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Publié le 28/06/2023, mis à jour le 12/07/2023
Connaissance de soi
Comment développer son ouverture d’esprit pour exceller?
Qu’est ce que l’ouverture et en quoi est-elle importante?
Au même titre que le courage ou la bienveillance , l’ouverture d’esprit est une qualité autant revendiquée que rare.
Il est, effectivement, assez commun d’être entouré de personnes qui vous assurent être ouvertes d’esprit. Et qui grincent des dents dès que vos convictions écologistes ou opinions politiques divergent des leurs.
Au-delà de ce constat qui prête à sourire ou à l’agacement, l’ouverture d’esprit est perçue comme une «gentille» qualité. Une valeur morale qui nous rend plus tolérants, plus aimables; ce qui suffirait à justifier le bien-fondé de son développement.
Cette approche n’est évidemment pas fausse, mais elle omet trop souvent l’aspect pragmatique et intéressé de cette qualité.
L’ouverture d’esprit se définit comme la capacité à renouveler sa pensée et/ou à penser autrement. Autrement dit, à faire preuve d’agilité mentale.
Ce qui, en soi, demande beaucoup d’efforts avant qu’elle puisse devenir un réflexe.
Des efforts néanmoins récompensés et qui s’étendent bien au-delà de la bonhomie, puisque l’ouverture d’esprit est un agent de l’excellence. Elle permet d’accéder à la performance et d’affiner son talent.
Elle mérite donc que l’on s’arrête quelques instants pour comprendre ce qui la caractérise, ce qui la freine et dans quelle condition elle peut se transmettre.
C’est tout l’enjeu de l’ouvrage Think Again (Alisio) d’Adam Grant, enseignant en management et en psychologie des organisations à la Wharton School. Également auteur à succès et entrepreneur, il a été consultant auprès de Google, Pixar, la NBA et de la Fondation Gates.
Dans la liste des obstacles empêchant l’ouverture d’esprit, le premier d’entre eux à de quoi surprendre puisqu’il s’agit de l’intelligence.
Quels sont obstacles à l’ouverture d’esprit ?
Les biais de confirmation et de désirabilité
Intuitivement, nous associons une grande intelligence à l’ouverture d’esprit, car nous pressentons qu’un mental puissant est forcément agile. Or, puissance de réflexion et agilité mentale sont deux aptitudes différentes qui ne se rejoignent pas toujours. Albert Einstein, qui avait bouleversé la physique avec la théorie de la relativité, n’a pas su reconnaître toute la pertinence de la révolution quantique. Mike Lazaridis, le génial concepteur du BlackBerry, n’a pas senti la nécessité de repenser son téléphone à l’arrivée de l’IPhone. Ces deux exemples font écho à des récentes recherches évoquées par Adam Grant selon lesquelles «plus une personne est intelligente, plus elle peut avoir des difficultés à actualiser ses croyances.» Ces études sont corroborées par deux autres. La première étude de l'université de New York, souligne que plus notre QI est élevé, plus nous repérons rapidement les schémas sociaux et plus nous tombons facilement dans les stéréotypes. Néanmoins, elle démontre aussi que lorsque ces personnes au QI élevé sont confrontées à de nouvelles informations, elles sont davantage capables de réévaluer leurs idées. La seconde étude de Cambridge révèle qu’une personne douée en mathématiques peut perdre tout son sens d’analyse quand le sujet revêt une charge émotionnelle. Elle manipule alors les chiffres à sa convenance pour leur faire dire ce qu’elle veut. Ainsi en fonction de leur idée politique, les mathématiciens-libéraux évaluaient moins bien les données indiquant qu'interdire les armes ne fonctionnait pas. Tandis que les conservateurs avaient plus de difficultés à évaluer les preuves indiquant qu'interdire les armes fonctionnait. Une troisième étude de l'université James Madison vient expliquer ce phénomène. Les personnes très intelligentes ne sont pas mieux armées que les autres pour se protéger des deux biais cognitifs faisant obstacle à l’ouverture d’esprit:- Le biais de confirmation (je vois ce que je m’attends à voir)
- Le bais de désirabilité (je vois ce que je veux voir)
L’attachement à son identité
Il n’est pas jamais facile de se libérer de ses biais cognitifs tant ils sont inconscients. Mais pour ce qui concerne ces deux-là, la solution est assez accessible. Elle est inspirée d’une confidence de Daniel Kahneman, lauréat du Prix Nobel et qui à publié en 2021 le livre "Pourquoi nous faisons des erreurs de jugements et comment les éviter?" A Adam Grant, Kahneman confie: «Je changement tellement vite d'avis que cela rend fous mes collaborateurs. Je ne m'attache que provisoirement à mes idées. Je n'ai aucun amour inconditionnel envers elles.» C’est justement l’attachement pour ses idées qui est le terreau des biais de confirmation et de désirabilité. Et si nous sommes si attachées à nos idées, c’est parce que nous en faisons les étendards de notre identité. Cet attachement se manifeste de manière double.- L’attachement du moi présent au moi passé. Ce qui permet de nourrir un sentiment de cohérence et d’intégrité. Le fil rouge de notre vie est clairement identifiable, ce qui nous rassure et conforte notre identité.
- L’attachement de notre identité à nos opinions. Une grande majorité des gens se définissent en termes de croyances, d’idées et d’idéologie. Ce qui, là encore, les rassurent en donnant un sens à leur identité mais qui empêche toute ouverture d’esprit (combien même elles prétendent le contraire).
Quels sont les comportements aptes à l’ouverture d’esprit ?
Adopter l’état d’esprit scientifique
Il y a déjà 20 ans, les chercheurs ont mis en évidence trois différents états d’esprit lorsque nous réfléchissons et échangeons.- Le prédicateur qui s’enclenche lorsque nous sentons nos idées menacées. Sans nous en rendre compte, nous prononçons alors des sermons pour défendre nos points de vue.
- Le procureur quand nous décelons une faille ou une erreur dans le raisonnement d’autrui.
- L’homme politique quand nous faisons du prosélytisme en cherchant à convaincre les autres.
L’humilité, le doute et la curiosité
L’avantage de la curiosité est incontestable. Avec elle, nous pouvons lutter contre les biais de confirmation en cherchant des informations contraires à nos idées. Et en nous y intéressant réellement. L’avantage du doute et de l’humilité l’est moins, tant ces termes son mal compris. Par exemple, peu de personnes savent que l’étymologie latine de l’humilité signifie ce qui vient de la terre (humus). L’humble n’est donc pas celui qui se sous-estime ou manque de confiance en lui. Il est celui qui sait garder les pieds sur terre et avance vers son but en ayant conscience de ses qualités et de ses manques. L’humble est, finalement, celui qui a atteint une parfaite confiance en soi. Celle qui ne sombre ni dans l’égo surdimensionné ou inexistant. La confiance en soi et l’excellence se nourrissent de doutes constructifs. Ces doutes ne nous paralysent pas, mais nous poussent à devenir meilleurs en travaillant davantage et plus intelligemment. Par exemple, vous pouvez avoir foi en votre capacité à réussir votre reconversion professionnelle, mais vous pouvez douter sur la pertinence des outils dont vous disposez. Par ailleurs, les recherches de David Denning et de Justine Kruger ont démontré que plus les gens débordaient de confiance en eux, plus ils manquaient de compétences. Plus intéressant, Grant évoque une étude très récente démontrant que les personnes qui réussissent le mieux sont sujettes au fameux syndrôme de l’imposteur. Dans la presse, l’auteur avance même que ce syndrôme est un précurseur de croissance en talent et performance. Reste encore à déterminer dans quels contexte et mesure, il devient un avantage ou un inconvénient. Ce travail sur soi ne saurait être complet sans l’intervention et l’accompagnement de son entourage. Pour ce faire, Adam Grant encourage vivement à rendre l’ouverture d’esprit contagieuse.Comment rendre l’ouverture d’esprit contagieuse?
Conseils pour favoriser l’ouverture d’esprit au quotidien
- Demandez à un ami, un conjoint ou un parent s'il s'est récemment remis en question. Ou lancez une conversation sur les moments où vous avez changé d'avis.
- Avoir un réseau de soutien, c’est bien. Avoir un réseau de soutien et de stimulation, c’est mieux.
- Ne craignez pas le conflit.
- Dans vos échanges, émettez davantage de questions que d’affirmations. Surtout, si vous voulez entendre le fond d’une pensée.
- Enfin, et surtout, face aux questions controversées ou complexes, la nuance doit toujours le dernier mot.
Comment pour favoriser l’ouverture d’esprit chez les enfants ?
Pour finir, voici trois petits conseils simples pour éveiller l’ouverture d’esprit des enfants:- Une fois par semaine, choisissez un sujet à discuter et faites le point sur l’état de vos connaissances et de vos idées reçues.
- Invitez les enfants à multiplier les brouillons et à solliciter l'avis des autres. Quand un de vos petits revient avec le dessin d’une maison, donnez-lui quelques astuces pour qu’il recommence et améliore sa maison. Cela l’aidera à se montrer créatif, à accepter la confusion et à ne pas obtenir la perfection au premier essai.
- Enfin, arrêtez de demander à vos enfants ou ados ce qu’ils veulent faire plus tard. Très souvent, ils n’en savent rien. Mais surtout, cela peut leur faire créer une identité professionnelle précoce et réduire inconsciemment leurs options.
Source: Adam Grant, Think Again, éditions Alisio, 2023
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Publié le 28/06/2023, mis à jour le 12/07/2023