sans réalisation personnelle. Comment aujourd'hui elle s'exprime à travers tous les aléas, tous les rouages, notamment algorithmiques, qui nous empêchent potentiellement de prendre les décisions qui nous font du bien à nous ? Laurent Gounelle : Eh bien, je pense qu'il y a un bon moyen : débrancher ces machines un certain temps chaque jour. C'est essentiel pour les enfants. Tous les spécialistes, neurologues et pédiatres le disent : jusqu'à 11-12 ans, pas d'écran. Zéro écran. Il est important qu'un enfant explore le monde avec ses yeux et son corps, pas à travers un écran. Pour les jeunes adolescents, il faut mettre des limites. Avec mon épouse, quand nos filles étaient plus jeunes, on disait : « Pas de téléphone avant la sixième. » Elles pouvaient utiliser le téléphone 20 minutes avant le repas du soir. Le reste du temps, le téléphone restait dans la cuisine. Maintenant qu'elles sont plus grandes, on leur fait confiance, mais on leur a expliqué l'impact des écrans sur leur cerveau et la production de dopamine. Elles sont responsables maintenant. Pour nous, adultes, il est utile de débrancher nos machines un certain temps chaque jour pour se retrouver seuls avec nous-mêmes. Par exemple, dans une file d'attente, au lieu de sortir notre téléphone, il est intéressant d'apprendre à « perdre son temps ». On peut observer les gens autour de nous, écouter des conversations et être dans l'instant présent. Quand je suis sur une application, je ne suis pas dans l'instant présent, je suis dans le monde de l'appli. Je me coupe de mon corps. Il est précieux de revenir dans notre corps et d'être en contact avec soi-même.Lecture d'un extrait du libre "Un monde presque parfait"* par Laurent Gounelle
– Tu vois, pour bien vivre l’incertitude et être serein en prenant des décisions, il faut cesser d’avoir peur de prendre la mauvaise décision. Tant que tu auras peur de te tromper, peur de l’échec, la prise de décision te fera souf- frir : ton mental fera tourner en boucle toutes les options possibles dans ta tête, alors qu’il suffit souvent d’écouter son cœur. Accepter l’échec est essentiel : on ne peut oser décider, prendre son risque et mener sa vie dans l’incertitude que si on accepte l’échec. Samuel Beckett disait : « Déjà essayé. Déjà échoué. Peu importe. Essaie encore. Échoue encore. Échoue mieux. » Si tu te cantonnes à ce que tu sais déjà faire, alors tu t’enfermes dans un étroit chemin bien balisé et tu renonces à ta liberté existentielle, tu réduis l’amplitude de ton être, tu restreins ton identité. Quel intérêt ?
Elle marque une courte pause avant d’ajouter : – À trop s’accrocher à l’existant, on passe à côté de son existence.
Je crois qu'il est intéressant que l'existence garde un certain mystère. C'est ce qui fait l'intérêt et le sel de la vie.
L'évolution de la société et les perspectives d'avenir
Comment vivre avec l'incertitude et l'anxiété ?
Amal Dadolle : L'incertitude, ça génère de l'anxiété, qui peut aussi par ricochet générer des insomnies. Donc, comment fait-on pour mieux vivre avec ces incertitudes ? Sachant que l'anxiété aujourd'hui, c'est un vrai problème. Laurent Gounelle : Oui, oui, oui. Pour moi, la question dépend de notre vision de la vie. Tout dépend de comment on voit la vie. Si on voit la vie comme un objectif à atteindre, à l'américaine, en se disant "j'ai un objectif à atteindre, donc je vais prendre le chemin le plus direct possible", l'incertitude est angoissante. Mais on peut aussi choisir de revoir sa vision de la vie. On peut se dire que la vie est un terrain de jeu, un terrain d'expérimentation. Si vous voyez la vie comme un terrain de jeu, vous n'avez pas envie de connaître toutes les règles à l'avance. C'est comme un jeu de société, vous voulez être surpris, vous n'avez pas envie de savoir exactement tout ce qui va se passer. Cela n'aurait plus aucun intérêt, n'est-ce pas ? Eh bien, la vie, c'est pareil. Si vous la voyez comme un terrain de jeu et d'expérimentation, vous commencez à savourer l'incertitude. Vous vous dites : "Qu'est-ce qui m'attend au coin du chemin ? Quelle surprise vais-je avoir aujourd'hui ? Qui va me dire quelque chose que je n'ai pas anticipé ou faire quelque chose qui va me conduire à me réadapter, peut-être à changer de voie ou de décision ?" La vie devient passionnante, en fait.La réalisation de soi : Le progrès humain au-delà de la technologie
Amal Dadolle : Comment êtes-vous arrivé à avoir cette vision-là ? Et quels enseignements doit-on tirer de cette vision ? En tout cas, pour les décisions que nous prenons aujourd'hui. Laurent Gounelle : Aujourd'hui, il faut comprendre que le progrès ne se limite pas à la technologie. Au XIXe siècle, avec la révolution industrielle, on a cru que le progrès technologique était tout. Mais en réalité, on a oublié le progrès humain, qui est bien plus important. Pour moi, ce qui compte, ce n'est pas d'avoir le dernier iPhone, mais de me libérer de mes peurs et de l'opinion des autres. Aujourd'hui, je suis encore sensible à cela et j'aimerais m'en libérer. Le progrès humain, c'est devenir une meilleure personne. La technologie est utile, mais elle doit rester un outil. Ce message est pour nos décideurs. Pour répondre à votre question, j'aime prendre du recul sur notre société. Comme un poisson qui ne réalise pas qu'il est dans l'eau, j'aime sortir du bocal et réfléchir à notre mode de vie et à comment il pourrait être différent. J'aime analyser notre société, voir ce qui va bien et ce qui pourrait être amélioré. C'est important de partager ces réflexions pour que chacun puisse reprendre le contrôle de sa vie.Le développement personnel et la réalisation de soi
Amal Dadolle : Comment voyez-vous aujourd'hui l'émergence depuis quelques années déjà de tout ce qui a trait à l'épanouissement personnel, au développement personnel, qui viennent en tout cas plus ou moins encouragés ou peut-être parfois faire barrage à la question du progrès humain, notamment sur cette quête du bonheur à tout prix ? Laurent Gounelle : Plusieurs choses concernant le développement personnel. Quand j'étais à la fac, il y a 35 ans, un professeur nous avait montré la pyramide des besoins d'Abraham Maslow. Il expliquait que l'être humain commence par satisfaire ses besoins physiologiques : manger, dormir, boire. Ensuite, viennent les besoins de sécurité : avoir un toit, protéger sa famille. Après cela, apparaissent les besoins d'appartenance : se sentir membre d'un groupe, d'une communauté. Une fois ces besoins satisfaits, les besoins de reconnaissance émergent : être reconnu comme individu. Enfin, les besoins de réalisation de soi se manifestent. À l'époque, je ne comprenais pas la réalisation de soi. Je faisais des études d'économie, donc je connaissais les tableaux de bord financiers, mais pas la réalisation personnelle. Notre professeur nous avait dit que cela concernait seulement deux personnes en France : Giscard et Mitterrand. Aujourd'hui, le fait que des millions de gens cherchent à se développer personnellement est très positif. Cela signifie que beaucoup ont satisfait leurs besoins de base. Maslow disait que pour aspirer à se réaliser, il faut d'abord assouvir les besoins inférieurs.La réalisation de soi : un chemin de développement personnel et de connexion aux autres
Cependant, le développement personnel a de nombreuses facettes. Il y a la version américaine, axée sur la performance et la réussite. Ce n'est pas ma vision. Pour moi, le développement personnel, c'est devenir une meilleure personne, travailler sur nos difficultés psychologiques. Chacun a des problèmes à résoudre : peurs, colères, image de soi, etc. Résoudre ces problèmes nous permet de vivre en harmonie avec nous-mêmes et de nous dépasser. La vie, ce n'est pas seulement trouver son bonheur personnel, mais se dépasser. En travaillant sur soi, on se connecte davantage aux autres et on s'intéresse à ce qui nous dépasse, à la spiritualité. Le développement personnel, c'est apprendre à s'aimer pour qui l'on est, développer un ego sain, puis se libérer de cet ego pour mieux se connecter aux autres.Dépassement de soi et performance
Amal Dadolle : En quoi le dépassement de soi et la performance sont antinomiques ? Laurent Gounelle : Ce n'est pas antinomique, il n'y a pas de mal à chercher la performance. En revanche, il ne faut pas se leurrer. Le développement de la personne ne se limite pas à l'atteinte d'un objectif. Vous voyez, mais ce n'est pas incompatible. On peut en effet travailler sur soi pour être bien dans sa peau, connecté aux autres et en effet se donner des objectifs à atteindre. Pourquoi pas ? Mais ça ne fait de mal à personne. Amal Dadolle : Parce que s'améliorer n'est-ce pas en soi déjà un objectif ? Laurent Gounelle : Oui, et en même temps, quand on entend objectif, on entend un élément fini à atteindre, comme une cible. S'améliorer, ce n'est pas une quête sans fin, mais si d'une certaine façon, je pense que ça va jusqu'à faire émerger le divin en soi, donc ça va très très loin. C'est l'enjeu d'une vie. C'est le travail d'une vie.La réalisation de soi : un équilibre entre nature et technologie
Amal Dadolle : Et la réalisation de soi ? Laurent Gounelle : Alors se réaliser, pour moi, je crois que je l'ai un petit peu évoqué tout à l'heure, c'est réaliser des choses et des choses qui nous tiennent à cœur, d'où l'importance de l'introspection et de la connaissance de soi. C'est réaliser des choses pour réaliser qui nous sommes. C'est-à-dire en fait, sur la réalisation de soi, moi j'ai l'intime conviction, je n'ai pas de preuves, ça sort de mon chapeau, mais je le ressens profondément. J'ai l'intime conviction que chacun de nous a une forme de mission sur Terre. Chacun de nous est doté de talents. Alors parfois, ils sont cachés, il faut gratter en profondeur donc il faut vraiment creuser pour apprendre à découvrir ces talents. Et en mettant en œuvre nos talents, en fait, on rejoint notre mission. Et je pense que chacun a une mission.Proche de la nature et surtout de sa nature personnelle humaine
Amal Dadolle : À quel aspect du livre vous identifiez-vous particulièrement ou, au contraire, que vous trouvez contestable ? Laurent Gounelle : Vous savez, je n'ai pas une de ces sociétés, mais je ne prétends pas que l'une est la solution. C'est-à-dire que moi, je suis plutôt un homme de compromis, je dirais. Donc, je ne prône pas un retour complet à la nature et pour vivre comme autrefois. Oui, j'ai décidé moi-même avec mon épouse de retourner vivre dans un lieu plus proche de la nature. C'est pour ça qu'on a quitté Paris il y a huit ans maintenant. Mais j'ai quand même des outils technologiques avec moi. Oui, j'ai un téléphone, j'ai un ordinateur. Mais je suis pour le compromis. Je pense que c'est intéressant d'être à la fois le plus proche de la nature et surtout de sa nature personnelle humaine. Et en même temps, d'utiliser certains outils mais vraiment les utiliser comme un aide d'appoint, vous voyez, de ne pas devenir esclave de ces choses-là.L'importance de l'éveil des consciences pour un futur meilleur
Amal Dadolle : Alors, comment envisagez-vous l'évolution de la société à l'avenir à la lumière du livre ? Est-ce qu'on est complètement en col à cette vision ? C'est comme ça que vous l'envisagez ? Ou peut-être qu'il y a une vision un peu plus nuancée ? Laurent Gounelle : Moi, mon espoir, c'est un éveil des consciences. Vous savez, c'est pour ça que j'écris notamment mes deux derniers livres. Parce que sans éveil des consciences, ce qui est sûr, c'est qu'on va droit dans...J'allais dire dans le mur, en tout cas on va droit dans une société dystopique. En fait, une société dystopique où on nous aura retiré notre pouvoir de décision, voire toute liberté. C'est le philosophe allemand Richard David Precht qui disait...Ça peut sembler très bizarre, mais il disait que la voiture autonome, quand elle existera, nous mènera à la dictature. On peut se demander quel rapport entre une voiture et la dictature ? Et en fait, il explique que la voiture autonome, bien évidemment, sera programmée pour ne pas écraser les piétons. Et c'est bien la moindre des attentes qu'on peut avoir à cet égard. Mais du coup, les piétons comprendront vite qu'ils ne pourront pas être écrasés par une voiture. Et du coup, ils vont envahir la chaussée. Les gens vont faire la fête au milieu de la route, ils n'auront rien à faire des voitures puisqu'ils sauront que les voitures sont programmées pour s'arrêter. Et du coup, à un moment donné, les pouvoirs publics n'auront pas d'autre choix que de vous coller une amende de 2000 euros en vous géolocalisant en permanence pour savoir si vous stationnez sur la chaussée.Le capitalisme de surveillance : quand les géants du web connaissent toute votre vie
Amal Dadolle : Qu'est-ce qui a changé entre ce que vous ressentiez préalablement à vos recherches et ce qui est apparu après vos recherches en réalité? Laurent Gounelle : Eh bien, c'est une très bonne question. Ce qui a changé, c'est ma compréhension de ce que les géants du web font des données qu'ils collectent. Avant, je pensais naïvement que leur objectif était juste de cibler leurs publicités. Je me disais que c'était un moindre mal. Puis, je me suis intéressé au travail de Shoshana Zuboff, une universitaire américaine, professeur à Harvard. Elle a consacré 12 ans de sa vie à étudier ce sujet. Elle a écrit un livre passionnant, "Le Capitalisme de Surveillance".La surveillance totale : comment nos données sont exploitées pour nous contrôler
Malheureusement, ce livre fait plus de 800 pages, donc peu de gens l'ont lu. C'est dommage, car elle décrypte tout ce que ces entreprises font avec nos données. Tout est enregistré. Ils savent tout sur nous. Ils nous connaissent presque mieux que nous-mêmes. Ils savent quand ils activent la caméra de votre ordinateur ou de votre téléphone. Ils décodent les expressions de votre visage. Ils savent comment vous réagissez à une photo ou à un texte, qu'il soit politique ou pas. Ils connaissent vos opinions politiques, vos préférences sexuelles, ce qui vous émeut ou vous met en colère. Leur but ultime est de vous piloter complètement. C'est une vision dystopique, mais c'est la réalité. Ce ne sont pas seulement les géants du web. Zuboff mentionne aussi Nissan, qui collecte des données sur votre vie sexuelle. Dans une voiture, il est facile d'enregistrer vos conversations avec les micros utilisés pour commander le GPS. On enregistre vos conversations. La voiture est connectée à votre téléphone portable pour vous géolocaliser en cas d'accident. En réalité, cela permet de collecter tous vos contacts, emails et SMS. On sait toute votre vie, y compris votre vie sexuelle...Source : *Un monde presque parfait" de Laurent Gounelle paru aux éditions mazarine
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Publié le 24/05/2024, mis à jour le 05/11/2024