Foodfighting : comment se libérer de la nourriture émotionnelle?
Publié le 23/11/2021, mis à jour le 04/11/2024
Conseils en Alimentation & nutrition
Foodfighting : comment se libérer de la nourriture émotionnelle?
6 min de lecture
Qu’est-ce que la nourriture émotionnelle ?
Manger ses émotions et le regretter
Nous vivons tous un conte de fées. Du moins, symboliquement.
Certains sont proches de la fin heureuse, « ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants », une métaphore symbolisant le sentiment d’accomplissement et de paix mentale. Deux conditions nécessaires pour goûter au bonheur.
D’autres sont encore en plein combat avec leur dragon, que l’on peut décrypter comme l’allégorie d’une relation conflictuelle avec un objet précis (l’argent, l’alcool, les jeux, les réseaux sociaux, etc.).
Le dragon qui nous intéresse ici est la nourriture. Et plus spécifiquement, la nourriture émotionnelle, un trouble du comportement alimentaire issu d’une relation tourmentée avec la nourriture.
Cette relation se manifeste à la fois par une obsession pour la nourriture (sans ressentir de faim), et la souffrance émanant de celle-ci.
Dans l’esprit de la personne, la nourriture n’est plus un besoin physique, mais une source de réconfort et d’anti-stress. C’est pourquoi la nourriture émotionnelle est souvent définie comme le fait de « manger ses émotions ». A chaque coup de pression, de colère, de blues ou par ennui, la personne recharge ses batteries au moyen d’une viennoiserie ou d’un hot-dog.
Seulement, ce répit est de courte durée, car très vite le plaisir de manger s’efface au profit de la culpabilité de grossir.
Puis, la culpabilité s’amenuise à son tour, l’envie réapparait et nous tenons bon jusqu’à ce qu’une situation nous pousse à commander une pizza quatre fromages.
Témoignage d’une ancienne Foodfighter
Comme tout cercle vicieux, le cercle « obsession-craquage-culpabilité » est générateur de fatigue mentale et de mal-être.
Il n’y a pas d’origine une et indivisible pour expliquer comment ce cercle vicieux s’installe dans une vie. Il peut être la conséquence d’un évènement traumatisant ou l’accumulation de petites circonstances (la nourriture est sacrée dans la famille, un caractère de bon vivant, être récompensé par un gâteau au chocolat à chaque bon bulletin scolaire) qui aboutissent à l’habitude de manger sans faim.
Toutefois, si l’origine de ce comportement alimentaire n’est pas évidente, il n’est pas utile de se torturer l’esprit pour dénicher un souvenir. Le plus important est de s’en libérer.
Comment ?
En remettant de l’ordre dans sa tête, et en retrouvant des sensations oubliées selon Ingrid Lemmer, ancienne mangeuse compulsive.
Ingénieure devenue professeur de yoga et créatrice du podcast Faim de liberté, Ingrid Lemmer est la co-auteure de « Foodfighting » (éditions First, 2021), rédigé avec Marie Buttita, docteure en psychologie spécialisée dans le comportement alimentaire.
Cet ouvrage dévoile les trois outils qui ont permis à Ingrid Lemmer de retrouver une relation saine et paisible avec son assiette : la pleine conscience, la méditation, et l’écriture.
En quoi ces outils, bien connus du développement personnel, s’avèrent-ils pertinents pour faire la paix avec la nourriture ?
Pourquoi manger en pleine conscience ?
Réhabiter son corps
Combinés ensemble, les trois outils de développement personnel aboutissent à un exercice unique pour faire la paix avec la nourriture : celui de manger en pleine conscience.
Le but étant de ne plus manger avec sa tête, mais avec son corps en apprenant à reconnaître ses différentes voix, notamment celles de la faim et de la satiété.
Il s’agit donc d’apprendre à réhabiter l’ensemble de son corps et non plus seulement le sommet de la tour d’ivoire qui est notre tête. Ce n’est jamais le corps qui nous pousse à rechercher du réconfort ou un moment de détente, c’est toujours notre tête.
Pour manger en pleine conscience, la première étape consiste à ne plus bouger quand l’envie de manger apparaît. Ne faites plus rien, arrêtez-vous et concentrez-vous.
Effectivement, l’envie de manger n’est pas toujours synonyme de faim physique. Ingrid Lemmer propose quelques astuces pour distinguer les deux états :
Se forcer à attendre quelques minutes, car la sensation d’avoir faim peut s’envoler. Durant ces instants, en profiter pour se mettre à l’écoute de ses sensations en les notant sur un carnet : comment la sensation de faim se manifeste-t-elle dans le corps ? A quel endroit et avec quelle intensité ?
Boire un verre d’eau. Le ressenti physique entre la soif et la faim est exactement le même, on peut donc facilement confondre les deux états.
Certains signes de la faim sont trompeurs comme les gargouillements du ventre. La fatigue, le mal de tête, la nervosité, l’agacement et une sensation de faiblesse sont des signes beaucoup plus fiables.
La seconde étape nous fait mettre à table et entrer dans le vif de l’exercice.
Les conditions pour manger en pleine conscience
Manger en pleine conscience suppose que toute notre attention et concentration soient réservées à notre assiette et aux sensations (dans la bouche, le ventre et la tête) durant le repas.
La seule distraction permise étant la prise de notes de vos sensations lors de votre repas sur un carnet (la brioche était chaude, moelleuse, sentait le sucré etc.).
Etant donné qu’il est impossible de se souvenir avec précision de nos pensées et ressentis physique de la veille et des jours d’avant, la prise de notes est essentielle pour apprendre à connaître son corps.
Manger en pleine conscience suppose également une autre contrainte non négociable : l’obligation de manger seul, sans écran et dans le silence. Tous nos sens étant naturellement portés vers l’extérieur, il est impossible de se concentrer sur les sensations de notre corps en regardant une série ou en écoutant les péripéties de son voisin de table.
Pour les célibataires, cela ne pose guère de problème.
Pour ceux qui vivent en couple ou en famille, reste le repas de midi au bureau avec la délicate mission d’esquiver ses collègues.
L’exercice de manger en pleine conscience s’arrête à la fin de la faim, à savoir quand la sensation de satiété apparait. Une sensation subtile et se situant uniquement au niveau du ventre.
En parallèle de cette reconnexion avec son corps, il est nécessaire de mettre de l’ordre dans sa tête en se débarrassant notamment de la culpabilité de manger.
Pourquoi faut-il manger avec plaisir ?
Manger en pleine conscience ne doit pas être confondu avec un régime.
En aucun cas il est question de se priver de quoi que ce soit. Si vous avez envie d’un hamburger ou de pâtes carbonara, faites-vous plaisir.
Le plaisir est essentiel, parce qu’il est à la fois gage de protection contre les « craquages », et de confiance envers votre corps.
Effectivement, le plaisir permet de libérer de la dopamine, un signal faisant comprendre rapidement au cerveau que nous sommes en train de manger. Ainsi, quand il n’y a pas de plaisir, le cerveau comprend moins vite ce qu’il se passe.
Cette différence de sensation et de traitement de l’information par le cerveau influence directement sur nos sensations de faim, de satiété et l’assimilation des nutriments. Elle explique également pourquoi on peut aller faire le plein de viennoiserie à 15h après avoir mangé une salade sans sauce à 12h.
Ne boudez donc jamais votre plaisir.
En fait, obéissez-lui dès lors que vous êtes sûr que c’est bien la faim physique qui vous tenaille. Puis, savourez en pleine conscience votre repas bien gras et sucré (pas au-delà de la satiété naturellement) et notez tout sur votre carnet.
Pendant ce mois, vous pouvez être sûr que vous n’aurez pas uniquement envie de frites, mais aussi de riz, de légumes, de poulet etc. Bref, des aliments vraiment nourrissants. Ce qui vous fera comprendre par l’expérience que le corps sait ce qu’il fait.
Si cet exercice reste difficile pour beaucoup de monde, c’est parce qu’il nous confronte à la culpabilité de ne pas manger « correctement ».
Comment se débarrasser de la culpabilité ?
Tous les jours, nous sommes confrontés aux canons de beauté de l’époque et aux credos alimentaires : « ne mange pas trop gras, trop salé et trop sucré ».
Il est alors logique que les personnes ayant une relation conflictuelle avec la nourriture culpabilisent à chaque écart.
Le but étant de changer ses pensées dites négatives, c’est-à-dire les jugements violents et lourds que l’on s’assène à soi-même (type « je ne suis qu’un gros porc incapable de volonté »), en pensées positives (je ne suis pas un porc, je suis magnifique et courageux).
Il est rare que la méditation ou la pleine conscience soient considérées comme des activités attractives. Pourtant, elles apportent beaucoup de bien en ralentissant le flux de nos pensées et en nous faisant prendre conscience de nos habitudes cognitives.
On lit souvent que changer ses pensées demande du temps. C’est vrai puisque nous devons reconfigurer un nouveau mode cognitif, ce qui suppose des connexions neuronales qui se découvrent et doivent s’apprivoiser entre elles.
Néanmoins, il y aussi assez rapidement des résultats qui se manifestent sous forme de pensées fulgurantes et clairvoyantes : des prises de consciences salvatrices, des déclics ou des « eurêka ». C’est ce qui permet de persévérer dans ses efforts et de comprendre le pouvoir de la conscience sur notre cerveau.
Travailler son esprit n’est pas plus différent qu’exercer un nouveau sport ou une nouvelle activité. C’est exactement le même processus. Que cela soit dans le monde immatériel ou matériel, les efforts paient toujours. Et toujours plus vite qu’on ne le pense.
Source : Ingrid Lemmer & Marie Buttita, Foodfighting, éditions First, 2021
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