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Publié le 07/05/2024, mis à jour le 24/05/2024
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Gainsbourg et l’art de vivre : l’héritage d’un troubadour des temps modernes
33 min d'écoute
Julien Paganetti raconte l’Influence de Gainsbourg sur l’art et la culture
Julien Paganetti, auteur de l’ouvrage « Gainsbourg, la flamme du scandale », publié aux éditions Herrscher, offre son expertise et son admiration pour dévoiler comment Serge Gainsbourg a constamment ravivé les flammes de l’art et de la culture.
Dans ce podcast, nous plongeons dans l’univers de Gainsbourg, ce troubadour qui a navigué habilement entre génie et folie, lumière et ombre, éclat et controverse. Envisageant l’art comme un reflet de l’âme et de la société, Julien Paganetti nous conduit à travers les méandres de l’œuvre de Gainsbourg, cet artiste qui a fait de la provocation un véritable outil de guérison émotionnelle.
La provocation comme expression de liberté et de créativité chez Gainsbourg
Amal Dadolle : Dans votre ouvrage, vous décrivez Gainsbourg comme un maître de la provocation. Comment cette provocation a-t-elle servi de catalyseur dans sa créativité et son expression artistique? Julien Paganetti : Avant de répondre, j'ai beaucoup aimé le terme de troubadour que vous avez employé. Je pense que ça l'aurait beaucoup amusé d'être qualifié ainsi. Pour Gainsbourg, la provocation était une expression de liberté. C'était sa démarche principale. Il voulait être unique et libre, ne pas être entravé. Il cherchait à s'exprimer à sa manière, sans suivre de voies prédéterminées. Très jeune, il a trouvé cette méthode de provocation qui lui convenait pour se faire remarquer et s'exprimer dans la chanson. Il a aussi écrit un livre provocateur et réalisé des publicités provocatrices. Ses chansons étaient souvent choquantes. Il a même repris la Marseillaise au début des années 80, ce qui a créé un scandale en France. La provocation était vraiment au service de sa propre liberté. Amal Dadolle : La notoriété et la réputation de Gainsbourg ont été marquées par le scandale. Selon vous, en quoi le scandale peut-il être une forme de thérapie ou un moyen de communication plus profond avec le public ? Julien Paganetti : Peu de gens le savent, mais Gainsbourg avait du mal à vivre. Il était mélancolique, désespéré, surtout dans les années 80. Après sa séparation avec Jane Birkin, il cherchait de l'amour. Il voulait être vu, remarqué et aimé. La provocation attirait les caméras et les micros vers lui. C'était sa façon d'être remarqué et aimé. Mais la provocation est un art délicat. Parfois, elle ne ramène pas l'amour, mais la haine. Personnellement, je pense que sa facette provocatrice a réussi. Beaucoup de Français ont une affection profonde pour lui.Le scandale iconique de Gainsbourg dans l'émission "7 sur 7"
Amal Dadolle : De quel scandale parlez-vous dans votre livre ? Julien Paganetti : Le livre décrit toute sa personnalité complexe. Mais il se concentre sur le scandale bien connu de l'émission "7 sur 7" en mars 1984. En direct, devant des millions de téléspectateurs, lors d'une émission politique sérieuse, il a brûlé un billet de 500 francs. Il protestait contre une imposition qu'il trouvait scandaleuse, à 74% de ses revenus. Il a allumé le billet, puis l'a éteint en disant : « Voyez ce qu'il me reste ».La quête de vérité dans l'art de Gainsbourg
Amal Dadolle : Vous écrivez que Gainsbourg n'a jamais cherché le bonheur mais la vérité dans l'art. Comment la quête de vérité à travers l'art peut-elle être un chemin vers la compréhension de soi ? Julien Paganetti : Avant d'être auteur, compositeur et chanteur, Gainsbourg se destinait à une carrière de peintre. La peinture et les beaux-arts étaient probablement sa plus grande passion. Il a étudié l'architecture, la sculpture, et la peinture à l'Académie Montmartre avec André Lotte. Passionné, il a beaucoup lu sur les beaux-arts. Il a rapidement compris que la beauté réside dans la simplification des choses. L'art est une quête d'excellence, d'absolu, de pureté. C'est ce qu'il a essayé de faire dans ses chansons et ses textes, qui sont de la poésie, et dans ses actes. Je l'explique dans le dernier chapitre du livre. Cette approche, notamment lors de l'émission 7 sur 7, je la considère comme une œuvre d'art. Amal Dadolle : Pourquoi ? Julien Paganetti : Parce que cela fait appel à plusieurs aspects de sa carrière, à sa construction artistique, à sa connaissance des happenings de Salvador Dalí, à l'utilisation d'un objet pour transmettre un message. Il fait appel à son sens de l'esthétisme, de la réalisation, des plans de caméra. Tout a été étudié. Il faut préciser qu'il n'a pas sorti son billet de manière impromptue, mais qu'il avait préparé son geste à l'avance. Vous voyez, dans son livre, tout chez lui s'apparente à une œuvre d'art du 20e siècle.L'impact durable des Œuvres de Gainsbourg sur les nouvelles générations
Amal Dadolle : Dans le contexte actuel, quelle résonance les œuvres de Gainsbourg ont-elles et en quoi continuent-elles d'influencer les générations actuelles? Julien Paganetti : Je peux répondre avec mon propre exemple. Adolescent, au-delà de ses chansons, Gainsbourg m'a beaucoup apporté. Passionné d'art, de littérature, de poésie, il m'a fait découvrir de nombreux artistes que je n'aurais jamais connus. Je me suis intéressé à la poésie, à la peinture, à certains auteurs. Gainsbourg, amoureux des poètes de la fin du XIXe siècle, serait un excellent professeur de littérature, de beaux-arts, et de culture générale pour la jeunesse d'aujourd'hui. Amal Dadolle : La dimension politique et sociale est souvent présente dans l'art de Gainsbourg. Comment son œuvre reflète-t-elle et critique-t-elle la société de son époque? Julien Paganetti : Gainsbourg est né à Paris en 1928, fils de parents russes ayant fui la révolution de 1917. Il n'était pas tant marqué par la politique que par l'histoire. Il s'intéressait moins à la politique quotidienne qu'aux grands impacts historiques. Et il n'a jamais été particulièrement impressionné par aucun président, de De Gaulle à Mitterrand. Il se moquait souvent de la politique, comme lorsqu'il a brûlé un billet de 500 francs en direct, sous Mitterrand, pour se moquer des premières déceptions du socialisme. Aujourd'hui, il serait peut-être vu comme un anarchiste de droite. Il ne s'empêchait pas de critiquer, mais globalement, il ne s'en préoccupait pas.La complexité de la relation Entre Gainsbourg, l'argent, et la liberté
Amal Dadolle : La relation de Gainsbourg avec l'argent est complexe. Vous évoquez cette relation comme un moyen de liberté. Comment cet aspect a-t-il influencé son art et sa vision du monde? Julien Paganetti : L'argent était pour lui un vecteur de liberté. Ça lui permettait de faire ce qu'il voulait, et aussi d'être généreux, chose qu'il ne pouvait pas faire jeune. Par exemple, il brûlait un billet de 500 francs, mais il donnait aussi beaucoup en pourboires et à des associations. Il laissait souvent un billet de 500 francs pour une course de taxi de 15 francs. Il achetait l'amour avec sa générosité. Dans les années 80, il était l'artiste le mieux rémunéré de France. Cet argent lui permettait d'attirer l'amour et il en était fier. Il n'avait pas de pudeur avec l'argent, car il estimait l'avoir mérité. Amal Dadolle : Les personnalités comme Gainsbourg sont souvent tiraillées entre leur image publique et leur vie privée. Comment cet écart se manifeste-t-il dans ses chansons et son comportement? Julien Paganetti : Gainsbourg avait une profonde mélancolie. Quand Jane Birkin le quitte au début des années 80, au sommet de sa gloire, il se perd. Il était tiraillé entre le succès, l'argent, la perte de son grand amour, et l'augmentation de sa consommation d'alcool. C'est une période de contradictions violentes et extrêmes. Il écrit alors des albums sublimes pour Birkin et Isabelle Adjani. Il se perdait dans ce mélange de sentiments, oscillant entre sa vie publique et privée. Amal Dadolle : Il écrit sous alcool? Julien Paganetti : Je ne pense pas. Il note des idées, des mots sous l'influence de l'alcool, un peu grisé. Certaines rimes ou mots viennent plus facilement. Mais quand il travaille sérieusement, c'est un homme très strict, organisé, et travailleur. Il a l'air désinvolte, mais il est très sérieux dans son travail.L'équilibre entre génie et vulnérabilité dans la créativité de Gainsbourg
Amal Dadolle : Le génie créatif de Gainsbourg est indéniable. Comment abordez-vous dans votre livre la question de l'équilibre fragile entre génie et excès personnel? Julien Paganetti : Gainsbourg ne se voyait pas comme un génie. Pour lui, les génies étaient les grands peintres et poètes, comme Rimbaud. Il se considérait comme très talentueux, mais pas génial. L'alcool était un compagnon de route qui soulageait ses blessures intérieures. Quant à l'impact de l'alcool sur son talent créatif, personne ne peut vraiment dire ce qu'il a apporté ou enlevé. Amal Dadolle : Comment la musique et les textes s'influencent-ils dans le processus créatif de Gainsbourg? Julien Paganetti : Chez Gainsbourg, tout part toujours d'un mot. Il note un mot qui lui plaît et cela déclenche l'écriture d'un texte complet. La musique vient après les mots. Il adore la littérature et est moins attiré par la musique que par les mots. Amal Dadolle : Vous parlez de l'influence des muses de Gainsbourg sur son travail, notamment Jane Birkin. Pouvez-vous expliquer comment ces relations ont façonné certaines de ses œuvres les plus mémorables?L'impact et l'héritage de Serge Gainsbourg sur la musique et la culture françaises
Julien Paganetti : Gainsbourg était marqué par une quête d'esthétisme et de pureté. Il s'est longtemps considéré comme peu séduisant. Quand il est tombé amoureux de Brigitte Bardot, cela a guéri beaucoup de ses blessures intérieures. Se sentir aimé par la femme la plus belle du monde lui a donné des ailes et a influencé son art de manière significative. Amal Dadolle : Quel est l'impact de l'héritage culturel de Gainsbourg sur la scène musicale française? Julien Paganetti : Gainsbourg était unique car il n'a jamais fait la même chose deux fois. Il a exploré de nombreux genres musicaux : jazz, reggae, funk, musique sud-américaine, africaine. Cela a enrichi la scène musicale française avec des influences variées. En tant qu'écrivain et poète, il avait une maîtrise des mots incomparable. Je recommande de lire ses textes comme de la poésie, sans la musique.
Le 11 mars 1984, en direct sur l’antenne de TF1, Serge Gainsbourg mit feu à l’emblématique coupure nationale, le billet de 500 francs, sous les yeux de millions de téléspectateurs. Chacun s’en souvient, même ceux qui n’étaient pas nés. Le geste insensé enflamma alors les esprits des Français et demeure, quarante années plus tard, dans tous les souvenirs comme le symbole ultime des provocations régulières d’un artiste en marge du commun.
"Je ne suis pas de ce monde. Je ne suis d’aucun monde", confessait Gainsbourg comme pour trouver une raison à ses blessures terriennes, à son désespoir. Cette considération de son être propre, accompagnée d’une quête éperdue de liberté, encouragea une forme de décalage au monde qui lui valut, en d’innombrables occasions, mille incompréhensions du public. En effet, avant-gardiste en chaque discipline, il était de ces hommes qui marquent en toute occasion et qui jamais ne laissent sans opinion, qu’on abhorre ou qu’on adore. La genèse de cet acte incendiaire trouve sa source en de multiples circonstances, faits et causes, nous le verrons. L’onde de choc nationale qu’il généra fut infinie et marquante pour tous. Ce billet enflammé étant devenu le témoin d’un temps, sorte de photographie de la société française marquée de socalisme dans toutes ses béatitudes et tourments.
Gainsbourg et la célébrité: une connexion unique avec le public
Amal Dadolle : Gainsbourg a toujours entretenu une relation particulière avec son public. Comment son approche de la célébrité diffère-t-elle de celle d'autres artistes de son temps? Julien Paganetti : À l'époque, il y avait peu de chaînes de télévision et pas de réseaux sociaux. Des personnalités comme Gainsbourg ou Coluche étaient omniprésentes dans les médias car elles attiraient le public. Gainsbourg, notamment, se plaisait dans un rôle quasi paternaliste avec les jeunes, les appelant affectueusement. Il était très fier de cette proximité. Amal Dadolle : Vous abordez dans votre livre comment Gainsbourg utilisait son art pour faire face à ses propres démons. Comment cela se traduit-il dans ses textes et sa musique? Julien Paganetti : Ses textes sont souvent négatifs et désespérés, reflétant des ruptures et des amours perdus, comme dans "Je suis venu te dire que je m'en vais". Il transforme sa souffrance en œuvres d'art tragiques. Amal Dadolle : La provocation artistique est centrale dans votre ouvrage. Comment peut-on interpréter la provocation comme une forme d'expression authentique plutôt qu'un simple désir de choquer? Julien Paganetti : Pour Gainsbourg, la provocation n'était jamais gratuite. Il y avait toujours un message derrière, que ce soit sa critique de l'imposition ou sa réinterprétation de la Marseillaise. Sa provocation servait à véhiculer des idées, pas juste à choquer. Amal Dadolle : Comment Gainsbourg a-t-il allié musique, cinéma, et arts plastiques pour créer un univers si distinct? Julien Paganetti : Gainsbourg était un créatif polyvalent, touchant à tout : musique, cinéma, publicité. Il a travaillé avec et pour de nombreux artistes, apportant toujours une touche novatrice et diversifiée à ses œuvres.Le processus créatif de Gainsbourg : De l'inspiration à la musique
Amal Dadolle : Comment se déroule le processus créatif de Gainsbourg? Julien Paganetti : Tout part d'un mot pour Gainsbourg. Il s'inspire de la littérature, de la musique classique, et de ses propres expériences pour créer. Il cherchait toujours à incorporer diverses influences dans son travail. Amal Dadolle : En tant que connaisseur de l'art et de la musique, comment évaluez-vous l'influence durable de Gainsbourg sur les artistes contemporains et la culture populaire? Julien Paganetti : Son influence est remarquable. Après sa mort, son œuvre a été redécouverte et appréciée mondialement, en particulier aux États-Unis, où il est vu comme un artiste punk et underground. Sa capacité à manipuler les mots et à innover musicalement continue d'inspirer les artistes à travers le monde.Gainsbourg : troubadour des temps modernes et miroir de la société
Notre conversation avec Julien Paganetti nous invite à embrasser la complexité de l'existence. Gainsbourg, artiste indompté et éternel chercheur de vérité, se révèle à travers la flamme du scandale comme un philosophe déguisé en troubadour des temps modernes. Dans la lignée des penseurs de la Renaissance, qui voyaient en chaque expérience une leçon de vie, notre échange nous exhorte à reconnaître dans les provocations de Gainsbourg non pas de simples actes de rébellion, mais les reflets d'une société en perpétuelle mutation. En tissant des liens entre l'art et l'âme, Julien Paganetti nous guide sur les chemins moins fréquentés de la compréhension humaine, là où l'art se fait écho des turbulences et des aspirations profondes de l'esprit. Alors que nous refermons les pages de cette conversation, nous emportons avec nous l'idée qu'à travers l'art, chaque scandale, chaque note, chaque parole peut devenir un pont jeté par-dessus le tumulte de notre monde, une passerelle vers un dialogue plus riche avec soi-même et avec les autres. Et c'est peut-être là la plus belle leçon de Gainsbourg, magnifiquement restituée par Julien Paganetti. Le courage de dévoiler nos contradictions et nos failles n'est pas pour y succomber, mais pour mieux transcender les limites de notre condition humaine.
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