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Publié le 24/05/2023, mis à jour le 14/08/2024
Développement & éducation des enfants
Quelles sont les limites et les dérives de l’éducation positive?
Inscrivez-vous à notre conférence en ligne avec le Dr en psychologie Didier Pleux pour en parler !
Quel est le paradoxe de l’éducation positive à la française?
L’éducation positive rend malheureux
L’éducation positive, aussi appelée éducation bienveillante, s’est construite sur une belle et simple théorie. Ce n’est que dans l’amour et dans l’échange d’égal à égal entre parent et enfant que ce dernier peut devenir un adulte épanoui et responsable.
Cette éducation a séduit (et continue de séduire) beaucoup de parents.
Un charme qui se comprend aisément au regard de l’éducation autoritaire, «à l’ancienne», que ces parents ont connu durant leur enfance.
Une éducation au mieux lacunaire sur le plan affectif, au pire violente et maltraitante. L’enfant était sommé d’obéir et de faire le moins de bruit possible pour ne pas déranger les adultes.
Cette éducation a fait le nid de nombreuses blessures d’enfance et de difficultés réelles à l’âge adulte.
Pour autant, si l’éducation à l’ancienne est à proscrire, est-ce que sa parfaite antithèse, l’éducation positive, est-elle totalement louable?
La réponse est non selon Didier Pleux, docteur en psychologie du développement, psychologue clinicien, psychothérapeute et auteur de référence sur l’éducation des enfants.
Son dernier ouvrage «L’éducation bienveillante, ça suffit!» (Odile Jacob) démontre tout le paradoxe de cette méthode éducative.
Alors que son but est de faire s’épanouir l’enfant dans le bonheur, celui-ci ne devient pas forcément un adulte heureux. Et il devient encore moins un adulte responsable et respectueux des autres.
En fait, l’éducation positive tend à créer des enfants-rois qui évoluent en ados tyranniques pour finalement devenir des adultes égocentriques et parfaitement détestables.
Quant aux parents, l’éducation positive donnée à leurs enfants les épuise et peut même les rendre malheureux.
La particularité de l’éducation positive à la française
Comment l’éducation positive dessert-elle les enfants?
L’enfant-roi ou l’égo hypertrophié
Avec Isabelle Filliozat, la pédiatre Catherine Gueguen est l’une des auteures phares de l’éducation positive. Parmi ses positions, Gueguen affirme que l’enfant roi est le produit d’une éducation excessivement autoritaire. Or, selon Didier Pleux, les foyers maltraitants engendrent plutôt des enfants soumis et étouffés dans leur personnalité. Certains deviennent des rebelles, mais beaucoup s’éteignent et deviennent des «murs». Seule l’éducation positive engendre des enfants-rois. C’est le cocktail d’une éducation basée sur l’absence de toute frustration couplée à une survalorisation de l’enfant. Mais ce cocktail est justifié par des études en neurosciences ayant démontré que les conflits provoquaient des dommages neuronaux collatéraux. Or, c’est une lecture un peu rapide. Ce qui provoque des dommages neuronaux, ce sont les maltraitances quotidiennes portées sur des années ou un traumatisme conséquent (type viol). En aucun cas, les conflits ponctuels n’endommagent quoi que ce soit. Ils sont même doublement nécessaires. Tout d’abord, selon les travaux d’Antonio Damasio, quand un conflit s’enclenche, le cerveau de l’enfant reçoit de nouvelles données. Celles-ci conduisent à un nouvel agencement neuronal qui vient réguler les émotions et les comportements. Ensuite, ce n’est pas le contentement qui nous donne le désir de vivre mais le manque et la frustration. Ce sont ces ingrédients qui cultivent notre goût de l’effort et sont à la base de nos rêves et de nos ambitions. Moins un enfant est confronté aux frustrations, plus il a de grandes chances de se centrer sur sa petite personne et son petit plaisir immédiat. Sûr de sa valeur et de son bon droit, il sera incapable de faire preuve d’empathie et aura tendance à chosifier les autres. Autrement dit, tout ne sera que calcul. Son entourage n’aura de valeur que s’ils répondent à ses attentes et ses exigences.Une vulnérabilité existentielle à venir
Les principes de l’éducation positive consacrés à l’enfant ne changent guère pour l’adolescent. Si on analyse les thèses d’Isabelle Filliozat, l’ado n’est responsable de rien. La recherche du plaisir à tout crin, les colères, la paresse et l’insolence ne sont que la conséquence de son immaturité neuronale et de ses hormones. Vous ne pouvez rien faire d’autre que de l’accompagner dans la bienveillance et l’empathie. Ce qui est totalement absurde pour Didier Pleux. Plus que jamais, le parent doit intervenir et aider son ado à ne pas se laisser contrôler par son cerveau et à réguler ses comportements. C’est de cette façon que l’ado évitera de tomber dans le circuit addictif du plaisir immédiat et d’être armé face aux aléas de la vie. Le cocooning parental et la surprotection fragilisent l’adolescent dans sa capacité à pouvoir répondre et encaisser un échec relationnel, sentimental, scolaire ou professionnel. Et même s’ils chutent, leur égo hypertrophié les empêche de se remettre en question et de se responsabiliser. Tout ce qui leur arrive de négatif est systématiquement la faute des autres ou celle d’un environnement dysfonctionnel. Au fond, être protégé de toute frustration durant sa jeunesse revient peu ou prou à grandir dans un milieu stérilisé. On se construit un microbiote et un système immunitaire fragiles qui se font tuer par le premier microbe venu. C’est pourquoi, pour le bien des enfants, il importe que les parents puissent entendre que le manque d’éducation à la frustration est aussi nuisible que le manque d’amour. Cela suppose de cultiver la bonne posture, qui est celle de la bonne autorité.Comment s’instaure une bonne autorité?
Oublier la quête du sens pour retrouver le bon sens
L’un des grands torts de l’éducation positive est d’avoir désarmé les parents en leur assénant des éléments d’études psychologiques sans leur fournir de solutions. Parmi ces éléments, le plus fameux d’entre eux étant: «si le parent est lui aussi porteur d'émotions négatives face au comportement de son enfant, c'est que son histoire, son passé d'enfant resurgit.» Il est reconnu que beaucoup de nos attitudes parentales sont issues de notre passé. C’est pourquoi il est difficile d’avoir la bonne distance avec son enfant. Et c’est ce qui explique aussi pourquoi il est important de ne pas tout mélanger en effectuant un travail cognitif. Ce travail consiste à penser sa vie, ses ressentiments et ses joies pour en faire une synthèse réfléchie et rationnelle. De cette façon, on est moins soumis à nos émotions devant le comportement de nos enfants. L’éducation positive, au contraire, encourage le parent à entrer en empathie avec son enfant pour comprendre ses ressentis. Ce glissement émotionnel réveille des cicatrices ou des carences affectives qui viennent submerger le parent et l’empêcher de faire preuve de bon sens. Didier Pleux raconte qu’une patiente appelée Diane se trouve désemparée devant le refus catégorique de son fils de s’impliquer à l’école. Elle dit avoir du mal à le raisonner car cela lui rappelle ses propres conflits d’enfance avec sa mère. Cette mère se montrait excessivement exigeante avec Diane, au point de la terroriser et de la dégoûter de l’école. Or, elle a l’impression que la situation se répète. Seulement, il n’en est rien. Si la petite Diane avait besoin de sécurité et d’affection, son fils, lui, a besoin d’être cadré. Un précepte qui n’est pas au goût de l’éducation positive.Le retour des bons vieux cadres
Selon Françoise Dolto, pour qu’un enfant s’épanouisse, il ne doit être soumis et conditionné par aucun cadre. Dans son ouvrage Les étapes majeures de l’enfance, la pédiatre écrit: «Nous imposons [à l’enfant] de bonnes habitudes qui sont seulement des violences faites à sa liberté de vivre.» L’éducation positive actuelle ne s’est pas éloignée de ce principe. Toutefois, la théorie de Dolto et de ses héritiers n’a pas que des adhérents. Des travaux issus du professeur de psychologie de l’éducation, M. Bernard, ont démontré tout l’inverse. Les habitudes forgent les caractères et les mœurs. Se laver, se brosser les dents, aller à l’école, au sport, au travail etc. Ce sont des activités pas toujours plaisantes mais si nous y allons, c’est parce que nous avons forgé des habitudes. Si nous ne comptions que sur notre motivation, nous serions nombreux à rester au lit. Instaurer des règles de vie (habitudes) non négociables n’est pas faire de l’autoritarisme mais faire preuve d’autorité. Dans le premier cas, on agresse, on détruit, on ignore les difficultés. Dans le second cas, on accompagne, on enseigne, parfois on impose, on interdit ou on a recourt à la sanction. La bonne autorité est celle qui sait respecter l’équilibre entre l’amour et la frustration. Et si jamais il est trop tard, si les parents sont débordés par un Néron de 15 ans ancré dans ses habitudes addictives et sa désertion scolaire, il n’y a qu’une seule solution. Celle de la rupture relationnelle provisoire. Cela implique de contacter l’assistance sociale et de faire appel à un juge des enfants pour envoyer l’ado dans une famille d’accueil. C’est dur et la majorité des parents refusent de passer à l’acte. Pour éviter ce douloureux écueil, Didier Pleux rappelle les trois principes d’une éducation rationnelle.Quels sont les principes d’une éducation rationnelle?
Les trois acceptations de l’éducation rationnelle
L’éducation rationnelle entend équilibrer le principe de plaisir avec celui des réalités en aidant l’enfant à construire trois acceptations :-
L’acceptation inconditionnelle de soi
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L’acceptation inconditionnelle des autres
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L’acceptation inconditionnelle du réel qui est le difficile apprentissage de la tolérance aux frustrations
La mesure d’une éducation réussie
Arrivé à la fin de cette chronique, il convient d’apporter deux précisions. Il ne serait pas surprenant que l’essai de Didier Pleux soit comparé à un règlement de compte. Il s’en défend pourtant en partageant cette conviction suivante:«Je ne doute pas qu'Isabelle Filliozat comme Françoise Dolto à son époque, et comme beaucoup de personnes séduites par l'éducation bienveillante, veulent avant tout le bonheur des enfants. Mais adhérer dogmatiquement à ces hypothèses éducatives, c'est faire fausse route.»Tout ce qui est dit dans les livres sur l’éducation positive n’a pas à être jeté, mais doit être sérieusement nuancé. Ce qui implique de ne pas ériger ces théories en dogmes. La parentalité est un art délicat. Et pour savoir si nous faisons bonne route, complétons par une pensée de la très célèbre Maria Montessori: «Une manière de mesurer la pertinence d’un modèle éducatif est le niveau de bonheur d’un enfant.» Rajoutons également, le niveau de bonheur de l’adulte qu’il est devenu.
Source: Didier Pleux, L’éducation bienveillante, ça suffit!, Odile Jacob, 2023
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